SR2 2019 IN
Certaines tiges de pompage
Énoncé des motifs

Ottawa, le 9 avril 2020

De l’acceptation d’engagements, de la suspension de l’enquête en dumping et de la perception des droits provisoires, concernant certaines tiges de pompage originaires ou exportées de l’Argentine, du Brésil et du Mexique.

Décision

Conformément au paragraphe 49(1) et à l’article 50 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, l’Agence des services frontaliers du Canada accepte des engagements en matière de prix et suspend son enquête sur le présumé dumping dommageable, au Canada, de certaines tiges de pompage originaires ou exportées de l’Argentine, du Brésil et du Mexique, ainsi que la perception de droits provisoires sur ces marchandises.

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Résumé de l’affaire

[1] Le 9 août 2019, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a reçu une plainte d’Apergy Canada ULC–Alberta Oil Tool Division (ci-après « AOT » ou « la plaignante »), d’Edmonton (Alberta), comme quoi il y aurait dumping dommageable de certaines tiges de pompage originaires ou exportées de l’Argentine, du Brésil et du Mexique (ci-après « les pays visés »). La plaignante affirmait que le dumping avait causé déjà, et menaçait de causer encore, un dommage à la branche de production nationale (canadienne) qui produisait des marchandises similaires.

[2] Le 30 août 2019, conformément à l’alinéa 32(1)a) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation (LMSI), l’ASFC a informé la plaignante que son dossier de plainte était complet. Elle a également fait savoir aux ambassades des pays visés qu’elle avait reçu un dossier de plainte complet.

[3] La plaignante a fourni des preuves à l’appui de ses allégations comme quoi il y aurait eu dumping de certaines tiges de pompage en provenance des pays visés (ci-après « les marchandises en cause »). Il y avait aussi des indications raisonnables que ce dumping avait causé déjà, et menaçait de causer encore, un dommage à la branche de production nationale.

[4] Le 30 septembre 2019, conformément au paragraphe 31(1) de la LMSI, l’ASFC a donc ouvert une enquête en dumping sur les marchandises en cause.

[5] Sitôt avisé de cette enquête, le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE) a ouvert sa propre enquête préliminaire en dommage conformément au paragraphe 34(2) de la LMSI pour savoir si la preuve donnait une indication raisonnable que le dumping présumé avait causé ou menaçait de causer un dommage à la branche de production nationale.

[6] Le 29 novembre 2019, conformément au paragraphe 37.1(1) de la LMSI, le TCCE a rendu une décision provisoire comme quoi tel était bien le cas.

[7] Puis, le 30 décembre 2019, par suite de son enquête préliminaire et conformément au paragraphe 38(1) de la LMSI, l’ASFC a rendu une décision provisoire de dumping à l’égard des marchandises en cause. Le même jour, conformément au paragraphe 8(1) de la LMSI, des droits provisoires ont été imposés sur les importations de marchandises sous évaluées de même description que celles auxquelles la décision s’appliquait et qui seraient dédouanées dans la période commençant le jour de la décision provisoire.

[8] Le 15 janvier 2020, l’ASFC a reçu trois projets d’engagement distincts des trois exportateurs dans les pays visés. Conformément au paragraphe 49(5) de la LMSI, les projets d’engagement ont été mis à la disposition des parties intéressées pendant neuf jours pour que ces dernières puissent exprimer leurs observations.

[9] Le 28 février 2020 l’ASFC a reçu, de la part des trois exportateurs, de nouveaux projets d’engagements en matière de prix, qui devaient primer sur les anciens et donc les révoquer. Encore une fois, toutes les parties intéressées ont disposé de neuf jours pour faire des observations.

[10] Puis, le 20 mars 2020, l’ASFC a accepté les engagements des exportateurs des pays visés conformément au paragraphe 49(1) de la LMSI; du coup, elle a aussi suspendu son enquête et la perception des droits provisoires en application de l’alinéa 50a) et du sous-alinéa 50a)(ii), respectivement, de la même loi.

[11] Puisque les engagements acceptés par l’ASFC couvrent l’ensemble des marchandises sous-évaluées, leur observation éliminera les dommages causés à la branche de production nationale par le dumping des marchandises en cause.

[12] Un avis d’acceptation des engagements a été communiqué au TCCE le jour même conformément au sous-alinéa 50a)(iv) de la LMSI; en conséquence, le 20 mars 2020, le TCCE a suspendu sa propre enquête en dommage conformément à l’alinéa 50b).

Période visée par l’enquête

[13] La période visée par l’enquête en dumping allait du 1 juillet 2018 au 30 juin 2019.

Parties intéressées

La plaignante

[14] La plaignante, AOT, est un fabricant et fournisseur de produits d’acier pour l’exploitation gazière et pétrolière. C’est la seule entreprise au Canada à fabriquer des tiges de pompage en acier massif. Son usine se trouve à Edmonton, en Alberta. Sa gamme de produits comprend les tiges de pompage conventionnelles, les tiges de spécialité « Drive Rods® » pour pompes à rotor hélicoïdal excentré, les tiges polies, les barres de charge, les tiges de pompage courtes et les accouplements de tiges de pompage avec tiges polies. L’entreprise fabrique aussi d’autres produits tubulaires pour l’exploitation pétrolière, y compris des joints de tubes courts, dans une autre usine de la même villeNote de bas de page 1.

[15] La plaignante assure seule toute la production canadienne de marchandises similaires.

[16] Son nom et son adresse sont les suivants :

Apergy Canada ULC–Alberta Oil Tool Division
6939, 68e Avenue
Edmonton (Alberta)  T6B 3E3

Les exportateurs

[17] En se fiant à la plainte et à ses propres documents d’importation, l’ASFC a recensé au début de l’enquête trois producteurs/exportateurs potentiels des marchandises en cause, établis dans les pays visés. Elle leur a adressé à tous une demande de renseignements (DDR) en dumping.

[18] Les trois producteurs/exportateurs ont répondu. Il s’agit de Metalmecánica (MM) S.A.Note de bas de page 2 (d’Argentine), de Tenaris Confab Hastes de Bombeio (TCHB) S.A.Note de bas de page 3 (du Brésil) et de Tubos de Acero de México (TAMSA) S.A.Note de bas de page 4 (du Mexique). Tenaris Global Services S.A. Uruguay (TGSU)Note de bas de page 5, société de logistique servant aussi d’intermédiaire pour les ventes entre les exportateurs et l’importateur au Canada, a aussi fait une réponse. Toutes ces entreprises sont liées entre elles.

Les importateurs

[19] En se fiant à la plainte et à ses propres documents d’importation, l’ASFC a recensé au début de l’enquête un seul importateur potentiel des marchandises en cause : Tenaris Global Services (Canada) Inc. (TGS Canada)Note de bas de page 6, et ce dernier a répondu à la DDR distincte qu’elle lui a adressée. C’est une entreprise liée aux trois producteurs/exportateurs des pays visés.

Les produits

Définition

[20] Dans l’enquête qui nous intéresse, les marchandises en cause sont définies comme suit :

Tiges de pompage, y compris les tiges de pompage courtes, avec ou sans guides ou manchons, conformes à la spécification 11B de l’American Petroleum Institute (API), aux normes équivalentes et aux normes exclusives, finies ou semi finies, faites d’acier massif (y compris l’acier au carbone, allié ou de nuances spéciales), dont le corps fait au plus 63,5 mm (2,5 po) de diamètre, plus ou moins les écarts admissibles, originaires ou exportées de la République argentine, de la République fédérative du Brésil et des États-Unis du Mexique.

Précisions

[21] Les tiges de pompage sont des segments d’acier, dont les extrémités comportent habituellement des filets externes, et qui sont reliés par des accouplements pour former un train de tiges. La ou les pompes au fond du puits de pétrole ou de gaz sont reliées au bloc moteur en surface par le train de tiges. Ces tiges font généralement 25 pi, mais peuvent aussi être plus longues.

[22] Les tiges de pompage dites « courtes » servent à obtenir la bonne longueur de train là où une tige ordinaire le rendrait trop long. Les tiges courtes sont reliées les unes aux autres, ou avec des tiges de pompage ordinaires, par des accouplements. Elles font généralement 1, 2, 4, 6, 8, 10 ou 12 pi de longueur, et le même diamètre que les tiges de pompage de leur train.

[23] Les tiges de pompage sont considérées comme « semi finies » après que les barres massives (l’intrant) ont été forgées en ce qui ressemble essentiellement à des tiges de pompage, ce qui consiste habituellement à travailler les extrémités pour former l’épaulement, le pan de manœuvre et l’extrémité refoulée.

[24] Le diamètre indiqué est toujours le diamètre extérieur du corps de la tige; il n’est jamais celui d’aucune partie des extrémités forgéesNote de bas de page 7.

[25] Les « nuances spéciales » d’acier mentionnées dans la définition de produits sont les nuances exclusives et autres qui ne répondent pas nécessairement aux spécifications de l’industrie.

Il est entendu que la définition de produits ne comprend pas :

[26] Une seule tige polie raccorde le reste du train de tiges au mécanisme d’entraînement en surface. Une tige polie est une tige spéciale requise pour résister à l’exposition aux conditions à la surface, contrairement aux tiges de pompage, qui demeurent sous terre pendant toute la durée de leur utilisation. La mise en place de la tige polie nécessite une évaluation des dimensions et des caractéristiques qui la rendent différente d’une tige de pompage.

[27] Une « barre de charge » se trouve à l’extrémité opposée à la tige polie, puisqu’elle raccorde le train de tiges à la pompe. Elle ajoute au poids de l’outil, pour que celui ci descende correctement dans le puits.

[28] Une tige de pompage en fibre de verre se fabrique généralement en trois pièces, et elle s’assemble selon un procédé qui assure la connexion de deux raccords d’extrémités métalliques avec un corps de tige non métallique (en plastique renforcé par des fibres).

[29] Une tige de pompage « creuse » est un tube en acier sans soudure, dont le joint fileté se raccorde au corps de tige par soudage par friction et traitement thermique. Les tiges de pompage creuses servent pour l’exploitation du pétrole lourd, du pétrole à point de congélation élevé, et du pétrole brut paraffineux; parce que creuses, elles permettent d’injecter des diluants dans une pompe à rotor hélicoïdal excentré. Rien n’indique, cependant, que de telles tiges soient fabriquées au Canada.

[30] Une tige de pompage « continue » est un train de tiges en un seul morceau. Les tiges de pompage continues sont offertes en configuration ronde ou elliptique; en les utilisant, on se trouve à éliminer tous les accouplements dans le puits de forage, à part celui avec la tige polie à l’extrémité supérieure et celui avec la pompe à l’extrémité inférieure.

FabricationNote de bas de page 13

[31] Les marchandises en cause sont fabriquées dans le monde entier, sensiblement de la même manière.

[32] Des tiges d’acier sont la matière première pour les tiges de pompage. En Amérique du Nord, lorsqu’il est question des tiges d’acier adéquates, on parle habituellement de qualité spéciale de tige (QST), mais ce n’est pas une expression strictement normalisée. Dans certains cas, y compris dans d’autres pays, l’intrant pourrait être appelé une « tige façonnée » ou de l’« acier marchand ». Au bout du compte, toute tige d’acier qui respecte les exigences pertinentes (sur le plan chimique, mécanique, des dimensions, etc.) peut servir d’intrant.

[33] Les tiges de pompage d’AOT sont fabriquées à partir d’une QST modifiée, d’acier au carbone ou micro allié, laminée à chaud. La matière première des tiges de pompage est généralement d’une qualité nettement supérieure à celle de la plupart des barres d’armature pour béton par exemple, et présente beaucoup moins de risques de défauts ou de vices.

[34] La QST est fournie sous forme de longues barres d’acier et arrive aux installations d’AOT, où elle est inspectée et reçue dans l’inventaire. La QST est coupée à longueur pour des tiges de pompage de 25 pi. La QST est transférée à une machine à dresser, où elle est aplanie en passant dans des rouleaux dresseurs. Les tiges passent alors dans un appareil d’essai par courants de Foucault, ce qui sert à détecter les éventuels défauts en qualité de surface. Toutes les tiges acceptables sont mises en faisceaux, et les tiges rejetées, placées dans des poches de rejet.

[35] Les premières sont ensuite transférées dans des machines à forger. Chaque extrémité de tige (entre 8 et 14 po de matériau) est chauffée par induction jusqu’à 2 300 °F ±50 °F, puis refoulée aux dimensions spécifiées sur le dessin pour une extrémité. L’extrémité de tige est mesurée, et notée selon le plan qualité d’AOT. Une fois que l’une des extrémités est terminée, la tige est tournée sur 180 degrés, et l’autre extrémité subit le même traitement. Au cours du forgeage, les renseignements suivants sont estampillés sur les tiges de pompage : le nom d’AOT en tant que fabricant, les dimensions, le type de tige, la nuance, le code de chaleur et la date de fabrication.

[36] Après le forgeage, la tige est transférée dans le four de normalisation. Les tiges forgées sont placées sur des chaînes de transport qui les font circuler dans le four à une vitesse préréglée et à des températures du four supérieures à la température de transformation critique (1 550 °F à 1 675 °F, selon la nuance de finition souhaitée), où elles subissent des changements de microstructures bénéfiques. Essentiellement, le traitement thermique permet la recristallisation de l’acier, afin d’empêcher toute formation de défauts attribuables au travail du métal (au forgeage surtout).

[37] En sortant du four de normalisation, les tiges sont fragiles et présentent une mauvaise ductilité. Elles sont donc alors trempées. Lorsque les tiges sortent du four de normalisation, elles ne sont déplacées que lentement (pour refroidir à l’air un certain temps) vers le four à tremper, à une vitesse et une température préréglées. La vitesse et les températures dépendent encore une fois des nuances de finition, mais sont inférieures d’environ 500 °F aux températures de normalisation. Le trempage rend l’acier plus ductile et résistant.

[38] Les tiges sont alors transférées sur un autre transporteur, qui les fait passer dans la grenailleuse. Lors de ce processus, de petites billes métalliques sont projetées sur les tiges afin de produire des contraintes résiduelles compressives sur la surface des tiges. Ce processus améliore la résistance à la fatigue des tiges, ce qui en fait des produits de qualité supérieure comparativement à des tiges non grenailléesNote de bas de page 14.

[39] Les tiges sont ensuite placées dans des poches de table d’extrant, afin de leur permettre de refroidir jusqu’à la température ambiante. Une fois refroidis, les faisceaux de tiges sont acheminés vers des machines commandées par ordinateur, où les tiges seront usinées et leurs extrémités, filetées. AOT utilise des filets formés à froid sur ses tiges de pompage. Le processus de formation à froid consiste à déplacer du métal plutôt qu’à en retirer, afin de maintenir un grain d’acier uniforme. Ce procédé rend les filets plus résistants au cisaillement, au fléchissement et à la fatigue. Au besoin, des raccords sont fixés à une extrémité et des capuchons de protection en plastique de la tige sont ajoutés à l’autre extrémité.

[40] Les tiges usinées sont alors envoyées aux tables de peinture, où leur rectitude sera vérifiée. Les tiges qui ne sont pas entièrement droites sont redressées. Les tiges sont ensuite trempées dans une cuve de peinture. Les tiges peintes sont alors empilées afin de les regrouper et de les fixer ensemble à l’aide de sangles. Les tiges sont mises en faisceaux afin d’éviter tout dommage attribuable à la manutention lors du transport; les faisceaux sont ensuite placés dans la zone d’entreposage, où ils seront chargés sur des camions qui les transporteront chez les distributeurs.

UtilisationNote de bas de page 15

[41] Les tiges de pompage servent en extraction gazière et pétrolière. Elles forment un train de tiges qui relie le bloc moteur en surface à la pompe ou aux pompes au fond du puits. En effet, dans l’extraction du pétrole et du gaz, il faut un certain mécanisme d’entraînement pour donner la force motrice et la puissance nécessaires; celui-ci peut se trouver en surface ou sous terre, mais on n’utilisera de tiges de pompage que dans le premier cas.

[42] Le bloc-moteur en surface est raccordé physiquement à la pompe ou aux pompes sous terre par un train de tiges. Le train de tiges est principalement composé d’une série de tiges de pompage interconnectées. Le nombre et la longueur des joints de tubes courts peuvent varier considérablement d’un puits à l’autre, selon les diverses exigences établies par les ingénieurs des utilisateurs ultimes qui les achètent. Un train de tiges peut très bien comporter des douzaines ou des centaines de tiges de pompage, et se mesurer en milliers de pieds. Les trains de tiges au Canada mesurent habituellement 2 500 à 7 500 pi (environ 100 à 300 tiges de pompage de 25 pi chacune).

[43] Une pompe sous terre sera une pompe alternative ou une pompe à rotor hélicoïdal excentré, les tiges de pompage étant utilisées dans les deux types de pompe. Les pompes alternatives nécessitent un train de tiges pour bouger vers le haut et vers le bas dans le but d’extraire du pétrole ou du gaz. Pour ce type de pompe, qui est le plus traditionnel, le mécanisme d’entraînement sera raccordé à un balancier et une « tête de cheval », qui tireront ensuite le train de tiges vers le haut et le pousseront vers le bas.

Classement des importationsNote de bas de page 16

[44] Les marchandises présumées sous-évaluées se classent habituellement sous le numéro tarifaire suivant :

  • 8413.91.00.10

[45] Ce numéro est toutefois fourni à titre purement informatif; seule la définition de produits fait autorité au sujet des marchandises en cause.

Branche de production nationale

[46] Encore une fois, la plaignante assure toute la production canadienne de marchandises similaires.

Importations au Canada

[47] À la phase préliminaire de l’enquête, l’ASFC a précisé ses estimations du volume et de la valeur des importations, d’après ses documents d’importation et les réponses des importateurs et exportateurs.

[48] Les règles de confidentialité nous empêchent d’entrer dans le détail du volume et de la valeur des importations et de la production canadienne de tiges de pompage.

[49] Le tableau ci-dessous résume l’analyse qu’a faite l’ASFC des importations de tiges de pompage.

Importations de tiges de pompage
Période visée par l’enquête
Du 1 juillet 2018 au 30 juin 2019
Pays % du total des importations
Argentine 10,1 %
Brésil 5,1 %
Mexique 31,8 %
Tous les autres pays 53,0 %
Total des importations 100 %

Enquête en dumping

[50] L’ASFC a adressé à tous les exportateurs, producteurs, vendeurs et importateurs, connus et potentiels, des questionnaires sur leurs expéditions de tiges de pompage dédouanées au Canada dans la période visée par l’enquête.

[51] L’ASFC a aussi prévenu les producteurs/exportateurs que le défaut de suivre toutes les instructions de la DDR, de fournir toute l’information et les documents requis y compris les versions non confidentielles et y compris lors des visites sur place, ou encore de permettre la vérification de tout renseignement, les exposerait à ce que leurs marges de dumping et droits antidumping soient déterminés d’après les faits connus – et donc peut-être à leur désavantage.

[52] Les trois producteurs/exportateurs recensés ont répondu à leur DDR en dumping : rappelons qu’il s’agit de Metalmecá-nica S.A. (MM)Note de bas de page 17, de Tenaris Confab Hastes de Bombeio S.A. (TCHB)Note de bas de page 18, et de Tubos de Acero de México S.A.Note de bas de page 19; et que Tenaris Global Services S.A. Uruguay (TGSU)Note de bas de page 20 – société de logistique servant aussi d’intermédiaire pour les ventes entre les exportateurs et l’importateur au Canada – a aussi répondu à sa propre DDR en dumping.

[53] Toutes les réponses à la DDR en dumping étaient incomplètes. Des lettres détaillant les lacunes ont été envoyées à tous les exportateurs le 19 novembre 2019.

[54] Après avoir examiné la réponse de l’importateur, l’ASFC a adressé à ce dernier deux DDR supplémentaires (DDRS) pour lui demander des éclaircissements et des compléments d’informationNote de bas de page 21. TGS Canada a répondu aux DDRS, et l’ASFC a fait une visite sur place de ses installations à Calgary, en AlbertaNote de bas de page 22.

[55] Le 23 décembre 2019, l’ASFC a envoyé une seconde lettre aux exportateurs pour leur signaler que les réponses du 29 novembre 2019 étaient toujours incomplètesNote de bas de page 23.

[56] Le 30 décembre 2019, l’ASFC a rendu une décision provisoire concluant au dumping des marchandises en cause. Faute d’une réponse complète des exportateurs, elle a déterminé les valeurs normales et les prix à l’exportation exclusivement d’après les faits connus. Ainsi, la marge de dumping en pourcentage du prix à l’exportation serait de 30,5 % pour l’Argentine, de 27,3 % pour le Brésil, et de 48,9 % pour le Mexique.

[57] Le 10 janvier 2020Note de bas de page 24, l’ASFC a reçu des projets d’engagement en matière de prix de MM (Argentine), de TCHB (Brésil) et de TAMSA (Mexique), qui sont à l’origine de toutes les exportations des marchandises en cause vers le Canada. Par des consultations, l’ASFC a signifié aux exportateurs que les projets d’engagement seraient insuffisants pour éliminer le dommage causé par le dumping au Canada.

[58] Le 15 janvier 2020, l’ASFC a reçu des projets d’engagement en matière de prix révisés des trois exportateurs. Ces engagements en matière de prix devaient primer sur ceux présentés le 10 janvier 2020Note de bas de page 25. Conformément au paragraphe 49(5) de la LMSI, les projets d’engagement ont été mis à la disposition des parties intéressées pendant neuf jours pour que ces dernières puissent exprimer leurs observations.

[59] Le 24 janvier 2020, l’avocat de la plaignante a présenté des observations à l’ASFC concernant les projets d’engagement pris le 15 janvier 2020Note de bas de page 26.

[60] Le 28 février 2020Note de bas de page 27, l’ASFC a reçu des trois exportateurs des projets d’engagement en matière de prix qui devaient primer sur ceux présentés le 15 janvier 2020; des révisions mineures suivraient, le 6 marsNote de bas de page 28. Ces projets d’engagement ont à nouveau été mis à la disposition des parties intéressées pendant neuf jours pour que ces dernières puissent exprimer leurs observations.

[61] Enfin, le 9 mars 2020Note de bas de page 29, l’avocat de la plaignante a présenté des observations appuyant les projets d’engagement pris le 28 février 2020.

Engagements

[62] Après une décision provisoire de dumping par l’ASFC, un exportateur peut s’engager, par écrit, à réviser ses prix de vente au Canada de façon à éliminer la marge de dumping ou le dommage causé par le dumping. Pour être acceptable cependant, un engagement doit viser la totalité ou la quasi-totalité des exportations de marchandises sous-évaluées vers le Canada.

[63] Au sens de la LMSI, on parle d’engagement en matière de prix quand un exportateur s’engage, par écrit, à respecter des conditions précises dans ses exportations de marchandises au Canada pour que les prix éliminent, soit le dumping lui-même, soit le dommage que celui-ci causait au Canada. Un projet d’engagement sera rejeté s’il ne couvre pas au moins la quasi totalité des exportations au Canada de marchandises sous-évaluées, s’il fait augmenter le prix au-delà de la marge de dumping estimative, ou s’il s’avère impossible à exécuter pour l’ASFC.

[64] Dès l’acceptation d’un engagement, l’enquête est suspendue, sauf demande expresse en vertu du paragraphe 49(3) de la LMSI. La perception de droits antidumping cesse également, et l’ASFC commence alors à surveiller les importations de marchandises en cause pour s’assurer que les exportateurs respectent leurs engagements en matière de prix. Ces arrangements sont bénéfiques pour les producteurs canadiens puisqu’ils leur assurent la protection garantie par la loi sans les obliger à comparaître devant le TCCE, ce qui est risqué, coûte cher et prend beaucoup de temps.

[65] Le paragraphe 51(1) de la LMSI prévoit que, dans les 30 jours après que l’ASFC a accepté un engagement, mais avant que le TCCE ne rende d’ordonnance en vertu du paragraphe 43(1), l’importateur, l’exportateur ou le plaignant peut demander qu’il soit mis fin à l’engagement. Auquel cas, l’ASFC mettra fin à l’engagement sans délai.

[66] De même, selon le paragraphe 52(1) de la LMSI, au-delà de la période de 30 jours susmentionnée, si certaines conditions sont réunies de sorte qu’il est mis fin à l’engagement, l’enquête reprend, et l’écoulement du délai pour rendre une décision définitive reprend là où il s’était arrêté en date de la suspension de l’enquête.

Analyse des projets d’engagements

[67] Puisque MM, TCHB et TAMSA (ci-après « les exportateurs Tenaris ») sont tous liés à l’importateur, TGS Canada, les parties ont toutes convenu ensemble que les engagements devraient concerner les prix de vente de TGS Canada à ses acheteurs canadiens sans lien de dépendance avec lui, plutôt que les prix à l’importation, qui se résument à des prix de cession interne.

[68] Il convient de noter que l’augmentation des prix dont il était question dans les projets d’engagement et les observations déposées au nom de la plaignante mettaient l’accent sur l’élimination du dommage plutôt que du dumping lui-même associé à tel ou tel exportateur. Or, quantifier une hausse de prix pour éliminer un dommage est une opération largement subjective qui passe par une série d’hypothèses, de projections et d’estimations.

[69] Selon le paragraphe 49(2) de la LMSI, l’ASFC ne doit envisager d’accepter un engagement dans une affaire de dumping que si elle est d’avis que celui-ci :

  • ne fera pas augmenter d’un montant plus élevé que le montant estimatif de la marge de dumping le prix auquel les marchandises sont vendues aux importateurs se trouvant au Canada;
  • sera possible à exécuter.

Projets d’engagement des exportateurs Tenaris

[70] Pour étoffer leurs projets d’engagement, les exportateurs Tenaris ont soumis une explication narrative comprenant cinq annexes ainsi qu’une grille de prix pour chacun, représentant leur engagement minimal pour les ventes aux acheteurs canadiensNote de bas de page 30.

[71] Les projets d’engagement respectifs des trois exportateurs Tenaris étaient identiques, axés sur des bénéfices adéquats pour la branche de production nationaleNote de bas de page 31, les tendances récentes pour le prix des intrantsNote de bas de page 32, la conjoncture canadienne, et la concurrence des sources non viséesNote de bas de page 33.

[72] Chacun des trois exportateurs Tenaris offre d’augmenter ses prix de vente minimaux à un niveau égal à ses prix de vente moyens au Canada dans la période de mai/juin 2019, plus 16,5 %.

[73] Certaines données détaillées soumises par les exportateurs Tenaris ne peuvent être reproduites ici puisqu’elles sont confidentielles; on consultera le sommaire public dans la section ci-dessous.

Objectif de rentabilité

[74] Les exportateurs Tenaris ont axé leurs projets d’engagement sur le bénéfice dont, selon eux, la plaignante aurait besoin pour alléger le dommage causé par le dumping des marchandises en cause. Ils ont soumis un calcul détaillé de l’augmentation de prix qui serait nécessaire pour atteindre ce bénéficeNote de bas de page 34.

[75] À l’appui de ces calculs, l’avocat des exportateurs Tenaris a fait valoir qu’AOT pouvait obtenir une bonification des tiges de pompage sur le marché intérieur, bonification attribuable à des facteurs comme les relations clients, les différences de caractéristiques perçues, et la préférence des clients pour un producteur national.

[76] L’avocat des exportateurs Tenaris conclut qu’une hausse de prix éliminant le dommage subi par AOT aurait pour conséquence finale que cette dernière obtiendrait, voire dépasserait, le niveau de rentabilité recherchéNote de bas de page 35.

Effet des importations à bas prix en provenance des États-Unis

[77] Selon leur avocat, les exportateurs Tenaris ne seraient pas seuls responsables des dommages subis par la plaignante; les prix des exportateurs étasuniens seraient devenus offensifs après l’imposition de mesures contre la Chine dans la première affaire des tiges de pompage.

Observations et appui de la plaignante

[78] AOT, la plaignante, assure seule toute la production canadienne de tiges de pompage.

[79] Le 9 mars 2020, elle a donné son appui et demandé que l’ASFC accepte les trois projets d’engagement soumis par les exportateurs TenarisNote de bas de page 36.

[80] Enfin, sans aller jusqu’à accepter intégralement la justification donnée dans le projet d’engagement et les documents à l’appui, l’avocat d’AOT croit que l’augmentation de prix proposée éliminerait le dommage subi par son client à cause du dumping.

Revue, par l’ASFC, des observations d’AOT

[81] L’ASFC note que, bien que l’avocat d’AOT ne préconise pas l’objectif de rentabilité fixé par les exportateurs Tenaris mais nettement celui d’AOT elle-même, il n’en conclut pas moins que la hausse de prix proposée au titre des engagements serait suffisante pour éliminer le dommage dû au dumping.

[82] Pour sa part, l’ASFC ne considère aucun facteur unique ni aucune valeur de référence fixe comme déterminante pour juger si les prix proposés dans un engagement sont suffisants pour éliminer le dommage subi par la branche de production nationale à cause d’un dumping. En réalité, les observations des deux parties concordent avec sa position comme quoi les facteurs pertinents sont nombreux et interdépendants : pour fixer des prix qui soient acceptables, il faut une analyse plus large, avec des projections sur les ventes et la demande qui soient bien argumentées et tiennent compte de l’histoire du marché, de ses tendances comme de ses réalités actuelles.

[83] Par conséquent, même si l’ASFC peut très bien utiliser un objectif de rentabilité, cette valeur n’a pas à être fixe et pourra très bien changer, parallèlement à d’autres facteurs.

[84] On doit aussi mentionner que le cadre légal formé par la LMSI et le Règlement sur les mesures spéciales d’importation ne prévoit pas de critères précis pour déterminer si l’observation d’un engagement va bel et bien éliminer le dommage causé par le dumping. Cela dit, la LMSI fait quand même le lien entre le niveau de prix dans l’engagement et l’élimination du dommage « que cause le dumping » plutôt que de tous les dommages que la branche de production pourrait avoir subis.

Conclusion sur la question des engagements

[85] L’ASFC a étudié à fond les engagements et les pièces justificatives soumis par les exportateurs Tenaris.

[86] L’ASFC a pris grand soin de ne pas oublier que de définir une augmentation de prix pour éliminer le dommage causé par un dumping était une opération largement subjective nécessitant une série d’hypothèses, de projections et d’estimations. La plaignante croit que les augmentations de prix suggérées sont très susceptibles d’éliminer le dommage qu’elle a subi à cause du dumping; il s’agit d’un point capital auquel l’ASFC a accordé beaucoup de poids dans les circonstances.

[87] Après ce travail d’évaluation, l’ASFC a conclu que les engagements proposés en matière de prix respectaient les lignes directrices de la LMSI, et que donc, leur observation éliminerait le dommage causé par le dumping des marchandises en cause. L’augmentation de prix à hauteur de 16,5 % a été jugée raisonnable et bien étoffée, sans compter que la plaignante avait dit approuver elle aussi l’acceptation des engagements.

Décisions

[88] Le 20 mars 2020, l’ASFC, conformément au paragraphe 49(1) de la LMSI, a accepté les engagements offerts par les exportateurs Metalmecánica S.A. d’Argentine, Tenaris Confab Hastes de Bombeio S.A. du Brésil, et Tubos de Acero de México S.A. du Mexique.

[89] Aussi, conformément à l’article 50 de la LMSI, l’ASFC a suspendu l’enquête et la perception des droits provisoires concernant certaines tiges de pompage originaires ou exportées de l’Argentine, du Brésil et du Mexique.

Mesures à venir

[90] L’ASFC va réexaminer les engagements périodiquement pour juger s’ils devraient rester en vigueur. Comme le veut le paragraphe 53(1) de la LMSI, elle va à tout le moins les réexaminer avant l’expiration des cinq ans suivant la date de leur acceptation pour déterminer s’ils ont encore leur raison d’être. Auquel cas, ils pourront être renouvelés pour une durée maximale d’encore cinq ans.

[91] Les engagements qui ne sont pas renouvelés expirent au bout de cinq ans, ce qui en même temps a généralement pour effet de clore les procédures relatives au dumping, conformément au paragraphe 53(3) de la LMSI.

[92] À tout moment après avoir accepté les engagements, si l’ASFC acquiert la conviction que l’un d’eux n’a pas été ou n’est pas honoré; qu’elle n’aurait pas accepté l’engagement si les renseignements dont elle dispose lui avaient été accessibles au moment de son acceptation; ou bien qu’elle n’aurait pas accepté l’engagement si les circonstances avaient été les mêmes au moment de son acceptation, alors elle y mettra fin immédiatement, conformément au paragraphe 52(1) de la LMSI.

Publication

[93] Un avis d’acceptation des engagements sera publié dans la Gazette du Canada, conformément au sous-alinéa 50a)(i) de la LMSI.

Renseignements

[94] Le présent Énoncé des motifs a été fourni aux parties directement intéressées. Il est aussi publié sur le site Web de l’ASFC à l’adresse ci-dessous. Pour de plus amples renseignements, communiquer avec les personnes ci-dessous.

Renseignements

Adresse :

Centre de dépôt et de communication des documents de la LMSI
Direction des programmes commerciaux et antidumping
Agence des services frontaliers du Canada
100, rue Metcalfe, 11 étage
Ottawa (Ontario)  K1A 0L8
Canada

Téléphone :
  • Simon Duval : 613-954-0689
Courriel :

simaregistry-depotlmsi@cbsa-asfc.gc.ca

Site web :

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Le directeur général
Direction des programmes commerciaux et antidumping
Doug Band

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