PLA3 2017 ER
Certaines tôles d’acier au carbone laminées à chaud
Énoncé des motifs

Ottawa, le 16 mars 2018

De la décision rendue dans un réexamen relatif à l’expiration au titre de l’alinéa 76.03(7)a) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation concernant certaines tôles d'acier laminées à chaud originaires ou exportées de la Chine

Décision

Le 2 mars 2018, conformément à l’alinéa 76.03(7)a) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, l’Agence des services frontaliers du Canada a décidé que l’expiration de l’ordonnance rendue par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 8 janvier 2013 au terme du réexamen relatif à l’expiration RR 2012 001 entraînerait selon toute vraisemblance la poursuite ou la reprise du dumping de certaines tôles d’acier au carbone laminées à chaud et tôles d’acier allié résistant à faible teneur originaires ou exportées de la Chine.

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Résumé de l’énoncé de motifs

[1] C’est le 3 octobre 2017 que le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE), conformément au paragraphe 76.03(3) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation (LMSI), a ouvert un réexamen relatif à l’expiration prochaine de son ordonnance, rendue le 8 janvier 2013 au terme d’un autre réexamen relatif à l’expiration (RR 2012 001) sur le dumping de certaines tôles d’acier au carbone laminées à chaud et tôles d’acier allié résistant à faible teneur originaires ou exportées de la République populaire de Chine (Chine).

[2] Dans le présent énoncé de motifs, les marchandises en cause seront appelées simplement « tôle d’acier laminée à chaud » ou « certaines tôles d’acier laminées à chaud », « certaines » rappelant que seules sont en cause les tôles correspondant à la définition de produits.

[3] Dès que le 4 octobre 2017 elle a reçu du TCCE l’avis de réexamen relatif à l’expiration, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a ouvert une enquête pour juger si l’expiration de l’ordonnance du 8 janvier 2013 risquait d’entraîner la poursuite ou la reprise du dumping.

[4] Les producteurs canadiens de tôle d’acier laminée à chaud, soit Essar Algoma Steel Inc. (Essar Algoma) et Evraz Inc. NA Canada (Evraz Canada), ont répondu au questionnaire de réexamen relatif à l’expiration (QRE).

[5] Essar Algoma a étoffé dans un mémoire son point de vue selon lequel il y aurait vraisemblablement poursuite ou reprise du dumping si l’ordonnance du TCCE était annulée. Evraz Canada, quant à lui, n’a pas fourni de mémoire ni de contre-exposé.

[6] Ont aussi répondu aux QRE huit centres de service : Olbert Metals Sales Limited, C&F Steel, Russel Metals, Alliance Steel Corporation, SSAB Central Inc., Acier Nova Inc., et Samuel, Son and Co. Aucun n’avait importé de marchandises en cause de la Chine dans la période visée par le réexamen (PVR). Acier Nova Inc. a exprimé la position que la poursuite ou la reprise du dumping serait vraisemblable advenant qu’expire l’ordonnance du TCCE; l’ASFC par contre n’a reçu de mémoire ni de contre-exposé d’aucun importateur ni centre de service.

[7] Les producteurs et exportateurs de marchandises en cause n’ont pas répondu au QRE ni présenté de mémoire ni exprimé de position sur la probabilité que le dumping reprenne ou se poursuive.

[8] Il ressort du dossier que la tôle d’acier laminée à chaud est un produit de base et la sidérurgie, une industrie à forte intensité capitalistique; que l’industrie sidérurgique chinoise dépend beaucoup de l’exportation; qu’avec sa surcapacité de production elle tend à rediriger ses exportations; qu’elle fonctionne à perte; que ses produits sont visés par des mesures antidumping au Canada comme ailleurs; et enfin qu’elle s’intéresse au marché canadien et n’arrive pas à y faire concurrence sans pratiquer le dumping. Tous ces facteurs combinés indiquent une probabilité que le dumping au Canada reprenne si l’ordonnance du TCCE doit être annulée.

[9] C'est pourquoi l'ASFC après étude du dossier a décidé au titre de l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI que l’expiration de l’ordonnance relative au dumping de certaines tôles d’acier laminées à chaud, originaires ou exportées de Chine, risquerait fort d'entraîner la poursuite ou la reprise de ce même dumping.

Déroulement de l’affaire

[10] L'enquête en dumping initiale a été ouverte le 13 février 1997 après une plainte de la branche de production nationale.

[11] Concernant certaines tôles d’acier laminées à chaud originaires ou exportées du Mexique, de Chine, de Pologne, d'Afrique du Sud et de Russie, cette plainte avait été faite par Stelco Inc. de Hamilton (Ontario), et appuyée par les autres entreprises canadiennes fabriquant les produits à l'époque. Stelco a fermé ses portes en juin 2004.

[12] Le 27 juin 1997, le sous-ministre du Revenu national (l’équivalent du président de l’ASFC aujourd’hui) a mis fin à l’enquête pour les marchandises de Pologne. Puis le 25 septembre de la même année, il a rendu une décision définitive de dumping concernant certaines tôles d'acier laminées à chaud originaires ou exportées du Mexique, de Chine, d’Afrique du Sud et de Russie.

[13] Le 27 octobre 1997, le TCCE a conclu que le dumping en question menaçait de causer un dommage à l’industrie nationale.

[14] Le 11 juin 2002 après ouverture du réexamen relatif à l’expiration des conclusions de dommage du TCCE, le Commissaire des douanes et du revenu a décidé que l’expiration des conclusions causerait vraisemblablement la poursuite ou la reprise de ce dumping.

[15] Le 10 janvier 2003 au terme du réexamen relatif à l’expiration RR-2001-006, le TCCE a rendu une ordonnance prorogeant ses conclusions pour les marchandises en cause de la Chine, de la Russie et de l’Afrique du Sud, mais les annulant pour celles du Mexique.

[16] Le 6 mars 2007, le TCCE a annoncé par un avis que son ordonnance du 10 janvier 2003 expirerait bientôt; puis le 25 avril 2007 conformément au paragraphe 76.03(3) de la LMSI, il ouvrait un réexamen relatif à l’expiration de cette ordonnance.

[17] Le 26 avril 2007, l’ASFC a ouvert sa propre enquête pour ce réexamen relatif à l’expiration. Puis le 23 août 2007, conformément à l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI, l’ASFC a décidé que l’expiration de l’ordonnance causerait probablement la poursuite ou la reprise du dumping.

[18] Le 9 janvier 2008 au terme du réexamen relatif à l’expiration RR-2007-001, le TCCE a prorogé son ordonnance à l’égard de la tôle en acier laminée à chaud originaire ou exportée de la Chine. Conformément au sous-alinéa 76.03(12)a)(i) de la LMSI, il a aussi annulé son ordonnance à l’égard de celle originaire ou exportée de l’Afrique du Sud et de la Russie.

[19] Le 25 avril 2012 conformément au paragraphe 76.03(3) de la LMSI, le TCCE a ouvert un réexamen relatif à l’expiration prochaine de son ordonnance du 9 janvier 2008; puis le 23 août 2012 conformément à l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI, l’ASFC décidait que l’expiration de l’ordonnance causerait probablement la poursuite ou la reprise du dumping de ces marchandises.

[20] Le 8 janvier 2013 au terme du réexamen relatif à l’expiration RR-2012-001, le TCCE a prorogé son ordonnance à l’égard de la tôle d’acier laminée à chaud originaire ou exportée de la Chine.

[21] Enfin le 14 août 2017, le TCCE a annoncé par un avis que son ordonnance du 8 janvier 2013 expirerait bientôt; puis le 3 octobre 2017 conformément au paragraphe 76.03(3) de la LMSI, il ouvrait un réexamen relatif à l’expiration de cette ordonnance.

Définition des produits

[22] Les marchandises assujetties à l’ordonnance sont définies comme suit :

Tôles d’acier au carbone laminées à chaud et tôles d’acier allié résistant à faible teneur, n’ayant subi aucun autre complément d’ouvraison que le laminage à chaud, traitées ou non à la chaleur, coupées à longueur, d’une largeur variant de 24 pouces (+/- 610 mm) à 152 pouces (+/- 3 860 mm) inclusivement, et d’une épaisseur variant de 0,187 pouce (+/- 4,75 mm) à 4 pouces (+/- 101,6 mm) inclusivement, originaires ou exportées de la République populaire de Chine, mais à l’exclusion des tôles devant servir à la fabrication de tuyaux ou de tubes (aussi appelées « feuillards »), les tôles en bobines, les tôles dont la surface présente par intervalle un motif laminé en relief (aussi appelées « tôles de plancher »), et les tôles fabriquées selon les spécifications A515 et A516M/A516 de l’« American Society for Testing and Materials » (ASTM), nuance 70 (aussi appelées « tôles pour appareils à pression »), d’une épaisseur supérieure à 3,125 pouces (+/- 79,3 mm).

Précisions

[23] La fabrication des marchandises assujetties (ou « en cause ») répond à certaines spécifications de l’Association canadienne de normalisation (CSA) et/ou de l’American Society for Testing and Materials (ASTM), ou à des spécifications équivalentes.

[24] La spécification CSA G40.21 concerne l’acier devant servir dans la construction générale. Dans l’ASTM, par exemple, la spécification A36M/A36 comprend les tôles de construction; les spécifications A572M/A572 comprennent les tôles d’acier allié résistant à faible teneur, et la spécification A516M/A516 comprend les tôles de qualité devant servir à la fabrication des appareils sous pression.

[25] Les normes de l’ASTM, comme la A6/A6M et la A20/A20M, admettent des dimensions variables jusqu'à un certain point.

[26] Il y a lieu de noter que les dimensions métriques équivalentes dans la définition des marchandises sont des chiffres arrondis, à preuve le symbole « +/- ».

Classement des importations

[27] Les marchandises en cause s’importent généralement au Canada sous les numéros de classement tarifaire indiqués à l’annexe A. Cependant il se peut que ces numéros ne soient pas exclusifs aux marchandises en cause, et inversement, ne les contiennent pas toutes : seule la définition de produits fait autorité au sujet des marchandises en cause.

Période visée par le réexamen

[28] La période visée par le réexamen (PVR), c’est-à-dire par l’enquête de l’ASFC pour le réexamen relatif à l’expiration, va du 1er janvier 2014 au 30 juin 2017.

Branche de production nationale

[29] La branche de production nationale se compose des deux sociétés suivantes* :

  • Essar Steel Algoma Inc., de Sault Ste. Marie (Ontario)
  • Evraz Inc. NA Canada, de Regina (Saskatchewan
  • Les centres de services ont aussi répondu à leurs QRE. Elles ne chauffent ni ne laminent de tôles au Canada, mais elles les coupent à longueur.

Essar Steel Algoma Inc.

[30] Constituée le 1er juin 1992 au titre de la Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario, Algoma Steel Inc. a racheté tout l’actif et une partie du passif de l’ancienne Algoma Steel Corporation Limited. Puis le 29 janvier 2002, elle a été réorganisée en application d’un plan d’arrangement et réorganisation en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies du Canada.

[31] En juin 2007, Algoma Steel Inc. a été achetée par Essar Steel Holdings Ltd, une division du conglomérat multinational Essar Global. Le 8 mai 2008, la société a été rebaptisée Essar Steel Algoma IncNote de bas de page 1.

[32] Essar Algoma est un producteur de fer et d’acier du secteur primaire. En termes d’acier brut, sa capacité de production annuelle avoisine les 3,7 mégatonnes métriques (Mtm); en termes de produits finis, 3,4 Mtm de tôle en acier au carbone, tôle d’acier laminée à chaud, et tôle laminée à froidNote de bas de page 2. Ses usines se trouvent à Sault Ste. Marie (Ontario) et ses bureaux de vente régionaux à Burlington (Ontario) et Calgary (Alberta)Note de bas de page 3.

Evraz Inc. NA Canada

[33] Evraz Canada (qui correspond à l’ancienne IPSCO Inc. dans l'Ouest canadien) a d'abord été constituée en 1956 sous le nom de Prairie Pipe Manufacturing Co. Ltd. En 1960, elle a commencé à produire ses propres laminés d’acier, y compris de la tôle d’acier laminée à chaud. Evraz Canada continue de produire de la tôle d’acier au carbone et acier allié laminée à chaud en plus d’autres produits en acier laminés à plat, y compris des feuilles d'acier laminées à chaud, des fournitures tubulaires pour puits de pétrole, des tubes standard et des tubes pour pilotis.

[34] C'est le 17 juillet 2007 que SSAB, filiale de l'entreprise suédoise SSAB Svenkst Stahl, a acheté IPSCO Inc. et ses filiales. Par suite d’une nouvelle réorganisation, IPSCO Inc. ne détenait plus que les usines canadiennes, outre l'usine de bobines à Scarborough (Ontario).

[35] Le 12 juin 2008, Evraz Group S.A. a racheté à SSAB toutes ses actions d’IPSCO Inc. et de toutes ses filiales. SSAB a conservé plusieurs installations aux États-Unis, et celle de Scarborough (Ontario).

[36] Le 15 octobre 2018, IPSCO Inc. a changé de nom pour Evraz Inc. NA Canada, et sa filiale à 100 % IPSCO Canada Inc., pour Evraz Inc. NA Canada West.

[37] Le 1er janvier 2009, Evraz Inc. NA Canada West a été intégrée à Evraz Inc. NA CanadaNote de bas de page 4.

[38] Cette entreprise fabrique des tôles d’acier, des feuilles d’acier et des produits tubulaires, en plus de transformer des bobines, le tout dans quatre usines au Canada. Celle de Regina s’avère la plus grosse usine sidérurgique de l’Ouest canadien, et c’est là seulement qu’Evraz fabrique des tôles d’acierNote de bas de page 5.

Marché canadien

[39] Les tableaux ci-dessous résument les importations de tôle d’acier laminée à chaud au Canada dans la PVR. L’ASFC ne peut publier de chiffres quantitatifs précis au sujet des producteurs canadiens, puisqu’ils ne sont que deux et que donc cela reviendrait à divulguer des renseignements confidentiels.

Tableau 1
Importations de tôle d’acier laminée à chaudNote de bas de page 6
au Canada dans la PVR
Sources 2014 2015 2016 2017
(janv.-juin)
Production canadienne * * * *
Importations de Chine $ 0 $ 0 $ 0 $ 0
Importations d'autres pays $ 595 612 747 $ 410 189 848 $ 394 957 504 $ 197 896 109
Marché total * * * *
Tableau 2
Importations de tôle d’acier laminée à chaud au Canada dans la PVRNote de bas de page 7
(en tonnes métriques)
Sources 2014 2015 2016 2017
(janv.-juin)
Production canadienne * * * *
Importations de Chine 0 0 0 0
Importations d'autres pays 798 917 515 548 479 445 235 560
Marché total * * * *

Production

[40] En 2014, la production canadienne de tôle d’acier laminée à chaud représentait à peu près un quart du marché canadien apparent; cette part de marché a grandi légèrement en 2015, 2016 et 2017.

Importations

[41] Dans la PVR, il n’y a pas eu d’importations de marchandises en cause provenant de la Chine. Les importations sont venues de plusieurs pays, surtout la Turquie et les États-Unis, et elles diminuent depuis 2014 comme on le voit dans les tableaux ci-dessus.

Imposition des droits

[42] Dans la PVR, il n’y a pas eu d’importations de marchandises en cause au Canada, et donc l’ASFC n’a perçu aucun droit antidumping.

Parties à la procédure

[43] Le 4 octobre 2017, l’ASFC a envoyé aux producteurs canadiens connus, importateurs potentiels et producteurs/exportateurs potentiels le QRE ainsi que l’avis d’ouverture de son enquête pour réexamen relatif à l’expiration.

[44] Les QRE demandaient l’information nécessaire pour étudier les facteurs de réexamen relatif à l’expiration du paragraphe 37.2(1) du Règlement sur les mesures spéciales d’importation (RMSI) qui sont pertients en l’espèce. Toutes les personnes intéressées ont aussi été invitées à s’exprimer sur la probabilité que le dumping reprenne ou se poursuive advenant que l’ordonnance de dommage du TCCE expire.

[45] Comme on l'a déjà vu, il y a actuellement deux producteurs canadiens de tôle d’acier laminée à chaud. Tous deux ont participé à l’enquête en répondant au QRE; Essar Algoma a également soumis un mémoire, selon lequel la poursuite ou la reprise du dumping serait probable.

[46] Ont aussi répondu aux QRE huit centres de service canadiens (dont certains sont aussi importateurs de produits d’acier autre que ceux en cause) et importateurs : SSAB Central IncNote de bas de page 8; Alliance Steel CorporationNote de bas de page 9; Russel MetalsNote de bas de page 10; Acier NovaNote de bas de page 11; Olbert MetalNote de bas de page 12; C&F SteelNote de bas de page 13; Reliance MetalsNote de bas de page 14; et Samuel, Son and Co. LimitedNote de bas de page 15.

[47] Aucune de ces parties n’a soumis de mémoire ni de contre-exposé, et seul Acier Nova s’est exprimé sur la vraisemblance d’une poursuite ou reprise du dumping. De même, aucune n’avait importé de marchandises en cause dans la PVR.

[48] Aucun des producteurs et exportateurs potentiels en Chine n’a présenté de réponses au QRE, de mémoire ni de contre-exposé.

Information que l’ASFC a prise en compte

Dossier administratif

[49] Les renseignements que l’ASFC a considérés pour le réexamen relatif à l'expiration figurent au dossier administratif. Ce dossier comprend les renseignements énumérés dans la liste des pièces justificatives de l'ASFC, laquelle comprend le dossier administratif sur lequel le TCCE a basé sa décision d’ouvrir le réexamen relatif à l'expiration; ainsi que les pièces justificatives de l'ASFC et les renseignements présentés par les parties intéressées, y compris les renseignements qu'elles estiment pertinents pour déterminer si le dumping se poursuivrait ou reprendrait selon toute vraisemblance advenant l’expiration des conclusions. Ces renseignements peuvent être des rapports d'analystes experts, des extraits de revues spécialisées et de journaux, des ordonnances et des conclusions rendues par les autorités du Canada ou d’un autre pays, des documents d’organismes telle l'Organisation mondiale du commerce (OMC), et des réponses au QRE présentées par des producteurs canadiens, des importateurs, des exportateurs ou des gouvernements étrangers.

[50] Dans tout réexamen relatif à l'expiration, l'ASFC fixe une « date de clôture du dossier » après laquelle aucun nouveau renseignement ne peut plus être versé au dossier administratif; ici, c’était le 4 décembre 2017. Ainsi les participants ont le temps de préparer leurs mémoires et leurs contre-exposés d’après les renseignements se trouvant au dossier administratif à la date de clôture – lesquels, en l’espèce, n’ont posé aucun problème de procédure.

Position des parties

Parties selon qui le dumping risque fort de reprendre ou de se poursuivre

[51] Deux parties ont exprimé le point de vue que la poursuite ou la reprise du dumping était probable. Acier Nova dit redouter la « menace » des importations de tôle forte en provenance de Chine si l’ASFC ne maintient pas les mesures en placeNote de bas de page 16.

[52] Quant au producteur canadien Essar Algoma, le mémoire qu’il a déposé va dans le même sens. Les principaux facteurs relevés par Essar Algoma peuvent se résumer comme suit :Note de bas de page 17

  • Conjoncture internationale
  • Surcapacité de production en Chine
  • Dépendance de la Chine envers les exportations
  • Importations au Canada de gros volumes de tôle bon marché achetée à de nouveaux fournisseurs
  • Mesures commerciales en vigueur dans d’autres pays
  • Comportement des exportateurs chinois tandis que l’ordonnance était en vigueur

Conjoncture internationale

[53] Essar Algoma cite plusieurs rapports quant à la situation sur le marché international de l’acier en général et de la tôle en particulier, qui selon lui rendrait fort probable une reprise du dumping advenant que l’ordonnance soit annulée. Le comité de l’acier de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dit que les conditions se sont améliorées à l’échelle mondiale en 2017, mais son président note aussi que la progression modeste de la demande attendue en 2017 et 2018 ne va pas corriger complètement le déséquilibre de l’offre et de la demandeNote de bas de page 18; la conjoncture de l’industrie sidérurgique, écrit-il, n’a connu qu’une amélioration modeste depuis le creux de 2015, et il faut s’attendre à ce que la reprise reste hésitanteNote de bas de page 19.

[54] Selon Essar Algoma, ces prévisions de demande languissante sont d’autant plus problématiques que la crise mondiale de surcapacité perdureNote de bas de page 20.

Surcapacité de production en Chine

[55] Essar Algoma fournit dans son mémoire des statistiques détaillées sur la capacité de production des usines de laminage chinoises, sur leur production réelle, et sur le taux d’utilisation que celle-ci représente. Pourtant sur la période de 2014 à 2020, ces statistiques accusent une importante surcapacité.

[56] La production mondiale sur laminoirs réversibles est appelée à augmenter de plus de 5 Mtm en 2018, puis encore de presque 4 Mtm en 2019, l’augmentation totalisant à peu près 12 Mtm dans la période de 2017 à 2020. Quant à la surcapacité mondiale de production sur laminoirs réversibles, elle est passée de 50 à 59 Mtm en 2017. Mais bien que cette surcapacité soit appelée à diminuer dans les trois prochaines années, le taux d’utilisation mondial des capacités va rester inférieur à 75 %, la capacité disponible atteignant les 50 Mtm jusqu’en 2019 inclusivementNote de bas de page 21.

[57] Essar Algoma ajoute que la capacité mondiale du matériel pour fabriquer de la tôle (laminoirs réversibles, laminoirs Steckel, laminoirs à bandes à chaud) a progressé de quasiment 50 Mtm dans la période de 2014 à 2017, et devrait le faire d’encore 3,7 Mtm entre 2017 et 2019, la production quant à elle augmentant d’un peu moins de 35 Mtm dans la même période. Malgré cette hausse de production, la surcapacité des machines en question va rester bien au-dessus de 150 Mtm, soit 16 % de la capacité totale pour cette année-làNote de bas de page 22.

[58] Essar Algoma écrit dans son mémoire que quand il s’agit de surcapacité dans l’industrie sidérurgique au niveau mondial, la Chine arrive en tête puisqu’elle en représente les deux tiers; elle a ajouté 990 Mtm à sa capacité dans la période de 2000 à 2015, ce qui compte pour plus de trois quarts de l’augmentation de capacité à l’échelle mondiale (1,2 gigatonne métrique [Gtm]) dans la même période.Note de bas de page 23 Cette montée en flèche s’explique largement par des politiques qui soutiennent l’industrie sidérurgique, considérée comme stratégique.

[59] En février 2016, le gouvernement de Chine a annoncé son intention de retrancher 100 à 150 Mtm sur la capacité de production sidérurgique nationale d’ici 2020. C’est une bonne nouvelle, mais même s’il y parvient, cela ne suffira pas à régler le problème de surcapacité en ChineNote de bas de page 24.

[60] Selon Essar Algoma, [notre traduction] « les efforts du gouvernement de Chine pour réduire la surcapacité se traduisent par l’apparition d’entreprises d’État (EE) plus grosses et plus puissantes, ce qui marginalise les producteurs du secteur privé. Les EE ayant une part croissante de la capacité relative, la menace dumping augmente d’autant; ces EE géantes ont un immense pouvoir de marché, et des circuits de distribution capables d’expédier de la tôle sous-évaluée au Canada»Note de bas de page 25.

[61] Essar Algoma montre statistiques à l’appui qu’en 2017 la capacité chinoise de production sur laminoirs réversibles s’élevait à 69 Mtm, de quoi alimenter plusieurs fois le marché canadien. Quant à la capacité combinée de toutes les usines chinoises de laminage, elle se chiffre à 353 Mtm de tôles correspondant à la définition de produitsNote de bas de page 26.

Dépendance de la Chine envers les exportations

[62] Essar Algoma souligne, preuves à l’appui, que l’industrie sidérurgique chinoise dépend de l’exportation : « L’industrie sidérurgique chinoise est très axée sur l’exportation, et il est d’autant plus probable qu’elle répondra aux difficultés sur le marché intérieur par le dumping de marchandises en cause au Canada si l’ordonnance du TCCE vient à expirer»Note de bas de page 27.

[63] Essar Algoma donne aussi des preuves d’un sérieux essoufflement de la construction navale, surtout en Chine, lequel va probablement pousser les producteurs de tôle dans ce pays à regarder vers des marchés plus lointains, se faisant concurrence sur les prix pour sauver les volumes de ventes; de là vient une menace distincte de reprise du dumping au Canada si l’ordonnance du TCCE expire.

Importations au Canada de gros volumes de tôle bon marché achetée à de nouveaux fournisseurs

[64] Essar Algoma soutient que de nouveaux fournisseurs étrangers (surtout de Turquie, de Malaisie et de Taiwan) se sont mis à vendre de la tôle d’acier à bas prix sur le marché canadien et que, si l’ordonnance expirait, les exportateurs de Chine devraient leur faire concurrenceNote de bas de page 28.

Mesures commerciales en vigueur dans d’autres pays

[65] Essar Algoma affirme que les exportateurs chinois de marchandises en cause ont déjà tendance à faire le dumping de tôle, entre autres produits de l’acier. Soumettant la liste des produits d’acier exportés de Chine au Canada et frappés de droits antidumping ou compensateurs, il mentionne aussi le nombre de mesures antidumping qui sont en vigueur à l’étranger (p. ex. en Australie, en Indonésie, au Mexique et aux États-UnisNote de bas de page 29).

Comportement des exportateurs chinois tandis que l’ordonnance était en vigueur

[66] Essar Algoma mentionne que, depuis que la mesure qui nous intéresse est en vigueur contre les marchandises de Chine, les exportateurs de ce pays n’exportent plus de marchandises en cause au Canada, mais gardent quand même une présence marquée au Canada en vendant de gros volumes de tôle non en causeNote de bas de page 30.

Parties selon qui le dumping ne risque pas de reprendre ni de se poursuivre

[67] Aucune des parties aux procédures n’affirme que le dumping ne risquerait pas de reprendre ni de se poursuivre.

Étude et analyse

[68] Quand elle décide au titre de l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI si selon toute probabilité l’expiration d'une ordonnance entraînera la poursuite ou la reprise d’un dumping, l’ASFC peut prendre en compte tous les facteurs pertinents dans les circonstances, sans se limiter à ceux du paragraphe 37.2(1) du RMSI.

[69] Avant de présenter une analyse propre au pays, nous devons aborder certaines questions générales concernant les marchandises en cause, en particulier ce qui suit :

  • La tôle d'acier laminée à chaud est un produit de base.
  • La sidérurgie est une industrie à forte intensité capitalistique.
  • Plusieurs développements et tendances s'observent sur le marché de l’acier.

La tôle d'acier laminée à chaud est un produit de base

Si beaucoup de mesures antidumping au Canada comme ailleurs mettent en cause des produits de l’acier, cela s’explique en grande partie par la nature même de ces produits et de leur industrie.

[71] En règle générale, toutes les tôles d'acier laminées à chaud fabriquées selon les mêmes spécifications sont physiquement interchangeables, peu importe dans quel pays elles ont été fabriquées; c'est donc dire qu'elles sont en concurrence, partageant les mêmes circuits de distribution et que les mêmes clients potentiels. Leur marché est extrêmement sensible aux prix, c.-à-d. que le prix est un des principaux facteurs déterminant les décisions d’achat, et que les prix les plus bas peuvent entraîner les autres prix à la baisse.

[72] Il y a des précédents au Canada pour le dumping de tôle. Les enquêtes sur des produits d’acier semblables (de divers pays) sont au nombre de huit depuis 1992; sept d’entre elles ont débouché sur des mesures antidumping, avec ou sans mesures compensatoires.

[73] Les marchandises en cause sont un produit de base. Il s’ensuit que, aussitôt que des mesures sont en place pour un pays donné, d’autres fournisseurs apparaissent. Ce phénomène est évident quand on constate le nombre de mesures prises au Canada contre la tôle d’acier laminée à chaud, qu’elles soient toujours en vigueur ou non.

La sidérurgie est une industrie à forte intensité capitalistique

[74] Ensuite, il y a la forte intensité capitalistique de la production d’acier. Comme l’a déjà mentionné le TCCE : « Les aciéries sont des entreprises capitalistiques à frais fixes élevés. Pour recouvrer les frais fixes, elles doivent fonctionner à un taux élevé de leur capacité de production. Lorsque la demande sur le marché national baisse, les producteurs tentent d’accéder à des marchés étrangers pour maintenir le taux d’utilisation de leur capacité et recouvrer leurs frais fixesNote de bas de page 31. »

[75] On parle souvent de la « rentabilité de la production d’acier ». Cette caractéristique est particulièrement importante si la capacité est excessive, car un producteur pourra trouver plus pratique de vendre sa surproduction sur des marchés étrangers à prix réduits plutôt que de diminuer la production, pourvu que ses coûts variables soient couverts.

Plusieurs développements et tendances s'observent sur le marché de l’acier

[76] Dans la première année de la PVR (2014), la consommation mondiale d’acier a diminué de 0,8 % en glissement annuel au premier trimestre, après une croissance de 9,3 % et 8,7 % aux troisième et quatrième de 2013 respectivement, selon Commodity Research Unit (CRU). Cet arrêt subit au premier trimestre de 2014 s’explique par le déclin de 0,7 % dans la demande d’acier en Chine, après de fortes hausses de 15,3 % et 12,0 % aux troisième et quatrième trimestres de 2013 (d’une année sur l’autreNote de bas de page 32). À la fin de 2014, le taux de croissance de la production sidérurgique était tombé à 1,2 %, la suroffre conjuguée à la faiblesse de la demande exacerbant la conjoncture. Ainsi en 2014, tandis que plusieurs pays dont la Turquie, le Brésil et l’Ukraine ont vu baisser leur production sidérurgique, la Chine a vu la sienne augmenter de 822,7 MtmNote de bas de page 33.

[77] La capacité mondiale de production sidérurgique connaît une véritable explosion depuis 10 ans. En 2014 existait un écart imposant au niveau mondial entre celle-ci (2,24 Gtm) et la demande d’acier brut (1,65 Gtm), la surcapacité en Chine seulement étant estimée près de 427 MtmNote de bas de page 34. Les exportations mondiales d’acier ont progressé de 9 % entre 2013 et 2014 pour atteindre une quantité record de 440 Mtm, ce qui s’explique à plus de 80 % par la hausse des exportations de Chine (au moins 90 Mtm en 2014). Cette année-là cependant, la croissance de la demande d’acier en Chine a été beaucoup plus faible, entraînant une multiplication des exportationsNote de bas de page 35.

[78] Entre 2015 et 2016, la production d’acier brut est passée de 803,8 à 808,4 MtmNote de bas de page 36 en Chine, et de 816,2 à 821,2 Mtm dans tous les autres pays. Quant à la capacité de production mondiale, elle a grimpé de 987,8 Mtm (71,8 %) de 2005 à 2015; mais après un bond de 8,1 % en 2013 sa croissance a commencé à ralentir, n’ayant été que de 90,8 Mtm (4 %) entre 2013 et 2015Note de bas de page 37.

[79] Mondialement, le taux d’utilisation de la capacité baisse pratiquement tous les ans depuis 2005. Il est tombé à 70 % en 2009 après la crise financière mondiale, avant de remonter à 77,4 % en 2011. Par la suite cependant, il a repris sa tendance à la baisse, pour atteindre en 2015 son niveau le plus bas en 10 ans : 68,7 %Note de bas de page 38.

[80] Puisque l’acier représente un produit intermédiaire essentiel pour le secteur industriel, la demande d’acier est souvent déterminante pour le cycle de production industrielle. Le creux du cycle de demande d’acier a été atteint en septembre 2015, plus ou moins six mois avant que mondialement la production industrielle ne commence à se rétablirNote de bas de page 39. La demande d’acier, qui avait baissé de 2,8 %Note de bas de page 40, n’a repris qu’en 2016Note de bas de page 41.

[81] En 2015, la capacité mondiale de production d’acier dépassait de plus de 700 Mtm la production réelle et de plus de 800 Mtm la demande, écarts exacerbés par le déclin de la demande et de la production cette année-làNote de bas de page 42. De même les perspectives du secteur sidérurgique étaient toujours peu encourageantes vu la quasi-stagnation de la demande mondiale, la surcapacité persistante (favorisée par encore de nouveaux investissements), et la faible rentabilité des entreprises sidérurgiquesNote de bas de page 43.

[82] Le prix de la tôle standard a été très volatil entre 2014 et 2016, chutant au quatrième trimestre de 2015 et au premier de 2016 pour ensuite fluctuer tout le reste de la période. À la fin du troisième de 2017, les prix n’étaient toujours pas remontés aux niveaux de 2008 avant la crise financière, bien qu’il y eût une amélioration non négligeableNote de bas de page 44.

[83] Puisque l’investissement suit sa tendance à la hausse dans beaucoup de pays et que la croissance de la consommation d’acier est appelée à rester modérée, le déséquilibre mondial capacité-demande va rester un risque pour l’industrie un certain tempsNote de bas de page 45. L’information publique sur les projets d’investissement porte à croire que les ajouts de capacité brute vont avoisiner les 40 Mtm et devraient se concrétiser en 2017-2019, tandis que d’autres ajouts totalisant 54,5 Mtm sont en cours de planification et devraient démarrer dans la même périodeNote de bas de page 46. Quant aux prévisions sur le taux d’utilisation de la capacité, celui-ci devait atteindre 75 % à la fin de 2017 et rester à ce niveau en 2018Note de bas de page 47.

Probabilité que le dumping reprenne ou se poursuive

[84] Guidée par les facteurs énumérés au paragraphe 37.2(1) du RMSI et ayant considéré le dossier administratif, l’ASFC a analysé les points suivants :

  • L’industrie sidérurgique chinoise dépend beaucoup de l’exportation.
  • La capacité de production en Chine est trop grande.
  • Il existe une tendance à rediriger les exportations.
  • L’industrie sidérurgique chinoise fonctionne à perte.
  • Les produits de l’acier provenant de Chine sont visés par des mesures antidumping au Canada comme ailleurs.
  • La Chine s’intéresse au marché canadien et n’arrive pas à faire concurrence sans pratiquer le dumping.

[85] Comme nous l'avons déjà vu, aucun producteur chinois de tôle d'acier laminée à chaud n’a répondu au QRE, ni n'a soumis de mémoire ou de contre-exposé.

L’industrie sidérurgique chinoise dépend beaucoup de l’exportation

[86] La Chine est le premier exportateur d’acier au monde, ayant exporté 108,1 Mtm en 2016. De surcroît, avec des importations ne dépassant pas 13,6 Mtm de produits de l’acier, les exportations nettes de 2016 s’élèvent à 94,5 MtmNote de bas de page 48.

[87] En 2016, les exportations d’acier de la Chine ont été deux fois supérieures à celle du deuxième exportateur en importance, le Japon, et plus de trois fois supérieures à celles des troisième et quatrième, la Russie et la Corée du Sud. Depuis 2009, les exportations d’acier de la Chine ont progressé de 421 %Note de bas de page 49.

[88] De 2009 à 2016, les exportations de la Chine en pourcentage de sa production d’acier ont plus que triplé, passant de 4 % à 13,2 %, et les produits plats y sont pour plus de 53 %. La production elle-même s’est stabilisée à 822,7 Mtm en 2014, 803,8 Mtm en 2015 et 808,4 Mtm en 2016. Pendant ce temps, la consommation intérieure reculait de 776,5 Mtm en 2014 à 715,2 Mtm en 2016Note de bas de page 50. En exportant une part toujours grandissante de leur production, les producteurs d’acier de la Chine prouvent qu’ils dépendent beaucoup des ventes à l’exportation pour maintenir leur production.

[89] Le Steel Statistical Yearbook de 2016 ventile dans le menu détail les importations et exportations d’une petite catégorie de marchandises, les produits d’acier plats, dont fait partie la tôle laminée à chaud. Comme on le voit dans le tableau ci-dessous, les exportations nettes de produits plats en provenance de la Chine sont passées de 5,56 Mtm en 2011 à 37,70 Mtm en 2015; c’est une augmentation de 578 %.

Exportations et importations de produits d’acier plats par la Chine
(en Mtm)Note de bas de page 51
Chine 2011 2012 2013 2014 2015
Exportations brutes 26,59 26,97 27,64 43,67 48,47
Importations 13,20 11,67 11,89 12,08 10,77
Exportations nettes 13,39 15,30 15,75 31,59 37,70

[90] Ces données confirment que la Chine, toujours de plus en plus, dépend de l’exportation de ses produits d’acier, y compris les produits plats comme la tôle. Les exportateurs de ce pays vont donc continuer à se concentrer sur les marchés d’exportation, dont le Canada éventuellement si l’ordonnance du TCCE est annulée.

La capacité de production en Chine est trop grande

[91] La Chine est le plus gros producteur d'acier brut au monde. Nous avons déjà vu qu’en 2016 sa production de 808,4 Mtm avait représenté environ 50 % du total mondialNote de bas de page 52. Sa capacité de production, pourtant, atteint les 1 100 MtmNote de bas de page 53.

[92] Après une augmentation stable de 2009 à 2014, la production d’acier brut de la Chine s’est stabilisée en 2015 et 2016, puis elle a monté de 4 % au premier semestre de 2017 par rapport à celui de 2016. La production et la consommation apparente s’équivalaient plus ou moins en 2009, mais en 2016, la première dépassait la seconde de 93,2 MtmNote de bas de page 54.

[93] C’est la Chine qui de nos jours accuse le plus gros excès de capacité de production sidérurgiqueNote de bas de page 55 : de 325 à 350 Mtm d’après les estimations pour 2015Note de bas de page 56. Son gouvernement a pris conscience du problème et commence à adopter des politiques en conséquence, mais vu leurs implications sociales, il faudra attendre quelques années avant de voir une réduction véritableNote de bas de page 57. Le gouvernement prévoit retrancher 150 Mtm à la capacité de production nationale d’ici 2020Note de bas de page 58, mais le mémoire du producteur canadien comme les recherches indépendantes de l’ASFC portent à croire que malgré cela, la surcapacité de l’industrie sidérurgique chinoise n’est pas près de se résorber.

[94] Le dossier ne contient pas de chiffres sur la production de marchandises en cause, mais le Steel Statistical Yearbook 2016 de la World Steel Association en contient sur l'acier brut et la tôle laminée à chaudNote de bas de page 59. Le tableau ci-dessous présente sommairement la production chinoise de ces deux catégories de produits dans la période de 2011 à 2015.

Production chinoise d’acier brut et de tôle laminée à chaudNote de bas de page 60
(en Mtm)
Chine 2011 2012 2013 2014 2015
Acier brut 638,74 731,04 822,00 822,75 803,82
Tôle laminée à chaud (≥ 3 mm) 180,30 176,03 188,35 196,67 196,68

[95] Comme on le voit ci-dessous, la tôle laminée à chaud (≥ 3 mm) a représenté une part décroissante de la production d’acier brut de 2011 à 2012, passant de 28 % à 24 %, puis encore à 23 % en 2013, avant de se stabiliser à 24 % pour 2014 et 2015.

[96] Quant à la capacité de production, il ressort des données fournies par Essar Algoma Steel Inc. et du Steel Plate Products Market Outlook de CRU que pour la tôle laminée à chaud elle s’élevait à 353 Mtm en 2017 et devrait rester à ce niveau jusqu’en 2020Note de bas de page 61Note de bas de page 62.

[97] Malgré les efforts du gouvernement pour réduire la capacité, la production d’acier par la Chine serait sans doute 3% à 5% plus élevée en 2017 qu’en 2016. Le plus gros producteur d’acier au monde aurait produit en 2017 environ 840 Mtm d’acier brut, une augmentation de 4 % en glissement annuelNote de bas de page 63. Et si le pourcentage de tôle laminée à chaud reste le même (24 %) jusqu’à la fin de 2017, il représenterait plus ou moins 202 Mtm produites dans l’année. Ce sont 151 Mtm de capacité excédentaire sur 353 Mtm de capacité totale pour la tôle laminée à chaud seulement, soit plusieurs fois la taille du marché canadien pour cette année-là.

[98] Comme on l’a déjà vu, les producteurs d’acier de la Chine misent largement sur l’exportation. Compte tenu de leur surcapacité estimative quant à la tôle d’acier laminée à chaud, il est probable que sans l’ordonnance du TCCE ils recommenceraient à exporter des marchandises en cause au Canada.

Il existe une tendance à rediriger les exportations

[99] Au premier semestre de 2017, les 10 principaux marchés d’exportation de la Chine pour les produits de l’acier lui ont importé 21,6 Mtm de ces mêmes produits, soit 54 % de tous ceux qu’elle a exportés dans cette période. La Corée du Sud arrive en tête, suivie du Vietnam, des Philippines, de la Thaïlande et de l’Indonésie. Mais comparativement à 2016, ces exportations sont plus basses pour les 10 pays; les marchandises ont été redirigées vers la Russie (+ 107 %) et l’Équateur (+ 85 %Note de bas de page 64).

[100] Dans le semestre de janvier à juin 2017, les produits plats (à 21,6 Mtm) ont représenté 53 % des exportations d’acier de la Chine. Là encore la Corée du Sud arrive en tête (avec 3,7 Mtm en importationsNote de bas de page 65), mais d’après les perspectives à court terme de la World Steel Association (WSA) les exportateurs chinois ne pourront pas compter sur elle pour absorber les volumes supérieurs en 2018, puisque sa demande est appelée à s’effondrer.

[101] La WSA ajoute que la demande d’acier en Corée du Sud souffre du taux élevé d’endettement à la consommation, de l’essoufflement de la construction immobilière et de la faiblesse de la construction navale, tandis que la sérieuse menace des armes nucléaires nord coréennes crée une situation tendue et hautement imprévisibleNote de bas de page 66. Ce refoulement dans leur plus gros marché forcera les exportateurs chinois à aller voir ailleurs.

[102] Les cas de redirection susmentionnés prouvent que les exportateurs chinois veulent et peuvent exporter leur surproduction toujours croissante dans tout pays où la demande soit viable. En outre, le recul de la demande sur leurs marchés habituels va les pousser à chercher d’autres marchés. Donc, ils exporteraient vraisemblablement au Canada si l’ordonnance du TCCE était annulée.

L’industrie sidérurgique chinoise fonctionne à perte

[103] En Chine, l’écart se creuse progressivement depuis 2009 entre la production et la consommation apparente d’acier brut. Le pays est connu depuis longtemps comme le moteur d’une forte croissance de la demande mondiale en acier, mais en 2014 sa propre demande intérieure a reculé pour la première fois depuis 1996. En 2016 elle se trouverait 93,2 Mtm sous la production nationale; et pendant ce temps, les stocks d’acier brut grossissentNote de bas de page 67Note de bas de page 68.

[104] La croissance des exportations de produits plats en provenance de Chine, surtout récemment, pourrait très bien s’expliquer par le fait que les producteurs de ce pays ont été forcés de réduire leur prix à l’exportation pour écouler les stocks en question.

[105] D’après la China Iron and Steel Association (CISA), les 101 plus gros sidérurgistes de Chine ont perdu près de 10 G$US en 2015. Les pertes se concentrent du côté des EE, tandis que les sociétés privées les plus efficaces sont parvenues à dégager des profits marginauxNote de bas de page 69.

[106] Un tel déficit pourrait s’expliquer en partie par les prix très bas, de sorte que les producteurs vendent à perte. Basé sur les prix selon SteelBenchmarker, le tableau ci-dessous montre le prix de la tôle standard en Chine et aux États-Unis à différentes dates de 2016-2017Note de bas de page 70 :

Prix de la tôle standard
($US/tm)
  États-Unis Chine
13 juin 2016 731 311
24 octobre 2016 612 345
27 mars 2017 841 444
23 octobre 2017 738 525

[107] Vu la grande disparité que l’on observe ci-dessus, et le fait que l’industrie sidérurgique chinoise fonctionne à perte, il est probable que la tôle d’acier laminée à chaud se vende à perte.

[108] La Chine dépend lourdement de l’exportation de ses produits d’acier, sa demande intérieure ne suffit pas, et la tôle d’acier laminée à chaud se vend probablement à perte; pour toutes ces raisons, il est fort probable que les exportateurs de ce pays vont continuer d’exporter de la tôle d’acier laminée à chaud bon marché au Canada si l’ordonnance du TCCE est annulée.

Les produits de l’acier provenant de Chine sont visées par des mesures antidumping au Canada comme ailleurs

[109] Autre preuve que les exportateurs chinois ont tendance à faire le dumping de la tôle d’acier laminée à chaud au Canada, ils sont visés par de nombreuses mesures antidumping des autorités canadiennes et étrangères.

[110] L’Australie (19 décembre 2013), l’Union européenne (9 juin 2017), l’Inde (11 mai 2017), l’Indonésie (2 octobre 2012) et les États-Unis (20 mars 2017) ont également pris des mesures antidumping contre la tôle d’acier laminée à chaud provenant de ChineNote de bas de page 71.

[111] Autre preuve encore de cette tendance, des mesures antidumping sont en vigueur au Canada contre de nombreux produits d’acier de la Chine : tubes pour pilotis, pièces d’attache, joints de tubes courts, tubes soudés en acier au carbone, barres d’armature pour béton, etc.Note de bas de page 72 Certains produits visés, comme les feuillards laminés à chaud, sont aussi très semblables aux marchandises en cause.

[112] Comme on l’a vu, puisque la Chine dépend de plus en plus de l’exportation de ses produits plats et que la demande faiblit sur ses marchés d’exportation habituels, les exportateurs chinois n’auront peut-être pas le choix de faire du dumping sur les marchés d’exportation exempts de toutes mesures commerciales.

[113] Les nombreuses mesures en vigueur à l’étranger contre la tôle d’acier laminée à chaud de la Chine, et au Canada contre les autres produits d’acier de ce même pays, prouvent que les exportateurs de Chine ont tendance à faire le dumping des produits concernés sur leurs marchés d’exportation.

La Chine s’intéresse au marché canadien et n’arrive pas à faire concurrence sans pratiquer le dumping

[114] Depuis que l’ordonnance du TCCE est entrée en vigueur le 8 janvier 2013, il ne s’est pas du tout importé de marchandises en cause au CanadaNote de bas de page 73. Tout au long de la PVR, les exportateurs chinois de tôle d’acier ont affiché leur intérêt soutenu pour le marché canadien des produits plats en y vendant de gros volumes de tôle non en causeNote de bas de page 74.

[115] C’est encore la preuve que les exportateurs chinois s’intéressent au marché canadien de la tôle, mais n’ont pas su être compétitifs dans la PVR tandis que l’ordonnance était en vigueur; voilà qui indique leur incapacité de vendre au Canada sans faire de dumping.

Décision sur la probabilité que le dumping reprenne ou se poursuive

[116] Il ressort du dossier que la tôle d’acier laminée à chaud est un produit de base et la sidérurgie, une industrie à forte intensité capitalistique; que l’industrie sidérurgique chinoise dépend beaucoup de l’exportation; qu’avec sa surcapacité de production elle tend à rediriger ses exportations; qu’elle fonctionne à perte; que ses produits sont visés par des mesures antidumping au Canada comme ailleurs; et enfin qu’elle s’intéresse au marché canadien et n’arrive pas à y faire concurrence sans pratiquer le dumping. L’ASFC en conclut qu’il est probable que reprenne ou se poursuive le dumping au Canada de certaines tôles d’acier laminées à chaud originaires ou exportées de Chine si jamais l’ordonnance du TCCE est annulée.

Conclusion

[117] Aux fins de décision dans le présent réexamen relatif à l’expiration, l’ASFC a fait une analyse limitée aux facteurs énoncés dans le paragraphe 37.2(1) du RMSI. Ayant considéré les facteurs pertinents et analysé la preuve au dossier, l’ASFC a décidé le 2 mars 2018 conformément à l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI que l’expiration de l’ordonnance rendue par le TCCE le 8 janvier 2013 au terme du réexamen relatif à l’expiration RR 2012 001 dans l’affaire du dumping de certaines tôles d’acier au carbone laminées à chaud et tôles d’acier allié résistant à faible teneur originaires ou exportées de Chine allait probablement causer la poursuite ou la reprise du dumping en question au Canada.

Mesures à venir

[118] C’est le 5 mars 2018 que le TCCE a commencé son enquête pour déterminer si selon toute vraisemblance l’expiration de son ordonnance causerait un dommage. D’après le calendrier du réexamen relatif à l’expiration, il doit rendre sa décision d’ici le 9 août 2018.

[119] Si le TCCE juge que l'expiration de son ordonnance causerait vraisemblablement un dommage, il la prorogera par une nouvelle ordonnance, avec ou sans modification. Alors l’ASFC continuera de percevoir des droits antidumping sur les importations sous-évaluées de marchandises en cause.

[120] Si au contraire le TCCE juge que l’expiration de son ordonnance ne risque pas de causer de dommage, il annulera celle-ci par une nouvelle ordonnance, et aucuns droits antidumping ne seront plus perçus sur les importations de marchandises en cause. De plus, tous les droits antidumping perçus sur les marchandises dédouanées après la date où l'ordonnance devait expirer seront remboursés aux importateurs.

Renseignements

[121] Voici à qui s’adresser pour en savoir plus :

Renseignements

Courrier :

Centre de dépôt et de communication des documents de la LMSI
Direction des programmes commerciaux et antidumping
Agence des services frontaliers du Canada
100, rue Metcalfe, 11e étage
Ottawa (Ontario)  K1A 0L8
Canada

Téléphone :
  • Marie-Josée Charette : 613-954-7399
Courriel :

simaregistry-depotlmsi@cbsa-asfc.gc.ca

Site Web :

www.cbsa-asfc.gc.ca/sima-lmsi/

Le Directeur général
Direction des programmes commerciaux et antidumping
Doug Band

Annexe A

Numéros tarifaires

Le classement tarifaire des marchandises en cause importées au Canada a évolué avec le temps.

Avant le 1er janvier 2012 :

  1. 7208.51.91.10
  2. 7208.51.91.91
  3. 7208.51.91.92
  4. 7208.51.91.93
  5. 7208.51.91.94
  6. 7208.51.91.95
  7. 7208.52.90.10
  8. 7208.52.90.91
  9. 7208.52.90.92
  10. 7208.52.90.93
  11. 7208.52.90.94
  12. 7208.52.90.95
  13. 7208.51.99.10
  14. 7208.51.99.91
  15. 7208.51.99.92
  16. 7208.51.99.93
  17. 7208.51.99.94
  18. 7208.51.99.95

Du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2016 :

  1. 7208.51.00.10
  2. 7208.51.00.91
  3. 7208.51.00.92
  4. 7208.51.00.93
  5. 7208.51.00.94
  6. 7208.51.00.95
  7. 7208.52.00.10
  8. 7208.52.00.91
  9. 7208.52.00.92
  10. 7208.52.00.93
  11. 7208.52.00.94
  12. 7208.52.00.95

Depuis le 1er janvier 2017 :

  1. 7208.51.00.10
  2. 7208.51.00.91
  3. 7208.51.00.92
  4. 7208.51.00.93
  5. 7208.51.00.94
  6. 7208.51.00.95
  7. 7208.52.00.10
  8. 7208.52.00.91
  9. 7208.52.00.92
  10. 7208.52.00.93
  11. 7208.52.00.96

À noter toutefois : il se pourrait que ces numéros de classement tarifaire ne soient pas exclusifs aux marchandises en cause, et inversement, ne les contiennent pas toutes.

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