NIT 2018 IN
Certaines capsules de nitisinone
Énoncé des motifs

Ottawa, le 5 octobre 2018

De l’ouverture d’une enquête en dumping sur certaines capsules de nitisinone de Suède.

Décision

Le 21 septembre 2018, conformément au paragraphe 31(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a ouvert une enquête sur le présumé dumping dommageable de certaines capsules de nitisinone en provenance de Suède.

Ce document est disponible en format PDF (565 Ko) [aide sur les fichiers PDF]

Résumé de l'affaire

[1] Le 2 août 2018, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a reçu une plainte écrite des Laboratoires KABS Inc. et de sa société affiliée MendeliKABS Inc. de Saint-Hubert, Québec (ci-après « la plaignante »), qui prétend que les importations de certaines capsules de nitisinone de Suède sont sous-évaluées. La plaignante allègue que le dumping a causé et menace de causer un dommage à la branche de production nationale qui produit des marchandises similaires.

[2] Le 23 août 2018, conformément à l’alinéa 32(1)a) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation (LMSI), l’ASFC a informé la plaignante que le dossier de plainte était complet. L’ASFC a aussi prévenu le gouvernement de la Suède en ce sens.

[3] La plaignante a fourni des éléments de preuve appuyant l’allégation selon laquelle la nitisinone en provenance de Suède était sous-évaluée. Les éléments de preuve indiquent aussi, de façon raisonnable, que le dumping a causé et menace de causer un dommage à la branche de production nationale qui produit des marchandises similaires.

[4] Le 21 septembre 2018, conformément au paragraphe 31(1) de la LMSI, l’ASFC a ouvert une enquête en dumping sur les capsules de nitisinone en provenance de Suède.

Parties intéressées

Plaignante

[5] Fondée en 1997, Laboratoires KABS Inc. est une entreprise spécialisée dans le développement de médicaments et la fabrication en sous-traitance. Le siège social et les installations de production des Laboratoires KABS Inc. sont situés à Longueuil, au Québec. MendeliKABS Inc. est une société affiliée qui est le promoteur de la nitisinone produite par les Laboratoires KABS Inc. et elle a obtenu une autorisation de mise en marché et une homologation de Santé Canada. La plaignante est le seul producteur de nitisinone au Canada.

[6] Ses coordonnées sont les suivantes :

Laboratoires KABS Inc.
4500, rue de Tonnancour
Saint-Hubert (Québec)  J3Y 9G2

MendeliKABS Inc.
4601, rue de Tonnancour
Saint-Hubert (Québec)  J3Y 9J3

Syndicat

[7] La plaignante a indiqué qu’aucun syndicat ne représente les personnes employées dans la production des capsules de nitisinone au Canada.

Exportateurs

[8] La plaignante a recensé un seul exportateur des marchandises en cause et un fabricant à façon qui produit les marchandises en cause. L’identité de l’exportateur désigné par la plaignante a été confirmée par un examen des documents d’importation de l’ASFC.

Exportateur :

Swedish Orphan Biovitrum AB (Sobi)
Tomtebodavägen 23A
SE-112 76 Stockholm
Suède

Producteur :

Apotek Produktion & Laboratorier (Apotek)
Case postale 5071
141 05 Kungens Kurva
Suède

[9] En plus de la plaignante, il n’y a que deux parties qui sont autorisées par Santé Canada à vendre de la nitisinone au Canada. Sobi, l’exportateur situé en Suède, a obtenu l’autorisation de vendre de la nitisinone produite par Apotek par l’entremise de sa filiale Swedish Orphan Biovitrum Canada, Inc. (Sobi Canada). L’autre partie approuvée par Santé Canada est Cycle Pharmaceuticals, une entreprise britannique qui produit des marchandises similaires par l’entremise d’un fabricant à façon en SuisseNote de bas de page 1.

Importateurs

[10] L’ASFC a recensé cinq (5) importateurs potentiels des marchandises en cause au moyen des documents d’importation de l’Agence et des renseignements fournis dans la plainte.

Les produits

DéfinitionNote de bas de page 2

[11] Aux fins de la présente enquête, les marchandises en cause sont définies comme suit :

Capsules et comprimés de nitisinone de dosage de 2 mg, 5 mg, 10 mg et 20 mg, conditionnés ou non pour la vente au détail, originaires ou exportés du Royaume de Suède.

PrécisionsNote de bas de page 3

[12] Les marchandises en cause sont communément appelées des capsules de nitisinone (NIT). Le nom chimique ainsi que la molécule active de la nitisinone est 2-(2-Nitro-4-Trifluorométhyl-Benzoyl)-1,3-Cyclohexanedione (« NTBC ») et sa forme moléculaire est C14H10F3NO5.

[13] La nitisinone est une drogue qui est approuvé pour le traitement de la tyrosinémie hépatorénale de type I (HT-1). La HT-1 est une maladie métabolique rare qui affecte environ 1000 personnes à l’échelle mondiale. La prévalence de la maladie est particulièrement élevée au Québec, ou environs 100 personnes reçoivent NIT comme traitement pour la HT-1.

[14] NIT est un médicament pour administration par la voie orale. Les capsules contiennent une poudre composée de nitisinone et une substance inerte au plan pharmacologique. Ces médicaments sont vendus en pharmacie hospitalière et communautaire sur ordonnance médicale.

[15] La définition de produits comprend la nitisinone emballée au moment de son importation pour la consommation au détail, c’est-à-dire emballée dans des contenants de plastique ou de verre avec un compte précis d’unités de capsules. Généralement, ces contenants contiennent soixante (60) unités de capsules de même dosage. Des contenants de type « blister packs »sont aussi incluses ainsi que des contenants qui contiendraient soit plus ou moins de 60 capsules.

[16] Cette définition comprend aussi la nitisinone qui n’est pas présentée, au moment de son importation, comme conditionnée pour la vente au détail, c’est-à-dire, dans de contenants en vrac destinés à l’embouteillage ou l’emballage au Canada.

[17] La définition de produits ne comprend pas les produits de nitisinone en suspension liquide.

Fabrication

[18] Le procédé de fabrication de la nitisinone peut être subdivisé en deux (2) éléments, c’est-à-dire la production des ingrédients médicinaux de la nitisinone et l’assemblage des ingrédients dans une capsule.

[19] D’abord, le composé chimique de la nitisinone est synthétisé dans des conditions de laboratoire contrôlées. Puis, il est combiné avec une substance inerte et encapsulé selon les proportions souhaitées. Les ingrédients non médicinaux utilisés par la plaignante comprennent l’amidon de maïs, le dioxyde de titane, la gélatine, la gomme-laque et l’oxyde de fer. Les ingrédients non médicinaux utilisés par le fabricant des marchandises en cause diffèrent légèrement, mais cela n’influe pas sur l’interchangeabilité des produits. Les capsules assemblées sont ensuite embouteillées dans des contenants en plastique, chacun contenant soixante (60) unités du dosage spécifié.

Classement des importations

[20] Les marchandises présumées sous-évaluées sont habituellement classées sous les numéros de classement tarifaire suivants (numéros tarifaires) :

  • 3003.90.00.90
  • 3004.90.00.79
  • 3004.90.00.90

[21] La liste des numéros tarifaires est fournie à titre purement informatif. Les numéros tarifaires comprennent des marchandises non visées par l’enquête. De plus, les marchandises en cause peuvent être visées par des numéros tarifaires qui ne figurent pas dans la liste. Veuillez consulter la définition des produits pour obtenir des détails qui font autorité à l’égard des marchandises en cause.

Marchandises similaires et catégorie unique

[22] Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit les « marchandises similaires »comme des marchandises identiques aux marchandises en cause ou, à défaut, dont l’utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause.

[23] Selon la plaignante, en ce qui concerne les marchandises en cause, les marchandises similaires sont la nitisinone produite au Canada qui rentre dans la définition de produit.

[24] La nitisinone produite par la plaignante présente les mêmes caractéristiques matérielles et utilisations ultimes que les marchandises en cause importées de Suède. Les biens produits au Canada et en Suède sont des produits bioéquivalents qui se font directement concurrence sur le marché canadien et qui sont entièrement interchangeables.

[25] Après avoir étudié les questions d’utilisation, les caractéristiques matérielles et tous les autres facteurs pertinents, l’ASFC est d’avis que la nitisinone produite au pays est similaire aux marchandises en cause. En outre, l’Agence estime que les marchandises en cause et les marchandises similaires constituent une catégorie unique de marchandises.

Branche de production nationale

[26] La plaignante s’inscrit comme le seul producteur de nitisinone au Canada et elle est à l’origine de la totalité de la production nationale des marchandises similairesNote de bas de page 4.

Conditions d’ouverture

[27] Le paragraphe 31(2) de la LMSI prescrit que les conditions suivantes doivent être réunies pour ouvrir une enquête :

  1. la plainte doit être appuyée par des producteurs nationaux dont la production compte pour plus de cinquante pour cent de la totalité de la production de marchandises similaires par les producteurs qui manifestent leur appui ou leur opposition à la plainte;
  2. la production de ceux de ces producteurs qui appuient la plainte représente au moins vingt-cinq pour cent de la production de marchandises similaires par la branche de production nationale.

[28] Comme la plaignante est le seul producteur au Canada, les conditions d’ouverture sont remplies.

Marché canadien

[29] La plaignante a fourni des estimations des importations au Canada ainsi que de sa production et de ses ventes annuelles de marchandises similaires.

[30] Les ventes de nitisinone au Québec représentent plus de 88 % du volume total du marché intérieur canadien. L’achat et la distribution de la nitisinone à tous les patients du Québec sont effectués par la pharmacie de l’Hôpital Sainte-Justine de Montréal. Celle-ci se procure des produits pharmaceutiques, des fournitures médicales et des services auprès d’un organisme à but non lucratif appelé SigmaSanté. Cet organisme est chargé de l’émission des appels d’offres et de la gestion des contrats d’approvisionnement qui en découlent. L’appel d’offres de SigmaSanté, numéro 2018-4777-00-01, publié le 27 septembre 2017 couvre la fourniture exclusive de la nitisinone à tous les patients québécois pour une période de trois (3) ans à compter du 1er avril 2018. La plaignante a perdu ce contrat d’approvisionnement au profit des marchandises présumées sous-évaluées en provenance de SuèdeNote de bas de page 5. La plaignante continue de fournir la nitisinone à la plupart des patients situés à l’extérieur du Québec.

[31] La plaignante souligne que les importations des marchandises en cause représentent la presque totalité des importations de nitisinone en provenance de tous les pays au cours de la période du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018Note de bas de page 6. La plaignante affirme qu’un seul autre exportateur a reçu l’approbation de Santé Canada pour la nitisinone produite en Suisse, mais qu’il n’a pas fourni le médicament au Canada en quantités commerciales importantes à ce jour.

[32] L’ASFC a effectué sa propre analyse des importations des marchandises en se fondant sur ses données d’importation et sur les renseignements commerciaux fournis dans la plainte.

[33] Les règles de confidentialité empêchent la divulgation du volume et de la valeur exacts des importations et de la production nationale de nitisinone. Toutefois, l’ASFC a examiné les données sur les importations et confirmé les renseignements fournis par la plaignante en ce qui concerne la quantité et la part relative des importations en provenance de Suède et de Suisse.

[34] L’ASFC continuera de recueillir et d’analyser des renseignements sur le volume des importations au cours de la période d’enquête du 1er janvier au 30 juin 2018 dans le cadre de la phase préliminaire de l’enquête sur le dumping et affinera ces estimations.

Preuves de dumping

[35] La plaignante prétend que la nitisinone en provenance de Suède a fait l’objet d’un dumping dommageable au Canada. Il y a dumping lorsque la valeur normale des marchandises dépasse le prix à l’exportation demandé aux importateurs au Canada.

[36] Les valeurs normales sont généralement fondées soit sur le prix de vente intérieur de marchandises similaires dans le pays d’exportation où le marché y est soumis au jeu de la concurrence; soit sur la somme du coût de production des marchandises, d’un montant raisonnable pour les frais, notamment les frais administratifs et les frais de vente et d’un montant raisonnable pour les bénéfices.

[37] Le prix à l’exportation des marchandises vendues aux importateurs au Canada est généralement la valeur la plus basse entre le prix de vente de l’exportateur et le prix d’achat de l’importateur, moins tous les frais découlant de l’exportation des marchandises.

[38] Les estimations des valeurs normales et des prix à l’exportation sont traitées ci-après.

Valeurs normales

[39] La plaignante a estimé les valeurs normales selon la méthode prévue à l’article 15 de la LMSI en se fondant sur des renseignements accessibles au public concernant les prix de vente de la nitisinone entre distributeurs et producteurs aux pharmacies sur le marché intérieur suédois. Dans le cadre du système de santé suédois, les produits pharmaceutiques sont remboursés aux résidents sous certaines conditions. En ce qui concerne les médicaments génériques qui font l’objet d’une concurrence, les fournisseurs doivent se soumettre à un processus mensuel pour que leur produit soit choisi comme le « produit du mois »Note de bas de page 7. Ce processus déterminera le médicament qui sera remboursé par l’agence suédoise des soins dentaires et pharmaceutiques et pourra être délivré par les pharmacies.

[40] Cette information est accessible et mise à jour tous les mois sur le site Web de l’agence suédoise des soins dentaires et pharmaceutiquesNote de bas de page 8. La plaignante a déclaré le prix de vente mensuel le plus récent de la nitisinone pour les dosages de 2, 5 et 10 mg en date du 30 juin 2018. Ces prix ont été convertis en dollars canadiens en utilisant le taux de change mensuel moyen affiché par la Banque du Canada pour la périodeNote de bas de page 9. Bien que la plaignante et l’exportateur aient tous deux reçu l’autorisation de Santé Canada pour produire et commercialiser la nitisinone à un dosage de 20 mg au Canada, ce produit n’a pas été soumis à un appel d’offres.

[41] D’après les renseignements accessibles à ce moment-là, l’ASFC a conclu que les estimations de la valeur normale établies par la plaignante en vertu de l’article 15 étaient raisonnables et représentatives. À ce titre, l’ASFC a adopté la même méthodologie.

[42] Les valeurs normales estimatives utilisées dans le calcul de la marge estimative de dumping de l’ASFC sont résumées dans le tableau 1 ci-dessous.

Tableau 1
Estimations des valeurs normales de l’ASFC et de la plaignante
(prix par bouteille de 60 comprimés)
Dosage Valeurs normales (CAD)
2 mg 1 029,36 $
5 mg 2 058,66 $
10 mg 3 656,05 $
20 mg S.O.

Prix à l’exportation

[43] Il est généralement établi, conformément à l’article 24 de la LMSI, que le prix à l’exportation des marchandises vendues à un importateur au Canada est le moindre parmi le prix de vente de l’exportateur, le prix d’achat réel de l’importateur ou le prix d’achat convenu par ce dernier, rajusté par la déduction de tous les coûts, frais et dépenses, droits et taxes découlant de l’exportation des marchandises.

[44] La plaignante a estimé les prix à l’exportation à l’aide de la méthode prévue à l’article 24 de la LMSI, en se fondant sur des renseignements commerciaux concernant les prix de vente de l’exportateur au Canada pour l’appel d’offres numéro 2018-4777-00-01 de SigmaSanté. Toutefois, la plaignante est d’avis que les prix à l’exportation estimés aux termes de l’article 24 ne devraient pas être utilisés, étant donné qu’un tiers lié à l’exportateur est probablement l’importateur aux fins de la LMSI. Par conséquent, la plaignante a également estimé les prix à l’exportation à l’aide de la méthode prévue à l’alinéa 25(1)c) de la LMSI en déduisant un montant pour le fret, les frais de vente ainsi qu’un montant pour le bénéfice du prix de vente des marchandises au Canada selon l’appel d’offres de SigmaSantéNote de bas de page 10.

[45] L’ASFC a examiné les déclarations en douane et les rapports produits par l’entremise du Système de gestion de l’extraction de renseignements (SGER) relativement à chacune des importations pour la période du 1er janvier au 30 juin 2018. Après avoir passé en revue toutes les déclarations en douane relatives aux importations des marchandises en cause et les éléments de la plainte, l’ASFC n’a pas été en mesure de conclure que l’importateur probable des marchandises aux fins de la LMSI est lié à l’exportateur. Par conséquent, d’après les renseignements dont elle dispose à l’heure actuelle, l’ASFC estime que la méthode proposée par la plaignante pour estimer les prix à l’exportation au moyen de la méthode prévue à l’article 24 de la LMSI, fondée sur des renseignements commerciaux concernant les prix de vente de l’exportateur au Canada, constitue une approche adaptée et prudente. Comme l’exige le sous-alinéa 24a)(iii) de la LMSI, l’ASFC a déduit un montant pour les coûts, frais et dépenses découlant de l’exportation des marchandises en fonction des dépenses réelles consignées dans la documentation d’importation des marchandises en cause.

Marges estimatives de dumping

[46] L’ASFC a estimé la marge de dumping en comparant la moyenne pondérée des valeurs normales estimatives avec la moyenne pondérée des prix à l’exportation estimatifs des marchandises en cause importées au cours de la période du 1er janvier au 30 juin 2018. Il ressort de cette analyse que la nitisinone importée de Suède au Canada était sous-évaluée.

[47] La marge de dumping est estimée à 592,8 %, exprimée en pourcentage du prix à l’exportation.

Preuves de dommage

[48] La plaignante allègue que les marchandises en cause étaient sous-évaluées et que ce dumping a causé ou menace de causer un dommage sensible à la branche de production nationale de marchandises similaires au Canada.

[49] La LMSI mentionne le dommage sensible causé aux producteurs nationaux de marchandises similaires au Canada. L’ASFC a conclu que la nitisinone produite par la plaignante est une marchandise similaire aux marchandises en cause en provenance de Suède.

[50] En 1994, Sobi est devenu le seul fournisseur de nitisinone au Canada et a obtenu l’autorisation de mise en marché du médicament Orfadin dans le cadre d’un programme d’accès spécial. Ce programme d’accès spécial a pris fin le 20 septembre 2016, date à laquelle la plaignante a obtenu l’approbation de Santé Canada relativement aux marchandises similaires produites au Canada. La plaignante est devenue brièvement le seul fournisseur autorisé de nitisinone au Canada jusqu’à l’approbation par Santé Canada de la nitisinone vendue par Cycle pharmaceuticals en novembre 2016 et à l’approbation du médicament Orfadin de Sobi en décembre 2016.

[51] En janvier 2017, SigmaSanté a lancé le premier appel d’offres public, numéro 2015 777 00 10, couvrant la fourniture de nitisinone pour tous les patients québécois jusqu’au 31 mars 2018. Ce contrat d’approvisionnement a été octroyé à la plaignante. L’appel d’offres suivant, numéro 2018 4777 01 01 01, portant sur la fourniture de nitisinone du 1er avril 2018 au 31 mars 2021, a été remporté par Sobi en raison d’offres présentées à des prix présumés sous-évalués. La plaignante demeure le principal fournisseur de nitisinone aux patients à l’extérieur du Québec depuis le 20 septembre 2016.

[52] À l’appui de ses allégations de dommage, la plaignante a fourni des preuves de gâchage des prix, de ventes perdues, de rentabilité réduite, de baisse de la production, de rendement négatif des investissements, de sous-utilisation de la capacité de production et des effets négatifs sur la croissance.

Gâchage des prix

[53] La plaignante soutient que les marchandises présumées sous-évaluées en provenance de Suède ont capturé des parts de marché en cassant les prix. À l’appui de cette allégation, la plaignante a fourni des exemples précis de marchandises en cause à des prix bien inférieurs à ceux de la plaignante pour ce qui est de l’appel d’offres numéro 2018 4777 00 01 de SigmaSanté.

[54] Selon son analyse des renseignements contenus dans la plainte, l’ASFC conclut que l’allégation de gâchage des prix est bien étayée et qu’elle a une corrélation suffisante avec les marchandises présumées sous-évaluées.

Pertes de ventes

[55] La plaignante indique qu’elle détenait 99 % du marché canadien en 2017, et ce, jusqu’au premier trimestre de 2018Note de bas de page 11. La plaignante affirme que la perte de l’appel d’offres numéro 2018-4777-00-01 de SigmaSanté concernant les marchandises présumées sous-évaluées en provenance de Suède a représenté une perte de ventes de plus de 88 % du marché canadien en volume pour la période de trois (3) ans allant du 1er avril 2018 au 31 mars 2021Note de bas de page 12.

[56] L’ASFC a examiné la preuve et reconnaît que la perte du contrat de SigmaSanté constitue une perte de la quasi-totalité du marché canadien de la nitisinone sur le plan des ventes pour la période du 1er avril 2018 au 31 mars 2021.

[57] Compte tenu de ce qui précède et de son analyse des renseignements contenus dans la plainte, l’ASFC conclut que l’allégation de pertes de ventes est bien étayée et qu’elle a une corrélation suffisante avec les marchandises présumées sous-évaluées.

Rentabilité réduite et baisse de la production

[58] La plaignante indique qu’en raison de la perte du contrat de SigmaSanté, MendeliKABS Inc. ne peut demeurer rentableNote de bas de page 13. La plaignante précise que, dans ce contexte, MendeliKABS Inc. et éventuellement les Laboratoires KABS Inc. seront fermés avant que la branche de production nationale ait la possibilité de soumissionner pour le prochain appel d’offres couvrant la période de trois (3) ans à compter du 1er avril 2021. Par conséquent, la production de nitisinone au Canada cessera complètementNote de bas de page 14.

[59] L’ASFC juge raisonnable de conclure que la présence des facteurs de dommage susmentionnés et cités dans les sections précédentes a une incidence importante sur les résultats financiers de la branche de production nationale et que les renseignements contenus dans la plainte établissent un lien suffisant entre les marchandises présumées sous-évaluées et les répercussions sur les résultats financiers du plaignant.

Rendement négatif du capital investi

[60] La plaignante affirme que la présence de marchandises présumées sous-évaluées a occasionné de graves répercussions sur le rendement de ses récents investissements. La plaignante a investi dans la construction d’une nouvelle usine à Asbestos, au Québec, afin d’approvisionner en nitisinone les marchés à l’échelle nationale et internationaleNote de bas de page 15. En raison de la présence des marchandises présumées sous-évaluées, la plaignante a suspendu les investissements supplémentaires nécessaires pour rendre l’usine opérationnelle, ce qui annule tout rendement potentiel du capital investi. La plaignante soutient également que des investissements importants ont été consentis pour développer des marchandises similairesNote de bas de page 16.

[61] L’ASFC conclut qu’il existe un lien raisonnable entre la présence des marchandises présumées sous-évaluées et le rendement négatif des investissements du plaignant.

Sous-utilisation de la capacité de production

[62] La plaignante affirme qu’en raison de l’importante perte de ventes sur l’ensemble du marché québécois, qui représente 88 % de la totalité du marché canadien, elle prévoit cesser complètement la production des marchandises similairesNote de bas de page 17.

[63] L’ASFC conclut qu’il existe un lien entre la présence des marchandises présumées sous-évaluées et la sous-utilisation de la capacité de la plaignante en ce qui a trait à la nitisinone.

Effets négatifs sur la croissance

[64] La plaignante soutient que la présence des marchandises présumées sous-évaluées sur le marché canadien l’a conduite à reporter son projet d’agrandissement de ses installations de production. La plaignante affirme que, bien que la construction de l’unité de production à Asbestos soit terminée, celle-ci demeure inoccupée et inutilisée en raison de la décision de suspendre l’embauche de personnel et l’acquisition de l’équipement nécessaire pour la rendre opérationnelleNote de bas de page 18. En outre, la plaignante déclare qu’elle avait l’intention d’investir dans le développement de médicaments pour le traitement d’autres maladies rares. Ces investissements ne seront pas réalisés, étant donné le préjudice financier subi en raison de la présence des marchandises présumées sous-évaluées sur le marché canadien de la nitisinoneNote de bas de page 19.

[65] Selon son analyse des renseignements contenus dans la plainte, l’ASFC conclut que l’allégation des effets négatifs sur la croissance est bien étayée et qu’elle a une corrélation suffisante avec les marchandises présumées sous-évaluées.

Conclusion de l’ASFC sur la question du dommage

[66] À la lumière de la preuve fournie dans la plainte et des données supplémentaires dont dispose l’ASFC grâce à ses propres documents de recherche et de douane, l’Agence est convaincue que les éléments de preuve révèlent de façon raisonnable que le dumping des marchandises en cause en provenance de Suède a causé un dommage. Les facteurs de dommage qui pèsent plus particulièrement sur la branche de production nationale comprennent le gâchage des prix, la perte de ventes, la rentabilité réduite, la baisse de production, le rendement négatif du capital investi, la sous-utilisation de la capacité de production et les effets négatifs sur la croissance.

Menace de dommage

[67] La plaignante affirme que les marchandises présumées sous-évaluées en provenance de Suède menacent de causer un dommage sensible supplémentaire à la branche de production nationale canadienne. La plaignante soutient qu’il existe des éléments de preuve suffisants pour tirer la conclusion qu’il existe une menace de dommage causé par les marchandises en cause en raison de la capacité excédentaire du producteur étranger et des éléments de preuve du risque d’un autre gâchage des prix des marchandises sous-évaluées de Suède dans le reste du marché canadien pour ce qui est de la nitisinone.

[68] La plaignante a fourni les renseignements suivants à l’appui de l’allégation selon laquelle les marchandises en cause en provenance de Suède menacent de causer un dommage sensible supplémentaire à la branche de production nationale canadienne.

Capacité du producteur étranger

[69] Comme il a été indiqué précédemment, le marché de la nitisinone dans le reste du Canada est relativement petit par rapport au marché québécois. La plaignante soutient que Sobi peut aisément approvisionner l’ensemble du marché canadienNote de bas de page 20.

[70] L’ASFC reconnaît que Sobi pourrait satisfaire l’ensemble du marché canadien de la nitisinone et entraîner une augmentation du volume des marchandises en cause en provenance de Suède.

Risque d’un autre gâchage des prix

[71] La plaignante affirme qu’en raison de la transparence des prix dans le cadre du processus d’examen des produits pharmaceutiques au Canada, il est fort probable que Sobi choisira de continuer à casser les prix afin d’approvisionner l’ensemble du marché canadienNote de bas de page 21. Le processus d’appel d’offres pour la fourniture de nitisinone aux patients à l’extérieur du Québec aura lieu à la fin de 2018Note de bas de page 22.

[72] Selon son analyse des renseignements contenus dans la plainte, l’ASFC conclut que les conditions du marché exposées ci-dessus peuvent rendre la branche de production nationale de nitisinone particulièrement vulnérable à une augmentation des volumes importés de Suède.

Conclusion de l’ASFC sur la menace de dommage

[73] L’ASFC est d’avis que les éléments de preuve révèlent, de façon raisonnable, que les importations de marchandises en cause présumées sous-évaluées en provenance de Suède présentent une menace de dommage sensible à la branche de production nationale de nitisinone.

Lien de causalité entre le dumping, le dommage et la menace de dommage

[74] L’ASFC conclut que la plaignante a établi un lien suffisant entre le dommage subi par la branche de production nationale, sous forme de gâchage des prix, de pertes de ventes, de baisse de rentabilité, de baisse de la production, de rendement négatif des investissements, de sous-utilisation de la capacité de production et des effets négatifs sur la croissance, et le dumping présumé des marchandises en cause en provenance de Suède. L’ASFC est convaincue que le dommage subi par la branche de production nationale est directement lié à l’avantage concurrentiel des marchandises en cause en provenance de Suède par l’effet du dumping. Des éléments de preuves suffisants ont été fournis pour établir ce lien.

[75] La plaignante a soutenu que la poursuite du dumping de marchandises en provenance de Suède occasionnera un dommage supplémentaire à la branche de production nationale à l’avenir. Comme il est mentionné ci-dessus, l’ASFC est d’avis que cette allégation de menace de dommages est raisonnablement étayée.

[76] En résumé, l’ASFC estime que les renseignements fournis dans la plainte ont établi, de façon raisonnable, que le présumé dumping a causé un dommage et menace de causer un dommage à la branche de production nationale.

Conclusion

[77] D’après les renseignements fournis dans la plainte, les autres renseignements disponibles et les documents d’importation de l’ASFC, l’Agence est d’avis qu’il existe des éléments de preuve que la nitisinone provenant de Suède ou exportée de ce pays est sous-évaluée. En outre, il existe des éléments de preuve qui révèlent de façon raisonnable que le dumping des marchandises en cause par la Suède a causé un dommage et menace de causer un dommage à la branche de production nationale. Par conséquent, conformément au paragraphe 31(1) de la LMSI, une enquête sur le dumping a été ouverte le 21 septembre 2018.

Portée de l’enquête

[78] L’ASFC enquête pour savoir s’il y a eu dumping des marchandises en cause.

[79] L’ASFC a sollicité auprès de tous les exportateurs et importateurs éventuels des renseignements afin d’établir si les marchandises en cause importées au Canada durant la période visée par l’enquête, soit du 1er janvier au 30 juin 2018, ont été sous-évaluées. Les renseignements demandés seront utilisés pour déterminer les valeurs normales, les prix à l’exportation et les marges de dumping, s’il y a lieu.

[80] Bien qu’en règle générale, l’ASFC choisisse une période d’enquête couvrant une période d’un an, l’examen des données du Système de gestion de l’extraction de renseignements (SGER) n’a révélé aucune importation des marchandises en cause en 2017. En outre, les allégations de dommage présentées par la plaignante ont trait à la perte de l’appel d’offres de SigmaSanté lié à l’approvisionnement du marché canadien en nitisinone pour une période commençant le 1er avril 2018. À ce titre, l’ASFC propose la période du 1er janvier au 30 juin 2018 comme étant propice à la tenue de cette enquête sur le dumping.

[81] Toutes les parties ont été clairement informées des exigences de l’ASFC en matière de renseignements et des délais accordés pour communiquer leurs réponses.

Mesures à venir

[82] Le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE) mènera une enquête préliminaire pour déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le présumé dumping des marchandises a causé ou menace de causer un dommage à la branche de production nationale. Le Tribunal doit rendre sa décision dans les soixante (60) jours suivant la date d’ouverture de l’enquête. Si le Tribunal conclut que la preuve n’indique pas de façon raisonnable l’existence d’un dommage causé à la branche de production nationale, il sera mis fin à l’enquête.

[83] En vertu de l’article 35 de la LMSI, si, à tout moment avant de rendre une décision provisoire, l’ASFC acquiert la conviction que le volume des marchandises d’un pays est négligeable, l’enquête prendra fin relativement aux marchandises de ce pays.

[84] Si le Tribunal conclut que les éléments de preuve révèlent, de façon raisonnable, un dommage à la branche de production nationale et si l’ASFC n’a pas mis fin à l’enquête conformément à l’article 35 de la LMSI, l’Agence rendra une décision provisoire de dumping dans les 90 jours suivant la date de l’ouverture de l’enquête, c’est-à-dire au plus tard le 20 décembre 2018. Si les circonstances le justifient, cette période pourrait être portée à 135 jours à compter de la date d’ouverture de l’enquête.

[85] Les importations de marchandises en cause que l’ASFC dédouane à compter du jour d’une décision provisoire de dumping (selon laquelle la marge de dumping n’est pas minimale) seront éventuellement frappées de droits provisoires ne pouvant pas dépasser leur marge estimative de dumping.

[86] Si l’ASFC rend une décision provisoire de dumping, l’enquête se poursuivra en vue d’une décision définitive dans les 90 jours suivant la date de la décision provisoire.

[87] Si, après la décision provisoire, l’enquête de l’ASFC révèle que les importations de marchandises en cause d’un exportateur donné n’étaient pas sous-évaluées ou l’étaient pour une marge de dumping minimale, il sera mis fin au volet de l’enquête sur ces marchandises.

[88] Advenant une décision définitive de dumping, le TCCE poursuivra son enquête et tiendra des audiences publiques sur la question du dommage sensible causé à la branche de production nationale. Le TCCE a 120 jours après la décision provisoire de l’ASFC pour rendre des conclusions à l’égard des marchandises auxquelles s’applique la décision définitive de dumping.

[89] Si le Tribunal conclut à l’existence d’un dommage, les importations des marchandises en cause dédouanées par l’ASFC après cette date seront frappées de droits antidumping équivalents à leur marge de dumping.

Droits rétroactifs sur les importations massives

[90] Lorsque le Tribunal mène une enquête concernant le dommage sensible causé à la branche de production nationale, il peut se demander si les marchandises sous-évaluées qui ont été importées un peu avant ou après l’ouverture d’une enquête constituent des importations massives sur une période de temps relativement courte ayant causé un dommage à la branche de production nationale.

[91] Si le Tribunal rend une telle conclusion, des droits antidumping peuvent être imposés rétroactivement sur les marchandises en cause importées au Canada et dédouanées par l'ASFC au cours de la période de 90 jours précédant le jour où l’ASFC rend une décision provisoire de dumping.

Engagements

[92] Après que l’ASFC a rendu une décision provisoire de dumping, autre qu’une décision provisoire dans laquelle il a été déterminé que la marge de dumping des marchandises est minimale, un exportateur peut présenter un engagement écrit de réviser ses prix de vente au Canada de façon à éliminer la marge de dumping ou le dommage causé par le dumping.

[93] Seuls sont acceptables les projets d’engagements qui englobent toutes ou presque toutes les exportations au Canada de marchandises sous-évaluées. Après le dépôt d’un projet d’engagement, les parties intéressées ont neuf jours pour indiquer si elles le trouvent acceptable. L’ASFC tiendra une liste des parties intéressées, et les avisera des projets reçus. Quiconque veut être avisé doit fournir son nom, son adresse, son numéro de téléphone, son numéro de télécopieur et son adresse électronique à l’un des agents dont le nom figure dans la section « Renseignements »du présent document.

[94] Si un engagement est accepté, l’enquête et la perception des droits provisoires sont suspendues. Mais même alors, un exportateur peut demander que l’ASFC termine son enquête sur le dumping, et le TCCE, son enquête en dommage.

Publication

[95] Un avis d’ouverture de la présente enquête sera publié dans la Gazette du Canada conformément au sous-alinéa 34(1)a)(ii) de la LMSI.

Renseignements

[96] Nous invitons les parties intéressées à présenter par écrit des exposés renfermant les faits, arguments et éléments de preuve qui, selon eux, se révèlent pertinents au présumé dumping. Elles devront les adresser au Centre de dépôt et de communication des documents de la LMSI.

[97] Pour être pris en considération à ce stade de l’enquête, tous les renseignements doivent être reçus par l’ASFC au plus tard le 30 octobre 2018.

[98] Tous les renseignements présentés à l’ASFC par les parties intéressées au sujet de la présente enquête sont considérés comme des renseignements publics, sauf s’ils portent clairement la mention « confidentiels ». Lorsque l’exposé d’une partie intéressée est confidentiel, une version non confidentielle de l’exposé doit être fournie en même temps. La version non confidentielle sera mise à la disposition des autres parties intéressées sur demande.

[99] Les éléments confidentiels soumis à l’ASFC seront communiqués sur demande écrite aux avocats indépendants des parties à la procédure, contre engagement à protéger leur confidentialité. Les renseignements confidentiels peuvent également être communiqués au TCCE, aux tribunaux canadiens, et aux groupes spéciaux de règlement des différends de l’OMC/ALÉNA. Il est possible d’obtenir des renseignements supplémentaires sur la politique de la Direction relative à la communication des renseignements en vertu de la LMSI en s’adressant à l’un des agents mentionnés ci-après ou en consultant le site Web de l’ASFC.

[100] Le calendrier de l’enquête et une liste exhaustive des pièces justificatives et des renseignements sont disponibles à l’adresse : https://www.cbsa-asfc.gc.ca/sima-lmsi/i-e/menu-fra.html. La liste des pièces justificatives sera mise à jour à mesure que de nouvelles pièces justificatives et de nouveaux renseignements seront accessibles.

[101] Le présent Énoncé des motifs a été fourni aux personnes qui sont intéressées directement par ces procédures. Il est aussi publié sur le site Web de l’ASFC à l’adresse ci-dessous. Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec les agents dont le nom figure ci-après :

Renseignements

Adresse :

Centre de dépôt et de communication des documents de la LMSI
Direction des programmes commerciaux et antidumping
Agence des services frontaliers du Canada
100, rue Metcalfe, 11e étage
Ottawa (Ontario)  K1A 0L8
Canada

Téléphone :
  • Hugo Dumas : 613-954-7262
Courriel :

simaregistry-depotlmsi@cbsa-asfc.gc.ca

Site web :

www.cbsa-asfc.gc.ca/sima-lmsi/

Le directeur général
Direction des programmes commerciaux et antidumping
Doug Band

Date de modification :