SR2 2019 IN
Certaines tiges de pompage
Énoncé des motifs

Ottawa, le 15 octobre 2019

De l’ouverture d’une enquête en dumping sur certaines tiges de pompage originaires ou exportées de l’Argentine, du Brésil et du Mexique.

Décision

Le 25 mai 2018 conformément au paragraphe 31(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, l’Agence des services frontaliers du Canada a ouvert une enquête en dumping et une enquête en subventionnement sur certaines feuilles feuilles d’acier laminées à froid en bobines ou coupées à longueur en provenance de la Chine, de la Corée du Sud et du Vietnam.

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Résumé

[1] Le 9 août 2019, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a reçu une plainte écrite d’Apergy Canada ULC – Alberta Oil Tool Division (ci-après « la plaignante » ou « AOT »), d’Edmonton, en Alberta, comme quoi il y avait dumping dommageable de certaines tiges de pompage originaires ou exportées de l’Argentine, du Brésil et du Mexique (ci-après « les pays visés »). La plaignante allègue que le dumping a causé et menace de causer un dommage à la branche de production nationale (canadienne).

[2] Le 30 août 2019, conformément à l’alinéa 32(1)a) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation (LMSI), l’ASFC a informé la plaignante que son dossier de plainte était complet. Elle a aussi envoyé aux ambassades de l’Argentine, du Brésil et du Mexique un avis en ce sens.

[3] La plaignante a fourni des éléments de preuve à l’appui de l’allégation de dumping de certaines tiges de pompage provenant des pays visés. Les éléments de preuve indiquent aussi, de façon raisonnable, que le dumping a causé et menace de causer un dommage à la branche de production nationale.

[4] Enfin, le 30 septembre 2019, conformément au paragraphe 31(1) de la LMSI, l’ASFC a ouvert une enquête sur le dumping de certaines tiges de pompage provenant de l’Argentine, du Brésil et du Mexique.

Parties intéressées

Complainant

[5] AOT, fabricant et fournisseur de produits d’acier pour l’exploitation gazière et pétrolière, est la seule entreprise au Canada à fabriquer des tiges de pompage en acier massif. Son usine se trouve à Edmonton, en Alberta. Sa gamme de produits comprend les tiges de pompage conventionnelles, les tiges de spécialité « Drive RodsMD » pour pompes à rotor hélicoïdal excentré, les tiges polies, les barres de charge, les tiges de pompage courtes et les accouplements de tiges de pompage avec tiges polies. AOT fabrique aussi d’autres produits tubulaires pour l’exploitation pétrolière, y compris des joints de tubes courts, dans une autre usine de la même villeNote de bas de page 1.

[6] La plaignante assure à elle seule toute la production canadienne de marchandises similaires.

[7] Son nom et son adresse sont les suivants :

Apergy Canada ULC – Alberta Oil Tool Division
6939, 68e Avenue
Edmonton (Alberta)  T6B 3E3

Exportateurs

[8] La plaignante a fourni une liste des fournisseurs dans tous les pays qui sont certifiés par l’American Petroleum Institute (API) au titre de la spécification 11B pour produire des tiges de pompageNote de bas de page 2. En se fiant à la plainte et à ses propres documents d’importation, l’ASFC a recensé trois exportateurs de marchandises en cause.

Importateurs

[9] En se fiant à la plainte et à ses propres documents d’importation, l’ASFC a recensé un importateur de marchandises en cause.

Les produits

Définition

[10] Dans l’enquête qui nous intéresse, les marchandises en cause sont définies comme suit :

Tiges de pompage, y compris les tiges de pompage courtes, avec ou sans guides ou manchons, conformes à la spécification 11B de l’American Petroleum Institute (API), aux normes équivalentes et aux normes exclusives, finies ou semi-finies, faites d’acier massif (y compris l’acier au carbone, allié ou de nuances spéciales), dont le corps fait au plus 63,5 mm (2,5 po) de diamètre, plus ou moins les écarts admissibles, originaires ou exportées de la République argentine, de la République fédérative du Brésil et des États-Unis du Mexique.

Précisions

[11] Les tiges de pompage sont des segments d’acier, dont les extrémités comportent habituellement des filets externes, et qui sont reliés par des accouplements pour former un train de tiges. La pompe au fond du puits de pétrole ou de gaz est reliée au bloc-moteur en surface par le train de tiges. Ces tiges font généralement 25 pi, mais peuvent aussi être plus longues.

[12] Les tiges de pompage dites « courtes » servent à obtenir la bonne longueur de train là où une tige ordinaire le rendrait trop long. Les tiges courtes sont reliées les unes aux autres, ou avec des tiges de pompage ordinaires, par des accouplements. Elles font généralement 1, 2, 4, 6, 8, 10 ou 12 pi de longueur, et le même diamètre que les tiges de pompage de leur train.

[13] L’ASFC considère les tiges de pompage comme « semi-finies » après que les barres massives (l’intrant) ont été forgées en ce qui ressemble essentiellement à des tiges de pompage, ce qui consiste habituellement à travailler les extrémités pour former l’épaulement, le pan de manœuvre et l’extrémité refoulée.

[14] Le diamètre indiqué est toujours le diamètre extérieur du corps de la tige; jamais celui d’aucune partie des extrémités forgéesNote de bas de page 3.

[15] Les « nuances spéciales » d’acier mentionnées dans la définition de produits sont les nuances exclusives et autres qui ne répondent pas nécessairement aux spécifications de l’industrie.

Il est entendu que la définition de produits ne comprend pas :

[16] Une tige « polie » raccorde le reste du train de tiges au bloc-moteur en surface. Elle doit être conçue pour résister aux intempéries, contrairement aux tiges de pompage, qui restent sous terre tout le temps qu’elles servent. Leur position exige que les tiges polies aient des caractéristiques particulières (dont la taille), qui les rendent très différentes des tiges de pompage.

[17] Une « barre de charge » se trouve à l’extrémité opposée à la tige polie, puisqu’elle raccorde le train de tiges à la pompe. Elle ajoute au poids de l’outil, pour que celui-ci descende correctement dans le puits.

[18] Une tige de pompage en fibre de verre se fabrique généralement en trois pièces et est assemblée selon un procédé qui assure la connexion de deux raccords d’extrémités métalliques avec un corps de tige non métallique (en plastique renforcé par des fibres).

[19] Une tige de pompage « creuse » est un tube en acier sans soudure, dont le joint fileté se raccorde au corps de tige par soudage par friction et traitement thermique. Les tiges de pompage creuses servent pour l’exploitation du pétrole lourd, du pétrole à point de congélation élevé, et du pétrole brut paraffineux; parce que creuses, elles permettent d’injecter des diluants dans une pompe à rotor hélicoïdal excentré. Rien n’indique, cependant, que de telles tiges soient fabriquées au Canada.

[20] Une tige de pompage « continue » est un train de tiges en un seul morceau. Les tiges de pompage continues sont offertes en configuration ronde ou elliptique; en les utilisant, on se trouve à éliminer tous les accouplements dans le puits de forage, à part celui avec la tige polie à l’extrémité supérieure et celui avec la pompe à l’extrémité inférieure.

FabricationNote de bas de page 9

[21] Les marchandises en cause sont produites dans le monde entier, sensiblement de la même manière.

[22] Des tiges d’acier sont la matière première pour les tiges de pompage. En Amérique du Nord, lorsqu’il est question des tiges d’acier adéquates, on parle habituellement de qualité spéciale de tige (QST), mais ce n’est pas une expression strictement normalisée. Dans certains cas, y compris dans d’autres pays, l’intrant pourrait être appelé une « tige façonnée » ou de l’« acier marchand ». Au bout du compte, toute tige d’acier qui respecte les exigences pertinentes (sur le plan chimique, mécanique, des dimensions, etc.) peut servir d’intrant.

[23] Les tiges de pompage d’AOT sont fabriquées à partir de QST modifiée, au carbone ou d’acier micro-allié, laminées à chaud.. La matière première des tiges de pompage est généralement d’une qualité nettement supérieure à celle de la plupart des barres d’armature pour béton par exemple, et présente beaucoup moins de risques de défauts ou de vices.

[24] La QST est fournie sous forme de longues barres d’acier et arrive aux installations d’AOT, où elle est inspectée et reçue dans l’inventaire. La QST est coupée pour des tiges de pompage de 25 pi. La QST est transférée à une machine à dresser, où elle est aplanie en passant dans des rouleaux dresseurs. Les tiges passent alors dans un appareil d’essai par courants de Foucault, afin de vérifier la présence de défauts de qualité de surface. Toutes les bonnes tiges sont recueillies afin de former un ensemble, et les barres rejetées sont placées dans des poches de rejet.

[25] Les bonnes tiges sont alors transférées dans des machines à forger. Chaque extrémité de tige (entre 8 et 14 po de matériau) est chauffée par induction jusqu’à 2 300 °F ±50 °F, puis refoulée aux dimensions spécifiées sur le dessin pour une extrémité. L’extrémité de tige est mesurée et documentée sur le plan qualité d’AOT. Une fois que l’une des extrémités est terminée, la tige est tournée sur 180 degrés et les mêmes processus sont appliqués à l’autre extrémité. Durant le processus de forgeage, les renseignements suivants sont estampillés sur les tiges de pompage : le nom d’AOT en tant que fabricant, les dimensions, le type de tige, la nuance, le code de chaleur et la date de fabrication.

[26] Après le forgeage, la tige est transférée dans le four de normalisation. Les tiges forgées sont placées sur des chaînes de transport qui les font circuler dans le four à une vitesse préréglée et à des températures supérieures à la température de transformation critique (1 550 °F à 1 675 °F, selon la nuance de finition souhaitée), où elles subissent des changements de microstructures bénéfiques. Essentiellement, la normalisation permet la recristallisation de l’acier, afin d’empêcher toute formation de défauts attribuables au travail du métal (en particulier avant le forgeage).

[27] À leur sortie du four de normalisation, les tiges seront fragiles et présenteront une mauvaise ductilité. Elles sont donc alors trempées. Lorsque les tiges sortent du four de normalisation, elles sont déplacées lentement (afin de leur permettre de refroidir à l’air pendant un certain temps) vers le four à tremper à une vitesse et à une température préréglées. La vitesse et les températures dépendent encore une fois des nuances de finition, mais sont inférieures d’environ 500 °F aux températures de normalisation. Le trempage améliore la ductilité et la résistance de l’acier.

[28] Les tiges sont alors transférées sur un autre convoyeur qui les fait passer dans la grenailleuse. Lors de ce processus, de petites billes métalliques sont projetées sur les tiges afin de produire des contraintes résiduelles compressives sur la surface des tiges. Ce processus améliore la résistance à la fatigue des tiges, ce qui en fait des produits de qualité supérieure comparativement à des tiges non grenailléesNote de bas de page 10.

[29] Les tiges sont ensuite placées dans des poches de table d’extrant, afin de leur permettre de refroidir jusqu’à la température ambiante. Une fois qu’ils sont refroidis, les ensembles de tiges sont déplacés jusqu’à des machines commandées par ordinateur où ils sont usinés et où les extrémités des tiges sont filetées. AOT utilise des filets formés à froid sur ses tiges de pompage. Le processus de formation à froid déplace le métal, plutôt que de le retirer, afin de maintenir un grain d’acier uniforme. Cela renforce la résistance au cisaillement, améliore le rendement et renforce la résistance à la fatigue des filets. Au besoin, des raccords sont fixés à une extrémité de la tige et des capuchons de protection en plastique sont ajoutés à l’autre extrémité.

[30] Les tiges usinées sont alors envoyées aux tables de peinture, où leur rectitude sera vérifiée. Les tiges qui ne sont pas entièrement droites sont redressées. Les tiges sont ensuite trempées dans une cuve de peinture. Les tiges peintes sont alors empilées afin de les regrouper et de les fixer ensemble à l’aide de sangles. Elles sont enduites d’un revêtement soluble dans l’huile, afin de réduire la corrosion atmosphérique lors de leur entreposage. Les tiges sont regroupées en lots afin d’éviter tout dommage attribuable à la manutention lors du transport. Les ensembles de tiges sont ensuite placés dans la zone d’entreposage, où ils seront chargés sur des camions dans le but de les expédier à des distributeurs.

UtilisationNote de bas de page 11

[31] Les tiges de pompage servent en extraction gazière et pétrolière. À cette fin, elles forment un train de tiges qui relie le bloc-moteur en surface à la pompe ou aux pompes au fond du puits. Lors de l’extraction de pétrole ou de gaz, un certain mécanisme d’entraînement est requis pour fournir la force motrice et la puissance nécessaires pour l’extraction. Bien que le mécanisme d’entraînement puisse être situé en surface, ou sous terre, les tiges de pompage sont seulement utilisées avec des mécanismes d’entraînement situés en surface.

[32] Le mécanisme d’entraînement en surface est raccordé physiquement à la pompe ou aux pompes sous terre par un train de tiges. Le train de tiges est principalement composé d’une série de tiges de pompage interconnectées. Le nombre de tiges de pompage et leur longueur varient grandement d’un puits à l’autre, selon les diverses exigences établies par les ingénieurs des utilisateurs finaux qui les achètent. Un train de tiges de pompage pourrait consister en une douzaine, ou même une centaine de tiges de pompage, et avoir une longueur totale de milliers de pieds. Les trains de tiges au Canada mesurent habituellement 2500 à 7500 pi (environ 100 à 300 tiges de pompage de 25 pi de longueur).

[33] Une pompe sous terre sera une pompe alternative ou une pompe à rotor hélicoïdal excentré, les tiges de pompage étant utilisées dans les deux types de pompe. Les pompes alternatives nécessitent un train de tiges pour bouger vers le haut et vers le bas dans le but d’extraire du pétrole ou du gaz. Ce style de pompe est plus traditionnel. Pour ce type de pompe, le mécanisme d’entraînement sera raccordé à un balancier et à une tête de cheval, qui tireront ensuite le train de tiges vers le haut et le pousseront vers le bas.

Classement des importationsNote de bas de page 12

[34] Les marchandises présumées sous-évaluées sont normalement classées au Canada sous le numéro de classement tarifaire suivant :

  • 8413.91.00.10

[35] Le numéro de classement tarifaire est fourni à titre purement informatif; seule la définition de produits fait autorité au sujet des marchandises en cause.

Marchandises similaires et catégorie unique

[36] Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit les « marchandises similaires » comme des marchandises identiques aux marchandises en cause ou, à défaut, dont l’utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause.

[37] Les tiges de pompage ont beau se présenter sous une foule de formats, elles n’en restent pas moins un produit de base. La plaignante fait valoir que toutes les tiges de pompage, y compris les courtes, servent à la même chose : relier le bloc-moteur en surface à la pompe qui se trouve au fond du puits. Toutes sont des produits finis, avec un filetage compatible permettant de les assembler entre elles, et assujetties à la spécification API 11B ou à des spécifications comparables. Toutes sont faites d’un type particulier d’acier au carbone ou d’acier allié, et produites sur les mêmes machines essentiellement selon le même procédé. En outre, elles sont toutes vendues sur le même circuit de distribution, aux mêmes utilisateurs finaux (à savoir, des compagnies gazières et pétrolières).

[38] Après avoir étudié les questions d’utilisation, les caractéristiques matérielles et tous les autres facteurs pertinents, l’ASFC est d’avis que les tiges de pompage produites au Canada sont « similaires » aux marchandises en cause. Elle croit de plus que marchandises en cause et marchandises similaires constituent une seule et même catégorie de marchandises.

Branche de production nationale

[39] La plainte contient des données sur les ventes et la production canadiennes de tiges de pompage pour consommation intérieure. Encore une fois, la plaignante assure toute la production canadienne de marchandises similaires.

Conditions d'ouverture

  • la plainte doit être appuyée par des producteurs nationaux dont la production représente plus de 50 % de la production totale de marchandises similaires par les producteurs nationaux qui appuient la plainte ou s’y opposent;
  • la production des producteurs nationaux qui appuient la plainte doit représenter 25 % ou plus de la production globale de marchandises similaires par la branche de production nationale.

[41] Puisque la plaignante est le seul producteur au Canada, les conditions d’ouverture sont satisfaites.

Marché canadienNote de bas de page 13

[42] La plaignante a fourni des estimations des importations au Canada se fondant sur les données de Statistique Canada. Cependant, Statistique Canada ne publie que la valeur des marchandises en cause importées sous leur numéro tarifaire. Par conséquent, pour obtenir un volume des importations des pays visés, la plaignante a utilisé son prix de vente unitaire moyen des tiges de pompage de production nationale, rectifié d’un montant tenant compte de la valeur des tiges de pompage dans les pays visés, et a ensuite divisé la valeur des importations par ce prix unitaire rectifié.

[43] Les tiges polies (non en cause) sont aussi importées sous le même numéro tarifaire que les tiges de pompage. D’après les renseignements de la plaignante sur le marché, les exportateurs des pays visés ne vendraient pas de tiges polies au Canada. Par conséquent, aucune rectification n’a été faite pour tenir compte des tiges polies provenant des pays visés.

[44] L’ASFC a effectué sa propre analyse des importations des marchandises d’après ses données sur les importations réelles, laquelle a fait ressortir des tendances et un volume similaires à ceux décrits dans la plainte.

[45] Les règles de confidentialité nous empêchent d’entrer dans le détail du volume et de la valeur des importations et de la production nationale de tiges de pompage.

[46] L’ASFC va continuer de recueillir et d’analyser des données sur le volume des importations dans la période visée par l’enquête (PVE), soit du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019, à la phase préliminaire de l’enquête en dumping; ce travail lui permettra d’affiner ses estimations.

Preuves de dumping

[47] La plaignante allègue que les marchandises en cause ont fait l’objet d’un dumping dommageable au Canada. Il y a dumping lorsque la valeur normale des marchandises dépasse le prix à l’exportation fait aux importateurs au Canada.

[48] La valeur normale sera généralement, soit le prix de vente intérieur des marchandises similaires dans le pays exportateur si le marché y est soumis au jeu de la concurrence, soit la somme du coût de production des marchandises, d’un montant raisonnable pour les frais, notamment les frais administratifs et les frais de vente (FFAFV), et d’un autre pour les bénéfices.

[49] Le prix à l’exportation des marchandises vendues aux importateurs au Canada est la valeur la plus basse entre le prix de vente de l’exportateur et le prix d’achat de l’importateur, moins tous les frais découlant de l’exportation des marchandises.

[50] Un examen des estimations des valeurs normales et des prix à l’exportation de la plaignante et de l’ASFC suit.

Valeurs normales

Estimations de la plaignante

[51] La plaignante soutient qu’elle ne peut pas estimer les valeurs normales à partir des prix intérieurs selon la méthode prévue à l’article 15 de la LMSI parce que les données sur les prix intérieurs des pays visés ne sont pas facilement accessibles. Cependant, elle a pu obtenir des documents à l’appui afin d’estimer une valeur normale unique selon l’article 15 pour l’Argentine.

[52] Par conséquent, la plaignante a estimé les valeurs normales selon la méthode prévue à l’alinéa 19b) de la LMSI à partir des coûts estimatifs de production des marchandises, d’un montant raisonnable pour les FFAFV et d’un autre pour les bénéfices.

[53] Pour estimer le coût de production des marchandises similaires, la plaignante a utilisé son propre coût de production et l’a rectifié à la baisse pour tenir compte des différences estimatives dans la main-d’œuvre, y compris les composantes de la main-d’œuvre des coûts indirects, de chacun des pays visés.

[54] Il a été supposé que les coûts des matières premières des tiges de pompage canadiennes, argentines, brésiliennes et mexicaines étaient similaires puisque les marchandises en cause sont produites à partir du même intrant d’acier international. Par conséquent, aucune rectification n’a été faite pour tenir compte de ces coûtsNote de bas de page 14.

[55] Bien qu’aucune rectification n’ait été faite pour tenir compte des coûts des intrants de matières premières, la plaignante allègue que les exportateurs pourraient s’approvisionner en intrants (p. ex. la QST) pour la production des tiges de pompage auprès d’entités associées. C’est pourquoi elle allègue que le coût de production signalé par les exportateurs est sujet à caution aux fins de détermination des valeurs normales selon l’alinéa 19b) de la LMSINote de bas de page 15. Elle a présenté des éléments de preuve à l’appui de son allégation. L’ASFC va enquêter plus à fond sur l’allégation tout au long de la procédure afin de déterminer si les intrants de production sont fournis par un fournisseur associé.

[56] Les FFAFV et un montant raisonnable pour les bénéfices ont été déterminés à partir des montants publiés dans un rapport annuel de 2018 d’un producteur connu des marchandises en cause dans les pays visésNote de bas de page 16.

[57] La somme du coût de production rectifié, des FFAFV et d’un montant raisonnable pour les bénéfices a servi à estimer les valeurs normales selon l’article 19.

Estimations de l’ASFC

[58] L’ASFC a effectué sa propre recherche et n’a pas pu trouver de données sur les prix intérieurs de marchandises similaires des producteurs de tiges de pompage se trouvant dans les pays visés.

[59] Vu les renseignements limités dont disposait la plaignante pour estimer les valeurs normales à partir des données sur les ventes intérieures dans les pays visés, l’ASFC a utilisé les renseignements contenus dans la plainte selon la méthode prévue à l’alinéa 19b) de la LMSI pour estimer les coûts de production des marchandises, un montant pour les FFAFV et un autre les bénéfices, et a fait ses propres rectifications.

[60] Bien que l’ASFC accepte dans l’ensemble la méthode employée par la plaignante pour estimer les valeurs normales selon cette méthode, elle a fait des rectifications du coût au débarquement des intrants de matières premières pour ce qui est du coût des tiges et du coût du transport afin d’obtenir une estimation plus prudente du prix payé par AOT sur le marché libre. Pour déterminer le coût des tiges, l'ASFC a utilisé une moyenne des coûts trimestriels décrits dans les éléments de preuve fournis afin de mieux refléter les coûts sur l'ensemble de la PVE, plutôt que sur une seule période utilisée par la plaignante. L’ASFC a également ajusté à la baisse les coûts du transport intérieur fournis par la plaignante afin de mieux représenter le transport intérieur dans les pays nommés.

Prix à l'exportation

[61] Le prix à l’exportation de marchandises vendues à un importateur au Canada sera généralement déterminé selon l’article 24 de la LMSI, comme étant la valeur la plus basse entre le prix de vente de l’exportateur et le prix auquel l’importateur aura acheté ou convenu d’acheter les marchandises, moins tous les frais, droits et taxes imputables à l’exportation elle-même.

[62] La plaignante affirme que la présente plainte constitue une situation unique où il n’y a qu’un producteur et exportateur étranger et importateur canadien connu des tiges de pompage provenant des trois pays visés. Vu l’affiliation entre les exportateurs et l’importateur au Canada, la plaignante a estimé les prix à l’exportation selon la méthode prévue à l’alinéa 25(1)c) de la LMSI à partir du prix de revente de l’importateur des marchandises importées au Canada à des acheteurs non associés, rectifié à la baisse pour tenir compte des FFAFV de l’importateur et d’un montant raisonnable pour les bénéfices de l’importateur et du distributeurNote de bas de page 17.

[63] Pour estimer les prix à l’exportation, l’ASFC s’est fiée aux données sur les importations réelles tirées des documents commerciaux et douaniers. Elle a utilisé les valeurs en douane et les quantités signalées dans le Système des douanes pour le secteur commercial (SDSC) pour les marchandises importées dans la période du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019, rajustant une partie de ces données après examen des documents d’importation pour éliminer les marchandises non en cause et les quantités et les valeurs en douane inexactes, s’il y a lieu.

Marges estimatives de dumping

[64] Pour estimer la marge de dumping des pays visés, l’ASFC a comparé les valeurs normales estimatives avec les prix à l’exportation moyens pondérés estimatifs. Il ressort de cette analyse que les marchandises en cause importées au Canada de chacun des pays visés sont probablement sous-évaluées. La marge estimative de dumping de chaque pays est indiquée dans le tableau ci-dessous.

Tableau 2
Marges estimatives de dumping de l'ASFC
Pays Marge estimative de dumping
(en pourcentage du prix à l’exportation)
Argentine 7,60 %
Brésil 2,89 %
Mexique 11,08 %

Situation particulière du marché

[65] Dans sa plainte, AOT allègue qu’une situation particulière du marché pourrait exister dans chacun des pays visés. Elle allègue que les grandes sociétés productrices de pétrole dans les pays visés sont des entreprises d’État et que des éléments de preuve indiquent que cette situation a faussé les prix courants dans ces paysNote de bas de page 18.

[66] L’ASFC va examiner plus à fond ces allégations tout au long de l’enquête afin de déterminer si la présence et les activités d’achat d’entreprises d’État dans les pays visés créent une situation particulière du marché.

Preuves de dommage

[67] La plaignante affirme, premièrement qu’il y a eu dumping des marchandises en cause, et deuxièmement que ce dumping a causé et menace de causer un dommage sensible à la branche de production nationale.

[68] La LMSI mentionne le dommage sensible causé aux producteurs nationaux de marchandises similaires au Canada. L’ASFC a conclu que les tiges de pompage produites par la branche de production nationale étaient « similaires » aux marchandises en cause.

[69] À l’appui de ses allégations, la plaignante a présenté des preuves de perte de parts de marché, de compression des prix, de pertes de ventes, d’une incidence sur la rentabilité, d’une sous-utilisation de la capacité, de pertes d’emplois et d’une incidence négative sur les investissements.

Perte de parts de marché

[70] Les renseignements sur les volumes des importations fournis par la plaignante montrent une augmentation des marchandises en cause de 2016 à 2018, en termes absolus et relatifs. Il ressort des preuves présentées par la plaignante que sa part du marché canadien apparent a diminué de 2016 à 2018Note de bas de page 19. La plaignante affirme que l’imposition de droits antidumping et compensateurs au cours du troisième trimestre de 2018 a entraîné une réduction importante des tiges de pompage chinoises sur le marché canadien. Cependant, les marchandises en cause provenant des pays visés ont rapidement remplacé les importations chinoises en tant que chefs de file des bas prix et occupent toute la part du marché ou presque qui avait été perdue à ces importationsNote de bas de page 20.

[71] L’estimation des volumes de l’ASFC se fonde sur les données sur les importations du SDSC, mais les règles de confidentialité nous empêchent d’entrer dans le détail du volume et de la valeur des importations et de la production nationale de tiges de pompage. Les renseignements dont dispose l’ASFC concordent toutefois avec les éléments de preuve fournis par la plaignante.

[72] D’après les estimations de l’ASFC, la valeur des importations des marchandises en cause des pays visés a augmenté de 275 % de 2016 à 2018 et de 205 % du premier semestre de 2018 au premier semestre de 2019. Par rapport au total des importations de tous les autres pays, les importations des marchandises en cause sont passées de 5,9 % en 2016 à 32,0 % en 2018 et de 15,7 % au cours du premier semestre de 2018 à 56,0 % au cours du premier semestre de 2019.

[73] L’ASFC juge que l’allégation de perte de parts de marché est raisonnable et bien étoffée et qu’elle a une corrélation suffisante avec le présumé dumping.

Compression des prix

[74] La plaignante affirme que les prix injustes des tiges de pompage provenant des pays visés ont causé un dommage sensible à la branche de production nationale en gâchant les prix de ces marchandises sur le marché canadien et en empêchant les hausses de prix qui, autrement, auraient probablement eu lieu.

[75] La plaignante affirme que la QST, un coût clé de la production des tiges de pompage, a été un facteur important de l’augmentation de ses coûts de production. Du deuxième trimestre de 2016 au deuxième trimestre de 2019, les prix unitaires moyens de la plaignante pour les achats de la QST ont grandement augmenté. La plaignante ajoute que ces coûts à la hausse sont entièrement conformes aux prix et aux tendances du marché et qu’elle déploie des efforts continus pour s’assurer que les coûts de la QST sont aussi bas que possibleNote de bas de page 21.

[76] La plaignante soutient que, malgré les coûts à la hausse de la QST, elle n’a pas pu pleinement mettre en œuvre la hausse annoncée de ses prix en décembre 2018 pour compenser l’augmentation des coûts des intrants d’acier, et qu’elle a dû reporter et réduire les hausses prévuesNote de bas de page 22. La présence d’importations à bas prix sous-évaluées des pays visés est une cause directe de l’incapacité d’AOT de hausser ses prix pour compenser l’augmentation de ses coûts de production.

[77] De plus, la plaignante a donné des exemples propres aux comptes de ventes faites au Canada de divers modèles de tiges de pompage importés des pays visés pour démontrer l’ampleur du gâchage des prix sur le marché canadienNote de bas de page 23.

[78] D’après les renseignements contenus dans la plainte, l’ASFC juge que l’allégation de compression et de gâchage des prix est étayée et qu’elle a une corrélation suffisante avec le présumé dumping.

Pertes de ventes

[79] En raison des bas prix offerts par les exportateurs des tiges de pompage provenant des pays visés, la plaignante soutient avoir perdu des ventes. Son exposé confidentiel contenait de nombreux exemples précis de pertes de ventes.

[80] Les pertes de ventes concernent plusieurs gros clients et nuances de produit et portent sur l’ensemble de la PVE. AOT soutient ne pas avoir pu récupérer les ventes perdues aux tiges de pompage chinoises à bas prix parce que les clients les ont immédiatement remplacées par les importations à bas prix des pays visés.

[81] D’après les renseignements contenus dans la plainte, l’ASFC juge que l’allégation de pertes de ventes est étayée et qu’elle a une corrélation suffisante avec le présumé dumping.

Incidence sur la rentabilité

[82] La plaignante allègue que le dommage causé par les importations sous-évaluées de tiges de pompage des pays visés a eu une incidence négative importante sur sa rentabilité. À l’appui de cette allégation, elle a présenté les états financiers de 2016 au deuxième trimestre de 2019Note de bas de page 24. Les éléments de preuve fournis par AOT démontrent l’incidence négative sur sa rentabilité nette qu’a eue l’augmentation rapide des volumes d’importations des pays visés.

[83] La plaignante attribue cette incidence négative sur la rentabilité à la forte augmentation des importations de tiges de pompage des pays visés, qui ont remplacé celles de Chine en tant que chefs de file des bas prix sur le marché intérieur. En outre, cette forte augmentation a empêché la plaignante de hausser ses prix pour compenser les coûts croissants de la QSTNote de bas de page 25. Cette situation a entraîné un resserrement entre les prix et les coûts qui a eu une incidence sur la rentabilité d’AOTNote de bas de page 26.

[84] D’après les renseignements fournis dans la plainte, l’ASFC juge que l’incidence négative sur la rentabilité de la plaignante peut raisonnablement être attribuée au présumé dumping.

Sous-utilisation de la capacité et pertes d’emploisNote de bas de page 27

[85] La plaignante soutient qu’il continue d’y avoir incidence négative sur l’utilisation de la capacité nationale, laquelle ne s’est pas rétablie depuis la forte augmentation des importations chinoises. Du premier semestre de 2018 au premier semestre de 2019, l’utilisation de la capacité de la plaignante était encore perturbée, ce qui coïncide avec une période d’augmentation des importations des pays visés.

[86] La plaignante allègue aussi qu’il y a eu incidence négative sur l’emploi et a fourni des éléments de preuve à l’appui sous forme de nombres d’employés directs et indirects annuels.

Incidence négative sur les investissementsNote de bas de page 28

[87] La plaignante soutient qu’elle fait concurrence à ses filiales américaines afin d’obtenir les montants disponibles pour les investissements du groupe de sociétés et de divisions de produits d’Apergy. Selon la plaignante, vu les niveaux actuels de rentabilité d’AOT, il sera difficile pour Apergy de justifier des investissements continus dans AOT si l’incidence négative des marchandises en cause sous-évaluées persiste.

Conclusion de l’ASFC - dommage

[88] D’après les éléments de preuve fournis dans la plainte et les données supplémentaires obtenues dans ses propres recherches et de la documention douanière, l’ASFC est convaincue que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en cause provenant des pays visés a causé un dommage. Les facteurs de dommage qui ont pesé spécifiquement sur la branche de production nationale comprennent la perte de parts de marché, la compression des prix, les pertes de ventes, l’incidence sur la rentabilité, la sous-utilisation de la capacité, les pertes d’emplois et l’incidence négative sur les investissements.

Menace de dommage

[89] La plaignante allègue que les marchandises présumées sous-évaluées provenant des pays visés menacent de causer encore un dommage sensible à la branche de production nationale, la menace des marchandises en cause étant évidente à la lumière de plusieurs facteurs susceptibles de se faire sentir.

[90] Ses preuves sont les suivantes.

Une augmentation imminente et massive de la capacité aux États-Unis va encore encourager les exportations des marchandises en cause vers le CanadaNote de bas de page 29

[91] La plaignante soutient qu’un producteur et exportateur de tiges de pompage des pays visés a ouvert aux États-Unis une usine ayant une capacité de production annuelle de 1,8 million d’unités. La nouvelle usine américaine a été construite en 2017 et est entrée en service en juillet 2019. Avec une capacité de production totale représentant 84 % de la capacité totale combinée des pays visés, la nouvelle usine doit servir le marché américain.

[92] En 2018, les pays visés ont exporté aux États-Unis des tiges de pompage d’une valeur approximative de 250 millions de dollars américains, soit plus de six fois la taille du marché canadien estimatif au cours de la même année. La plaignante soutient qu’avec l’entrée en service de l’usine d’une capacité de 1,8 million d’unités destinées au marché américain, les marchandises en cause fabriquées dans les pays visés devront être vendues dans d’autres marchés. On s’attend à ce qu’une grande partie des marchandises en cause d’une valeur de 250 millions de dollars américains provenant des pays visés soient détournées vers des marchés autres que les États-Unis dans un avenir prévisible.

[93] Le démarrage de l’usine de tiges de pompage aux États-Unis constitue un changement important aux circonstances qui entraînera probablement une augmentation considérable des importations de marchandises en cause des pays visés au Canada.

[94] D’après son analyse des renseignements contenus dans la plainte, l’ASFC juge que le renforcement de la capacité américaine décrit ci-dessus pourrait rendre la branche de production nationale particulièrement vulnérable à une augmentation des volumes d’importations des pays visés.

Les conditions du marché dans les pays visés vont encourager les exportations de marchandises en cause vers le Canada

[95] La plaignante fait valoir que les marchandises en cause servent exclusivement à l’extraction de pétrole de puits terrestres. Par conséquent, la production de pétrole et le forage de puits terrestres nationaux sont un indicateur raisonnable de la demande probable des marchandises en cause dans chacun des pays visés. La plaignante soutient que les prévisions pour chacun des pays visés indiquent une forte probabilité de faiblesse de la demande intérieure de tiges de pompage.

MexiqueNote de bas de page 30

[96] La plaignante soutient que l’extraction de pétrole au Mexique a décliné au cours des cinq dernières années, et que le pétrole terrestre a aussi été touché. Dans les régions productrices de pétrole terrestre du Nord et du Sud, la production a décliné de 47 % depuis 2014, une réduction ayant été enregistrée par rapport à chaque année précédente. L’entreprise d’État Petróleos Mexicanos (PEMEX), producteur, raffineur et distributeur de pétrole brut, de gaz naturel et de produits pétroliers, a continué de faire état de pertes en 2019.

[97] En outre, PEMEX est très endettée et, selon des éléments de preuve présentés par la plaignante, on ne sait pas si elle pourra continuer de soutenir financièrement ses installations terrestres comme elle l’a fait par le passé. Puisque la dette de PEMEX continue d’augmenter, il est probable qu’elle ne pourra pas continuer d’investir dans la production terrestre. Par conséquent, la plaignante soutient qu’il est probable que les ventes de tiges de pompage au Mexique seront moins lucratives, ce qui poussera les producteurs à exporter les marchandises en cause vers des marchés étrangers.

BrésilNote de bas de page 31

[98] La plaignante a présenté des éléments de preuve indiquant que la production de pétrole terrestre du Brésil est en déclin depuis 2017 et qu’il y a eu une baisse marquée et constante du nombre de puits d’exploration et de développement terrestres forés depuis 2015. La quantité totale de pétrole produite des puits terrestres a décliné d’environ 42 % de 2011 à 2017.

[99] En 2018, le gouvernement du Brésil a mis aux enchères des concessions terrestres et extracôtières sans qu’aucune des concessions terrestres soit vendue. Selon le secrétaire exécutif de l’Association brésilienne des producteurs indépendants de pétrole, les activités terrestres pourraient s’arrêter d’ici trois ans. La plaignante fait valoir que la possibilité d’un arrêt complet des activités terrestres pousserait les producteurs de tiges de pompage à chercher des marchés d’exportation, comme le Canada, pour leur capacité excédentaire.

ArgentineNote de bas de page 32

[100] La plaignante fait valoir qu’en 2018 et 2019, l’industrie pétrolière argentine a connu plusieurs revers qui ont déprimé la situation économique du pays. Entre autres, l’économie argentine est entrée en récession, ce qui a nécessité un renflouement de 57 milliards de dollars américains du Fonds monétaire international. Par conséquent, le gouvernement argentin est contraint à réduire l’important programme de subventions pétrolières mis en place pour stimuler la croissance dans le secteur terrestre. De plus, la production de pétrole brut est bien en deçà des objectifs initiaux, et les investissements dans la formation de Vaca Muerta (le plus grand champ pétrolier de schiste terrestre de l’Argentine) sont loin des objectifs.

[101] Selon la plaignante, le facteur le plus inquiétant en ce qui concerne l’industrie pétrolière argentine est l’investissement important de l’entreprise d’État Yacimientos Petrolíferos Fiscales Sociedad Anónima (YFP) dans la formation de Vaca Muerta. Les éléments de preuve fournis par la plaignante indiquent que le cours de l’action d’YFP a chuté de plus de 50 % depuis 2014. Comme YFP est directement associée à l’économie argentine, sa capacité d’investir dans l’extraction est limitée par la capacité de l’économie de se redresser; il est donc probable que l’usine argentine de tiges de pompage devra trouver d’autres marchés pour ses marchandises.

[102] D’après les renseignements contenus dans la plainte et les résultats de ses propres recherches, l’ASFC juge que les conditions du marché décrites ci-dessus pourraient rendre la branche de production nationale particulièrement vulnérable à une augmentation des volumes d’importations des pays visés.

Augmentation considérable des importations de marchandises sous-évaluéesNote de bas de page 33

[103] La plaignante soutient qu’il y a eu une augmentation considérable des importations de marchandises en cause des pays visés sur le marché canadien pendant plusieurs années, en termes absolus, et par rapport à la consommation au Canada de marchandises similaires. Elle ajoute qu’en l’absence de mesures de protection, la tendance à l’augmentation rapide des importations de marchandises en cause des pays visés devrait se poursuivre dans un avenir prévisible.

[104] D’après les renseignements fournis par la plaignante et les résultats de sa propre analyse des volumes des importations, l’ASFC juge que la quantité et la proportion des marchandises en cause présumées sous-évaluées ont grandement augmenté et que ces importations sur le marché canadien pourraient continuer de croître.

Incidence potentielle des marchandises en cause sur les prix des marchandises similairesNote de bas de page 34

[105] La plaignante soutient que les prix très bas des importations de marchandises en cause des pays visés continueront d’exercer une forte pression à la baisse sur les prix des marchandises similaires sur le marché canadien. Elle a présenté des éléments de preuve indiquant que les prix des marchandises en cause ont largement gâché ses propres prix au Canada et que des clients ont opté pour les marchandises en cause présumées sous-évaluées en raison de leurs bas prix.

[106] L’ASFC juge que la plaignante a démontré son incapacité de hausser les prix des marchandises similaires au Canada par les avis envoyés aux clients de hausses de prix qui ont été annulées ou reportées. L’ASFC reconnaît que le maintien des prix agressifs sur les importations visées par les pays visés peut causer un dommage supplémentaire à la plaignante si elle est incapable d'augmenter les prix pour compenser la hausse des coûts.

Ampleur des marges de dumpingNote de bas de page 35

[107] La plaignante soutient que les exportateurs des marchandises en cause appliquent d’importantes marges de dumping pour obtenir des commandes de tiges de pompage au Canada et qu’un dumping de cette ampleur présente une menace de dommage imminente et prévisible.

[108] L’ASFC juge que des éléments de preuve suffisants indiquent que les marchandises en cause sont sous-évaluées et que la marge de dumping n’est pas minimale. Elle reconnaît que le dumping persistant pourrait avoir une incidence supplémentaire sur la production canadienne des marchandises en cause.

Conclusion de l’ASFC – menace de dommage

[109] L’ASFC est d’avis que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que les importations de marchandises en cause présumées sous-évaluées des pays visés menacent de causer un dommage sensible à la branche de production de tiges de pompage au Canada.

Lien de causalité entre le dumping, le dommage et la menace de dommage

[110] L’ASFC juge que la plaignante a bien su associer le dommage que la branche de production nationale a subi – en termes de perte de parts de marché, de compression des prix, de pertes de ventes, d’incidence sur la rentabilité, de sous-utilisation de la capacité, de pertes d’emplois et d’incidence négative sur les investissements – avec le présumé dumping au Canada des importations de marchandises en cause des pays visés. Elle est convaincue que le dommage subi est directement attribuable à l’avantage au niveau des prix créé par le présumé dumping des marchandises en cause provenant des pays visés. Des éléments de preuve suffisants lui ont été présentés pour établir ce lien.

[111] La plaignante soutient que le dumping continu des marchandises en cause provenant des pays visés causera encore un dommage à la branche de production nationale à l’avenir. Comme nous l’avons vu, l’ASFC est d’avis que cette allégation de menace de dommage est bien étayée.

[112] En résumé, l’ASFC est d’avis que les renseignements contenus dans la plainte indiquent, de façon raisonnable, que le présumé dumping a causé et menace de causer un dommage à la branche de production nationale.

Conclusion

[113] En se basant sur son analyse de la plainte, de ses propres documents internes sur les importations et des autres renseignements disponibles, l’ASFC est d’avis que les éléments de preuve indiquent que certaines tiges de pompage originaires ou exportées de l’Argentine, du Brésil et du Mexique ont été sous-évaluées, et qu’il y a une indication raisonnable que ce dumping a causé ou menace de causer un dommage à la branche de production nationale. Par conséquent, en se basant sur l’examen des éléments de preuve et sur sa propre analyse, elle a ouvert une enquête en dumping le 30 septembre 2019.

Portée de l'enquête

[114] L’ASFC enquête pour déterminer si les marchandises en cause ont fait l’objet d’un dumping.

[115] L’ASFC a demandé des renseignements à tous les exportateurs et importateurs potentiels afin de déterminer si les marchandises en cause importées au Canada dans la période visée par l’enquête, soit du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019, étaient sous-évaluées. Les renseignements demandés serviront à établir les valeurs normales, les prix à l’exportation et les marges de dumping, s’il y a lieu.

Mesures à venir

[116] Le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE) fera une enquête préliminaire pour décider si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le supposé dumping des marchandises a causé ou menace de causer un dommage à la branche de production nationale. Le TCCE doit rendre sa décision dans les 60 jours après l’ouverture de l’enquête; si elle est négative, il mettra fin à l’enquête.

[117] Si le TCCE constate que les éléments de preuve révèlent de façon raisonnable qu’un dommage a été causé à la branche de production nationale, et que l’enquête de l’ASFC révèle que les marchandises ont été sous-évaluées, l’ASFC rendra une décision provisoire de dumping dans les 90 jours suivant la date d’ouverture de l’enquête, c’est-à-dire au plus tard le 30 décembre 2019. Si les circonstances le justifient, cette période pourrait être portée à 135 jours à compter de la date d’ouverture de l’enquête.

[118] Si, avant d’avoir rendu une décision provisoire, l’ASFC acquiert la conviction que le volume de marchandises importées d’un pays est négligeable, l’article 35 de la LMSI l’obligera à mettre fin à l’enquête à l’égard des marchandises importées de ce pays.

[119] Les marchandises en cause importées et dédouanées à compter du jour de la décision provisoire de dumping, si leur description ne correspond pas à celle de marchandises dont il a été décidé que leur marge de dumping était négligeable, peuvent être frappées de droits provisoires ne dépassant pas leur marge estimative de dumping.

[120] Si l’ASFC rend une décision provisoire de dumping, elle continuera d’enquêter pour en arriver à une décision définitive dans les 90 jours après la décision provisoire.

[121] Après la décision provisoire, si son enquête révèle que les marchandises d’un exportateur donné n’ont pas été sous-évaluées ou la marge de dumping est minimal, l’ASFC exclura de son enquête en dumping les marchandises de cet exportateur.

[122] Advenant une décision définitive de dumping, le TCCE continuera son enquête et tiendra des audiences publiques sur la question du dommage sensible causé à la branche de production nationale. Il aura 120 jours après la décision provisoire de l’ASFC pour rendre ses conclusions sur les marchandises auxquelles cette décision définitive s’applique.

[123] Si le TCCE rend des conclusions de dommage, les marchandises en cause importées et dédouanées après cette date seront frappées de droits antidumping équivalents à leur marge de dumping.

Droits rétroactifs sur les importations massives

[124] Lorsque le TCCE mène son enquête sur le dommage causé à la branche de production nationale, il peut se demander si les marchandises sous-évaluées importées un peu avant ou après l’ouverture de l’enquête constituent des importations massives sur une courte période ayant causé un dommage à la branche de production nationale.

[125] S’il conclut par l’affirmative, alors les importations de marchandises en cause dédouanées auprès de l’ASFC dans les 90 jours précédant la date de la décision provisoire pourraient être frappées de droits antidumping.

Engagements

[126] Après que l’ASFC a pris une décision provisoire de dumping selon laquelle la marge estimative de dumping n’est pas minimale, un exportateur peut prendre l’engagement écrit de réviser ses prix de vente au Canada de façon à éliminer la marge de dumping ou le dommage. Seuls sont acceptables les projets d’engagement qui englobent toutes les exportations ou presque de marchandises sous-évaluées vers le Canada.

[127] Après le dépôt d’un projet d’engagement, les parties intéressées ont neuf jours pour formuler leurs observations. L’ASFC tiendra une liste des parties intéressées, et les avisera des projets reçus. Quiconque souhaite être avisé doit fournir son nom, son adresse, son numéro de téléphone, son numéro de télécopieur et son adresse électronique à l’une des personnes-ressources ci-après sous « Renseignements ».

[128] Dès l’acceptation d’un engagement, l’enquête et la perception des droits provisoires sont suspendues. Mais même alors, un exportateur peut demander que l’ASFC termine son enquête en dumping, et le TCCE, sa propre enquête en dommage.

Publication

[129] Un avis d’ouverture de la présente enquête sera publié dans la Gazette du Canada conformément au sous-alinéa 34(1)a)(ii) de la LMSI.

Renseignements

[130] Nous invitons les parties intéressées à présenter par écrit des exposés renfermant les faits, arguments et éléments de preuve qui, selon elles, ont trait au présumé dumping. Les exposés écrits doivent être envoyés à l’attention d’un des agents mentionnés ci-dessous.

[131] Pour être pris en considération dans cette enquête, tous les renseignements doivent être reçus par l’ASFC au plus tard le 10 février 2020.

[132] Tous les renseignements présentés à l’ASFC par les parties intéressées au sujet de la présente enquête seront considérés comme publics, sauf s’ils portent clairement la mention « confidentiel ». Lorsque l’exposé d’une partie intéressée est confidentiel, une version non confidentielle de l’exposé doit être fournie en même temps. La version non confidentielle sera mise à la disposition des autres parties intéressées sur demande.

[133] Les éléments confidentiels seront communiqués sur demande écrite aux avocats indépendants des parties, contre engagement à protéger leur confidentialité. Ils pourront être communiqués également au TCCE, à toute cour canadienne, et aux groupes spéciaux de l’OMC ou de l’ALÉNA pour le règlement des différends. Pour en savoir plus sur la politique de la Direction concernant la communication de renseignements au titre de la LMSI, on pourra communiquer avec une des personnes ci-dessous ou bien visiter le site Web de l’ASFC.

[134] Le calendrier de l’enquête et une liste complète des pièces justificatives se trouvent en ligne à l’adresse www.cbsa-asfc.gc.ca/sima-lmsi/i-e/menu-fra.html. La liste sera tenue à jour.

[135] Le présent Énoncé des motifs a été fourni aux personnes directement intéressées par la procédure; il est disponible également sur le site Web de l’ASFC à l’adresse ci-dessous. Pour de plus amples renseignements, on communiquera avec les agents dont le nom figure ci-après :

Renseignements

Adresse :

Centre de dépôt et de communication des documents de la LMSI
Direction des programmes commerciaux et antidumping
Agence des services frontaliers du Canada
100, rue Metcalfe, 11e étage
Ottawa (Ontario)  K1A 0L8
Canada

Téléphone :
  • Jonathan Thiffault : 613-948-7809
Courriel :

simaregistry-depotlmsi@cbsa-asfc.gc.ca

Site web :

www.cbsa-asfc.gc.ca/sima-lmsi/

Le directeur général
Direction des programmes commerciaux et antidumping
Doug Band

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