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PJ 2022 ER : Certains joints de tubes courts
Énoncé des motifs — décision concernant un réexamen relatif à l’expiration

D’une décision rendue dans le réexamen relatif à l’expiration en vertu de l’alinéa 76.03(7)a) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation concernant certains joints de tubes courts originaires ou exportés de la Chine.

Décision

Ottawa, le 

Le 22 juillet 2022, conformément à l’alinéa 76.03(7)a) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, l’Agence des services frontaliers du Canada a décidé que l’annulation de l’ordonnance rendue par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 7 avril 2017 à l’issue du réexamen relatif à l’expiration RR-2016-001 causerait vraisemblablement :

  1. la poursuite ou la reprise du dumping de certains joints de tubes courts originaires ou exportés de la Chine; et
  2. la poursuite ou la reprise du subventionnement de ces mêmes marchandises.

Sur cette page

Résumé

[1] Le 24 février 2022, conformément au paragraphe 76.03(3) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation (LMSI), le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE) a ouvert un réexamen relatif à l’expiration de son ordonnance rendue le 7 avril 2017 à l’issue du réexamen relatif à l’expiration RR-2016-001 concernant le dumping et le subventionnement de certains joints de tubes courts originaires ou exportés de la République populaire de Chine (Chine).

[2] Par suite de l’avis du TCCE, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a ouvert le 25 février 2022 une enquête pour déterminer si l’expiration de l’ordonnance causerait vraisemblablement la poursuite ou la reprise du dumping et/ou du subventionnement des marchandises en cause.

[3] L’ASFC a reçu une réponse à son questionnaire de réexamen relatif à l’expiration (QRE) pour producteurs canadiens de la part d’Apergy Canada ULC — Alberta Oil Tool Division (AOT)Note de bas de page 1. Elle n’a toutefois pas reçu de réponse à son QRE de la part d’un autre producteur canadien, Tenaris Canada, dans le cadre de la présente procédureNote de bas de page 2.

[4] La réponse et le mémoire présentés par AOT contenaient des renseignements à l’appui de son point de vue que la poursuite ou la reprise du dumping et du subventionnement des joints de tubes courts en provenance de la Chine était vraisemblable si l’ordonnance du TCCE est annulée.

[5] L’ASFC a reçu une réponse à son QRE pour exportateurs de la part de Hengshui Weijia Petroleum Equipment Manufacturing Co., Ltd. (Weijia)Note de bas de page 3 ainsi qu’à son QRE pour importateurs de la part de WestCan Oilfield Supply Ltd. (WestCan)Note de bas de page 4 et d’AOTNote de bas de page 5. Il convient de noter que Weijia et WestCan sont liées l’une à l’autre.

[6] Outre leur réponse aux QRE, WestCan (conjointement avec Weijia) et AOT ont présenté des renseignements supplémentaires avant la clôture du dossier ainsi qu’un mémoire.

[7] Les mémoires déposés au nom de WestCan et de Weijia et d’AOT appuyaient leur point de vue que la poursuite ou la reprise du dumping et du subventionnement des joints de tubes courts en provenance de la Chine était vraisemblable advenant l’expiration de l’ordonnance du TCCE. Aucun autre exportateur ou importateur n’a présenté de mémoire ou de contre-exposéNote de bas de page 6.

[8] L’ASFC n’a reçu ni réponse à son QRE de la part du gouvernement de la Chine ni mémoire.

[9] Il ressort de l’analyse de l’information au dossier que le marché canadien demeure attrayant pour les exportateurs de joints de tubes courts en raison notamment des problèmes mondiaux ayant entraîné une montée en flèche du prix du pétrole et des restrictions commerciales aux États-Unis; les producteurs de joints de tubes courts en Chine demeurent axés sur l’exportation en raison du déséquilibre entre l’importante capacité de production et la demande intérieure; et les exportateurs de la Chine, à l’exception d’un d’entre aux, n’ont pas démontré une capacité de concurrencer au Canada à des prix non sous-évalués.

[10] De plus, il ressort de l’analyse de l’information au dossier que les exportateurs en Chine ont continué de se prévaloir de programmes de subvention; ils bénéficient de subventions offertes par le gouvernement de la Chine aux producteurs de fournitures tubulaires pour puits de pétrole (FTPP); et des produits tubulaires identiques ou très proches de la Chine font aussi l’objet de mesures compensatoires au Canada et ailleurs.

[11] C’est pourquoi, après étude des renseignements pertinents au dossier et des facteurs susmentionnés, et conformément à l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI, l’ASFC a décidé le 22 juillet 2022 que l’expiration de l’ordonnance causerait vraisemblablement :

  1. la poursuite ou la reprise du dumping, au Canada, de certains joints de tubes courts originaires ou exportés de la Chine; et
  2. la poursuite ou la reprise du subventionnement de ces mêmes marchandises.

Contexte

[12] Le 12 septembre 2011, à la suite d’une plainte déposée par AOT, l’ASFC a ouvert des enquêtes sur le dumping et le subventionnement de certains joints de tubes courts originaires ou exportés de la Chine.

[13] Le 12 mars 2012, l’ASFC a rendu des décisions définitives de dumping et de subventionnement concernant les marchandises en cause en provenance de la Chine et, le 10 avril 2012, le TCCE a rendu des conclusions de dommage.

[14] Le 30 novembre 2016, ayant ouvert un réexamen relatif à l’expiration des conclusions de dommage du TCCE, l’ASFC a décidé, en vertu de l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI, que leur expiration causerait vraisemblablement la poursuite ou la reprise du dumping et du subventionnement des marchandises originaires ou exportées de la Chine.

[15] Le 7 avril 2017, conformément à l’alinéa 76.03(12)b) de la LMSI, le TCCE a rendu une ordonnance, prorogeant ses conclusions à l’égard des marchandises de la Chine.

[16] Le 24 février 2022, conformément au paragraphe 76.03(3) de la LMSI, le TCCE a ouvert un réexamen relatif à l’expiration de son ordonnance rendue le 7 avril 2017 à l’issue du réexamen relatif à l’expiration RR-2016-001 concernant le dumping et le subventionnement de certains joints de tubes courts originaires ou exportés de la Chine.

[17] Enfin, le 25 février 2022, l’ASFC a ouvert une enquête pour décider si l’expiration de l’ordonnance causerait vraisemblablement la poursuite ou la reprise du dumping et/ou du subventionnement des marchandises en cause.

Définition

[18] Les marchandises en cause dans le présent réexamen relatif à l’expiration se définissent comme suit :

Joints de tubes courts, fournitures tubulaires pour puits de pétrole, en acier au carbone ou acier allié, soudés ou sans soudure, traités thermiquement ou non, peu importe la finition des extrémités, d’un diamètre extérieur de 2 pouces ⅜ à 4 pouces ½ (60,3 mm à 114,3 mm), de toutes les nuances, d’une longueur allant de 2 pieds à 12 pieds (61 cm à 366 cm), à l’exception de ceux pour caissons, originaires ou exportés de la République populaire de Chine.

Précisions

[19] Les joints de tubes courts sont des fournitures tubulaires en acier de la famille des FTPP. Comme les caissons, tubes, tiges de forage et autres FTPP, ils servent au forage et à l’extraction dans les secteurs gazier et pétrolier.

[20] Il s’agit de courts segments pour donner aux tubes et trains de tiges la longueur exacte dont on a besoin, ou encore pour ajuster la profondeur des rames ou des outils pour le travail au fond des puits, surtout quand des lectures de profondeur exactes sont nécessaires à toutes fins données, comme l’installation de valves, de garnitures d’étanchéité, de raccords filetés ou de manchons de circulation. Les joints de tubes courts sont aussi utilisés avec les pompes servant au travail au fond des puits. Leur nombre et leur longueur peuvent varier considérablement d’un puits à l’autre, selon les besoins en matériel et en performance que les ingénieurs auront définis.

[21] Les joints de tubes courts sont appelés à se conformer à la norme 5CT de l’American Petroleum Institute (API)Note de bas de page 7 ou à l’équivalent. Ils peuvent comporter ou non des soudures, mais l’industrie préfère ceux qui n’en ont pas. Et bien qu’offerts dans toutes les longueurs entre 2 et 20 pieds, ils se fabriquent et se vendent généralement en longueurs normalisées : 2, 3, 4, 6, 8, 10, ou 12 pieds.

[22] Seuls les joints de tubes courts « pour tubes » font partie des marchandises en cause. Ceux « pour caissons » sont exclus des conclusions du TCCE, expressément par la définition des produits.

[23] Les marchandises en cause comprennent aussi les joints de tubes courts perforés, c’est-à-dire comportant des séries de trous ou de fentes forés sur la longueur. Les intrants pour leur fabrication respectent la norme API 5CT, mais les joints perforés ne la respectent pas eux-mêmes puisqu’après la perforation leur limite d’élasticité conventionnelle ne suffit plus. Les joints de tubes courts perforés servent à admettre les fluides dans les tubes de pompage, ou alors comme ancrages de boue.

Classement des importations

[24] Les marchandises en cause vont normalement sous les numéros de classement tarifaire suivants du Système harmonisé (SH) :

  • 7304.29.00.51
  • 7304.29.00.59
  • 7304.29.00.61
  • 7304.29.00.69
  • 7304.29.00.71
  • 7304.29.00.79

[25] Depuis le 1er janvier 2022, l’annexe du Tarif des douanes ayant été révisée, les marchandises en cause vont normalement sous les numéros suivants :

  • 7304.29.00.42
  • 7304.29.00.43
  • 7304.29.00.44
  • 7304.29.00.45
  • 7304.29.00.46
  • 7304.29.00.47
  • 7304.29.00.49
  • 7304.29.00.52
  • 7304.29.00.53
  • 7304.29.00.54
  • 7304.29.00.55
  • 7304.29.00.56
  • 7304.29.00.57
  • 7304.29.00.59
  • 7304.29.00.62
  • 7304.29.00.63
  • 7304.29.00.64
  • 7304.29.00.65
  • 7304.29.00.66
  • 7304.29.00.67
  • 7304.29.00.69
  • 7304.29.00.72
  • 7304.29.00.73
  • 7304.29.00.74
  • 7304.29.00.75
  • 7304.29.00.76
  • 7304.29.00.77
  • 7304.29.00.79

[26] Les numéros de classement tarifaire ci-dessus sont fournis à titre purement informatif. Ils n’incluent pas toutes les marchandises en cause, et inversement, ils incluent des marchandises non en cause. Seule la définition des produits fait autorité au sujet des marchandises en cause.

Période visée par le réexamen

[27] La période visée par le réexamen (PVR) pour l’enquête de réexamen relatif à l’expiration de l’ASFC est du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2021.

Branche de production nationale

[28] La branche de production nationale de certains joints de tubes courts se compose des entreprises suivantes :

  • Apergy Canada ULC — Alberta Oil Tool Division; et
  • Tenaris Canada.

[29] Même si l’ASFC n’a reçu aucune réponse au QRE le confirmant, dans son exposé au TCCE à la phase de l’avis d’expiration, AOT a désigné Hunting Energy Services (Canada) Ltd. et Argus Machine Co. Ltd. comme d’autres producteurs potentiels de joints de tubes courts au CanadaNote de bas de page 8.

Apergy Canada ULC — Alberta Oil Tool division (AOT)Note de bas de page 9

[30] AOT produit et commercialise des matériels de production pour l’industrie pétrolière et gazière. Les produits sont fabriqués sous la marque « Norris ». Norris a été fondée en 1882. Outre les joints de tubes courts, AOT produit et vend des tiges de pompage, des bielles d’entraînement, des tiges polies, des raccords pour tubes et pour caissons, des robinets à papillon et des commandes.

[31] En juin 2020, la société mère d’AOT, Apergy Corporation, a fusionné avec ChampionX Holding Inc., l’ancienne entreprise énergétique en amont d’Ecolab Inc. Par conséquent, la société mère ultime d’Apergy Canada ULC est maintenant ChampionX Corporation. La production et la vente de joints de tubes courts au Canada n’ont pas été touchées par la fusionNote de bas de page 10.

[32] Outre sa production au Canada, AOT a importé des joints de tubes courts auprès de sources non chinoises dans la PVRNote de bas de page 11.

[33] AOT indique que sa production de joints de tubes courts n’a pas changé depuis le dernier réexamen relatif à l’expiration. L’entreprise fabrique deux principaux types : des joints de tubes courts J55 sans soudure et des joints de tubes courts L80 sans soudure. Les joints de tubes courts J55 utilisent des tubages de FTPP sans soudure comme matières premières. Le tubage est coupé à longueur, et les extrémités sont refoulées, puis filetées. Les joints de tubes courts L80 utilisent un tube pour usage mécanique sans soudure traité thermiquement et possédant les propriétés chimiques de l’acier des FTPP L80. Le corps du joint de tube court est profilé ou usiné pour obtenir l’épaisseur requise à l’aide d’un tour, puis les extrémités sont filetées.

[34] AOT effectue deux types d’essais pour s’assurer que les joints de tubes courts respectent les spécifications API. Le premier, un essai d’évasement, vise à s’assurer qu’il n’y a aucun coude ou pli dans la partie creuse du tube. Le deuxième, un essai hydrostatique, vise à s’assurer que le joint de tube court peut résister à la pression interne requise. Les joints de tubes courts sont ensuite marqués au pochoir et peints et, au besoin, perforés (des trous sont perforés dans le corps du tube)Note de bas de page 12.

Tenaris Canada

[35] Tenaris Canada n’a pas fait de réponse complète au QRE. Ainsi, des renseignements limités sont disponibles sur ses volumes de production de joints de tubes courts au CanadaNote de bas de page 13.

[36] Au moment du dernier réexamen relatif à l’expiration concernant les joints de tubes courts, Tenaris était décrite comme un fabricant de produits tubulaires en acier et fournisseur de services connexes, principalement sur les marchés mondiaux de l’énergie. Tenaris a entamé les activités au Canada en 1999.

[37] Tenaris Canada a produit des joints de tubes courts au cours de chaque année de la période visée par le dernier réexamen (2013 à 2016) et en a importé au Canada auprès de pays non visés au cours de chacune de ces annéesNote de bas de page 14. Dans le cadre du présent réexamen relatif à l’expiration, Tenaris indique avoir produit des joints de tubes courts au Canada au cours de la période de quatre ans commençant en 2018 et pendant toute la durée de la PVRNote de bas de page 15.

Marché canadien

[38] Le marché canadien apparent des joints de tubes courts dans la PVR est présenté au tableau 1 (valeur) et au tableau 2 (volume) ci-dessous :

Tableau 1
Marché canadien apparent des joints de tubes courts
(valeur en dollars)
Provenance 2019 2020 2021
Producteurs canadiensNote de bas de page 16 4 287 521 2 655 600 3 699 487
Argentine 0 29 721 121 579
ChineNote de bas de page 17 1 477 995 496 724 1 178 711
Indonésie 32 178 0 0
Inde 76 474 0 70 441
Mexique 3 994 2 046 330 0
Espagne 106 295 0 57 688
États-Unis 94 150 284 497 427 531
Ukraine 52 106 0 154 132
Tous les autres pays 79 887 6 932 87 640
Total des importationsNote de bas de page 18 1 923 079 2 864 204 2 097 721
Marché total 6 210 599 5 519 803 5 797 207
Tableau 2
Marché canadien apparent des joints de tubes courts
(volume en tonnes métriques)1
Provenance 2019 2020 2021
Producteurs canadiens 615,0 361,5 501,0
Argentine 0,0 1,2 8,0
ChineNote de bas de page 19 162 69 189
Indonésie 3,6 0,0 0,0
Inde 17,3 0,0 15,0
Mexique 0,4 123,3 0,0
Espagne 2,3 0,0 6,8
États-Unis 10,9 14,7 46,5
Ukraine 4,7 0,0 19,3
Tous les autres pays 6,1 0,4 15,2
Total des importationsNote de bas de page 20 207,3 208,6 299,7
Marché total 822,3 570,1 800,7
1Nota : Les pourcentages étant arrondis, leur somme pourrait ne pas être de 100 %

Production canadienne

[39] AOT a fourni des renseignements sur ses ventes de joints de tubes courts sur le marché canadien ainsi qu’une estimation des ventes des autres producteurs nationaux et des importations au Canada dans sa réponse au QRE pour importateursNote de bas de page 21.

[40] AOT a estimé la part du marché canadien de ses propres ventes. À partir de ses propres ventes et renseignements commerciaux dans la PVR, elle a estimé la part du marché canadien du reste de la production nationale et des importations.

[41] Les volumes de ventes d’AOT au Canada se fondent sur le nombre d’unités plutôt que le poids. Ainsi, son estimation des volumes du marché canadien se fonde également sur le nombre d’unités. L’entreprise a utilisé un facteur pour convertir le nombre d’unités en tonnes métriques (tm) pour ses ventes de joints de tubes courts. Elle n’a pas fait cette conversion pour son estimation du reste du marché canadien (c.-à-d. autres producteurs et importations).

[42] L’ASFC a estimé le marché canadien à partir de ses propres données douanières sur les importations de joints de tubes courts. Par conséquent, elle a seulement utilisé, aux tableaux 1 et 2 ci-dessus, l’estimation d’AOT des ventes provenant de la production canadienne.

[43] Pour tenir compte de l’information présentée par Tenaris, l’ASFC a déduit les volumes de joints de tubes courts de Tenaris de l’estimation d’AOT des « autres ventes canadiennes » totales; ainsi, elle n’a pas changé l’estimation d’AOT de ces autres ventes, sauf pour les exprimer en tm plutôt qu’en nombre d’unités. L’estimation de l’ASFC des « autres ventes canadiennes » ne fait que séparer la production estimative de Tenaris du reste de la production canadienne. Il s’agissait de trouver le meilleur moyen de tenir compte de toutes les sources d’information.

[44] D’après les chiffres du marché canadien apparent aux tableaux 1 et 2 ci-dessus, les valeurs et les volumes estimatifs des ventes de joints de tubes courts au Canada par des producteurs nationaux ont considérablement décliné au début de la pandémie en 2020 par rapport à 2019, pour ensuite se redresser en 2021, sans atteindre les niveaux d’avant la pandémie.

[45] Dans l’ensemble, le marché canadien a affiché une tendance similaire pour les importations de marchandises en cause de la Chine et les producteurs nationaux dans la PVR, avec une chute importante en 2020, suivie d’un redressement en 2021 pour se rapprocher des niveaux de 2019, à un peu plus de 800 tm et tout près de 5,8 millions de dollarsNote de bas de page 22.

Importations

[46] Même si les volumes d’importations de la Chine ont affiché une tendance similaire à celle des volumes de ventes des producteurs canadiens, le redressement des importations en 2021 a dépassé les volumes d’avant la pandémie en 2019, avec 189 tm, soit le total le plus élevé de la PVR de trois ans.

[47] Les volumes d’importations des pays non visés ont augmenté en 2020 pour se chiffrer à 139,6 tm, contre 45,3 tm en 2019, avant de fléchir à 110,7 tm en 2021. La hausse était également évidente en termes de valeur, les importations des pays non visés étant passées de 445 084 $ en 2019 à 2,37 millions de dollars en 2020, avant de fléchir à 919 010 $ en 2021. La hausse marquée en 2020 est attribuable au Mexique, dont les importations quasi inexistantes en 2019 se sont chiffrées à 123 tm et à plus de 2 millions de dollars en 2020, avant de revenir à des importations nulles en 2021.

[48] Les importations de la Chine sont résumées ci-dessous à partir des données sur la perception des droits fournies par l’Unité de l’observation de la loi (UOL) de l’ASFC. Dans sa réponse au QRE, WestCan, qui serait l’unique importateur des marchandises en cause d’après les statistiques de l’ASFC sur les importations, par l’intermédiaire de son exportateur lié, Weijia (ce qu’a confirmé AOT)Note de bas de page 23, a déclaré des importations de joints de tubes courts J55, L80 et P110, d’un diamètre extérieur d’au plus 4 pouces ½, de toutes les longueurs (2 à 12 pieds)Note de bas de page 24.

Perception des droits

[49] Le montant total des droits antidumping et compensateurs perçus sur les importations de joints de tubes courts de la Chine dans la PVR est présenté au tableau 3 ci-dessous :

Tableau 3
Droits LMSI perçus sur les joints de tubes courtsNote de bas de page 25
(Valeur en dollars canadiens)
Pays 2019 2020 2021
China 17 251 5 470 94

Parties à la procédure

[50] Le 25 février 2022, l’ASFC a envoyé un avis d’ouverture d’enquête de réexamen relatif à l’expiration et un QRE aux producteurs canadiens et aux importateurs et exportateurs potentiels des joints de tubes courts, ainsi qu’au gouvernement de la Chine.

[51] Les QRE demandaient des renseignements nécessaires à la prise en compte des facteurs pertinents de réexamen relatif à l’expiration qui figurent au paragraphe 37.2(1) du Règlement sur les mesures spéciales d’importation (RMSI).

[52] Sur les quatre QRE envoyés à des producteurs canadiens potentiels de joints de tubes courts à l’ouverture de l’enquête de réexamen relatif à l’expiration, l’ASFC a reçu une réponse d’une partie seulement, AOT, de qui elle a aussi reçu un mémoire.

[53] Sur les cinq QRE envoyés à des exportateurs potentiels de joints de tubes courts de la Chine à l’ouverture de l’enquête de réexamen relatif à l’expiration, l’ASFC a reçu une réponse d’un exportateur seulement, Weijia, de qui elle a aussi reçu un mémoire.

[54] Sur les 13 QRE envoyés à des importateurs potentiels des marchandises à l’ouverture de l’enquête, l’ASFC a reçu une réponse de deux importateurs seulement, WestCan et AOT. De ce premier importateur, elle a aussi reçu un mémoire.

[55] L’ASFC n’a reçu ni réponse à son QRE de la part du gouvernement de la Chine ni mémoire.

Renseignements que l’ASFC a pris en compte

Dossier administratif

[56] Les renseignements que l’ASFC a pris en compte aux fins de l’enquête de réexamen relatif à l’expiration figurent au dossier administratif. Ce dossier contient les renseignements énumérés dans la liste des pièces justificatives de l’ASFC, laquelle comprend le dossier administratif sur lequel le TCCE a basé sa décision d’ouvrir le réexamen relatif à l’expiration, les pièces justificatives de l’ASFC, et les renseignements présentés par les parties intéressées, notamment ceux qu’elles estiment pertinents pour la décision concernant la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping ou du subventionnement en l’absence de l’ordonnance du TCCE. Ces renseignements peuvent être des rapports d’analystes-experts, des extraits de revues spécialisées et de journaux, des ordonnances et des conclusions rendues par les autorités au Canada ou dans un autre pays, des documents d’organismes comme l’Organisation mondiale du commerce (OMC), et des réponses au QRE présentées par les producteurs canadiens, les importateurs, les exportateurs et les gouvernements.

[57] Dans toute enquête de réexamen relatif à l’expiration, l’ASFC fixe une « date de clôture du dossier » après laquelle aucun nouveau renseignement ne peut être versé au dossier administratif; ici, c’était le 19 avril 2022. Il s’agit en effet de donner le temps aux participants de préparer leurs mémoires et leurs contre-exposés d’après ce qui se trouve au dossier administratif en date de sa clôture.

Questions de procédure

[58] L’ASFC n’a pas l’habitude de prendre en compte les nouveaux renseignements que les participants présentent après la date de clôture du dossier, mais cela peut devenir nécessaire dans certains cas exceptionnels. L’ASFC tiendra compte des facteurs suivants pour décider d’accepter ou non les nouveaux renseignements présentés après la date de clôture du dossier :

  1. la nature, la pertinence, l’importance et la quantité des renseignements;
  2. les difficultés éprouvées par le participant à obtenir ou à présenter les renseignements avant la date précisée (p. ex. leur disponibilité, ou la présence de questions nouvelles ou imprévues);
  3. la possibilité raisonnable, pour l’ASFC, de tenir compte des nouveaux renseignements dans le cadre de la procédure, notamment si elle dispose d’assez de temps pour les vérifier;
  4. la question de savoir si les autres participants risquent de subir un préjudice si les renseignements sont utilisés (p. ex. la possibilité pour eux de fournir une réponse à l’égard des nouveaux renseignements);
  5. la question de savoir si l’acceptation des renseignements par l’ASFC nuira à sa capacité de mener la procédure dans les délais; et
  6. tout autre facteur pertinent dans les circonstances.

[59] Les participants qui souhaitent présenter de nouveaux renseignements après la date de clôture du dossier, soit séparément, soit dans des mémoires ou des contre-exposés, doivent désigner ces renseignements afin que l’ASFC puisse décider si elle les versera au dossier pour en tenir compte dans sa décision.

[60] Dans la présente enquête de réexamen relatif à l’expiration, des renseignements confidentiels sur les volumes de production nationale des joints de tubes courts de Tenaris Canada ont été présentés à la date de clôture du dossier, en fin d’après-midi, soit après l’échéance de midiNote de bas de page 26. Toutefois, les renseignements, qui ont été jugés pertinents et importants, pouvaient facilement être pris en compte sans nuire à l’échéancier de la procédure.

[61] Puisque l’ASFC avait sollicité ces renseignements à Tenaris lorsqu’il était devenu évident que celle-ci ne déposerait pas de réponse à son QRE, et qu’elle les avait tout de même reçus à la date de clôture du dossier, elle les a acceptés sans incident ni objection des autres parties à la procédure.

[62] Par ailleurs, deux semaines après la clôture du dossier, l’avocat d’AOT a demandé à l’ASFC d’accepter des renseignements supplémentaires au dossier à l’appui de son point de vue que l’expiration de l’ordonnance du TCCE risquait fort de faire reprendre le dumping et le subventionnement des marchandises en cause de la Chine. En particulier, AOT souhaitait verser des renseignements supplémentaires au dossier indiquant une chute de la demande de pétrole et de gaz en Chine en avril 2022, ainsi que son résultat direct, une augmentation d’une année sur l’autre des exportations de tubages sans soudure de la Chine vers le Canada dans la même périodeNote de bas de page 27.

[63] Après étude des huit pièces jointes publiques, l’ASFC a jugé que l’information était pertinente et importante pour le réexamen relatif à l’expiration, qu’elle n’était pas disponible avant la clôture du dossier et qu’elle pouvait être raisonnablement prise en compte sans nuire de quelque façon aux autres participants. Ainsi, elle l’a acceptée telle que présentée.

[64] L’avocat de Weijia et de WestCan, les seuls autres participants, s’est vu accorder trois jours pour commenter ces renseignements présentés en retard, mais il n’a pas formulé d’observations.

Position des parties — dumping

Parties selon qui le dumping risque fort de se poursuivre ou de reprendre

[65] AOT a formulé des observations dans sa réponse au QRE et son mémoire à l’appui de son point de vue que le dumping des joints de tubes courts en provenance de la Chine risque fort de se poursuivre ou de reprendre si l’ordonnance du TCCE est annulée. En d’autres mots, le producteur canadien fait valoir que les mesures antidumping en vigueur devraient être maintenues.

[66] De même, tant Weijia, un exportateur des marchandises en cause, que WestCan, son importateur lié au Canada, ont formulé des observations dans leur réponse respective au QRE et leur mémoire, comme quoi le dumping des joints de tubes courts en provenance de la Chine risque fort de se poursuivre ou de reprendre si l’ordonnance est annulée.

[67] Vu le consensus des trois répondants susmentionnés, il n’est pas surprenant qu’ils aient formulé des arguments similaires quant à la raison pour laquelle le dumping risque fort de se poursuivre ou de reprendre sans l’ordonnance du TCCE. Leurs arguments généraux sont présentés ci-dessous, suivis des arguments plus précis :

  • La capacité de production d’acier en Chine;
  • La capacité de production de FTPP en Chine;
  • La dépendance à l’exportation des fabricants d’acier chinois;
  • Les mesures commerciales à l’endroit de la Chine indiquant une propension au dumping; et
  • Le détournement probable des joints de tubes courts destinés à d’autres marchés et l’attrait du marché canadien.

La capacité de production d’acier en Chine

[68] L’avocat de Weijia et de WestCan soutient que la surproduction et la surcapacité sidérurgiques actuelles en Chine font grandement croître le risque d’un retour des expéditions chinoises de joints de tubes courts sous-évalués et subventionnés au Canada et que, sans l’ordonnance pour dicter les prix, il y aura une perturbation importante du marché canadienNote de bas de page 28.

[69] Les avocats de chaque partie citent de nombreuses sources d’information au dossier pour illustrer l’ampleur de la production d’acier en Chine.

[70] Par exemple, l’avocat de Weijia et de WestCan cite les observations de l’ASFC dans un récent réexamen relatif à l’expiration au sujet de l’industrie sidérurgique chinoise :

[…] la Chine est le premier producteur au monde, représentant 57,6 % de la production totale en 2020. Par ailleurs, sept des dix premières sociétés productrices d’acier au monde ont leur siège en Chine. Par exemple, Baowu Iron and Steel Co. (Baowu Steel), un producteur chinois de gros tubes de canalisation et d’autres produits de l’acier, est le premier producteur mondial. Une liste des dix premiers producteurs chinois contient plusieurs sociétés fabriquant des tubes en acierNote de bas de page 29.

[71] En termes absolus, la Chine aurait produit plus de 1 milliard de tm d’acier brut en 2020, soit près de 70 millions de tm (Mtm) de plus que sa consommation d’acier dans la même année. C’est là un écart substantiel entre la production et la demande sur le marché intérieur, ce qui, selon l’avocat, explique pourquoi la Chine est le premier exportateur mondial d’acier, avec plus de 51 Mtm d’exportations d’acier en 2020Note de bas de page 30.

[72] L’avocat d’AOT souligne que, malgré des efforts évidents pour réduire la production d’acier en Chine, d’autres producteurs comptent renforcer leurs capacités. Par exemple, en 2020, le groupe Baowu a annoncé des plans pour porter sa capacité de fabrication d’acier à 200 Mtm d’ici 2025, contre 111 Mtm à l’heure actuelleNote de bas de page 31.

[73] Cette tendance s’est poursuivie en 2021, l’avocat d’AOT citant des rapports selon lesquels la Chine a approuvé neuf autres projets sidérurgiques dans le cadre de son programme de remplacement des capacités de production et selon lesquels, même si certains de ces projets sont censés entraîner un déclin net de la capacité, celui-ci n’est pas suffisant pour compenser la hausse prévue de la capacité globale de la Chine en 2021 et en 2022.

[74] On cite aussi la World Steel Association (WSA) pour aborder la croissance de la production d’acier au deuxième trimestre (T2) de 2021 [traduction] :

La production d’acier brut de la Chine a augmenté en mai pour atteindre un pic record en raison de la demande intérieure ferme et des bonnes marges de profit des aciéries. Selon la WSA, la production en Chine, qui représente plus de la moitié de la production mondiale, a augmenté de 6,6 % d’une année sur l’autre pour se chiffrer à 99,5 millions de tonnes en mai, contre 97,9 millions de tonnes en avril. Au cours des cinq premiers mois de 2021, elle a augmenté de 13,9 % d’une année sur l’autre pour atteindre 473,1 millions de tonnesNote de bas de page 32.

[75] Selon un rapport similaire, la capacité de fabrication d’acier annualisée de la Chine aurait augmenté de 1,264 milliard de tm au premier semestre (S1) de 2021, une hausse de 9 Mtm par rapport à 2020. Avec les autres projets, la capacité de fabrication d’acier annuelle devrait atteindre 1,288 milliard de tm d’ici la fin de 2021, une hausse de 24 Mtm par rapport à 2020Note de bas de page 33.

[76] L’avocat de Weijia et de WestCan conclut que les preuves au dossier indiquent que, par le passé, la capacité de production a dépassé la consommation d’acier de la Chine et qu’avec l’excédent continu de l’offre sur la demande, il est probable que les producteurs en Chine seront encouragés à chercher des marchés d’exportationNote de bas de page 34.

La capacité de production de FTPP en Chine

[77] Les parties soutiennent collectivement que la Chine dispose d’une capacité de production de FTPP, dont les joints de tubes courts constituent un sous-ensemble, qui fait plusieurs fois la taille estimative du marché canadien. Elles font valoir que la Chine est ainsi capable de fabriquer suffisamment de joints de tubes courts pour inonder l’ensemble du marché canadienNote de bas de page 35.

[78] L’avocat d’AOT a fourni un répertoire de plus de 40 producteurs chinois de FTPP, dont un segment de 13 fabricants disposant d’une capacité totale de plus de 8 Mtm de FTPP et produits tubulaires pour le secteur de l’énergieNote de bas de page 36.

[79] L’avocat cite une décision récente du TCCE dans un réexamen relatif à l’expiration : La Chine est le plus grand pays producteur de tuyaux et de tubes d’acier au monde et représente environ 28 p. 100 de la production mondialeNote de bas de page 37. D’autres renseignements cités en date de 2020 confirment que la Chine est le deuxième marché mondial des FTPP, derrière les États-Unis, et le premier exportateur de FTPP (en particulier les nuances API) sur les marchés mondiauxNote de bas de page 38.

[80] Au sujet des FTPP en particulier, dans son réexamen relatif à l’expiration de 2020 dans l’affaire FTPP 1, le TCCE a affirmé que la capacité totale de FTPP en Chine était d’environ 7 à 11,7 millions de tonnes, avec une capacité excédentaire totale de 3,5 à 5,6 millions de tonnesNote de bas de page 39.

[81] Puisque les joints de tubes courts sont essentiellement de courtes longueurs de FTPP, l’avocat d’AOT fait valoir que, malgré les mesures en vigueur à l’endroit de la Chine dans les affaires Caissons sans soudure et FTPP 1, sans les mesures visant les joints de tubes courts, rien n’empêcherait un fabricant chinois de produits tubulaires pour le secteur de l’énergie, qui est écarté du marché canadien (et mondial), de produire des tubages de FTPP, de les couper à longueur, de les finir et de les vendre au Canada comme joints de tubes courtsNote de bas de page 40.

[82] L’avocat de Weijia et de WestCan souligne qu’au moment du dernier réexamen relatif à l’expiration de l’ASFC, 84 producteurs chinois avaient une certification API active pour fabriquer des joints de tubes courts. Or, les preuves au dossier indiquent qu’il y a actuellement au moins 102 producteurs ayant une certification API 5CT active en ChineNote de bas de page 41.

[83] Par ailleurs, l’avocat fait valoir que 14 de ces 102 fabricants de joints de tubes courts disposent à eux seuls d’une capacité de production de plus de 8,1 MtmNote de bas de page 42. L’avocat d’AOT affirme que cette situation est particulièrement préoccupante, vu la taille relativement petite du marché canadien estimatif.

[84] L’avocat de Weijia et de WestCan affirme que ce seul échantillonnage indique clairement la capacité des fabricants chinois d’inonder et de dominer le marché canadien des joints de tubes courts sans les conclusions en vigueurNote de bas de page 43.

La dépendance à l’exportation des fabricants d’acier chinois

[85] Les avocats d’AOT et de Weijia et de WestCan mentionnent le déséquilibre entre la production et la demande intérieure en Chine comme un problème continu qui force les producteurs à chercher activement des marchés d’exportation.

[86] Comme nous l’avons déjà vu, l’information au dossier indique que la Chine demeure le premier exportateur mondial d’acier, avec des exportations de plus de 51 Mtm en 2020Note de bas de page 44, ainsi que le premier exportateur de FTPPNote de bas de page 45.

[87] L’information au dossier citée par l’avocat d’AOT indique que de nombreux grands producteurs de FTPP en Chine, y compris ceux ayant des valeurs normales à l’égard des joints de tubes courts, reconnaissent également être axés sur l’exportationNote de bas de page 46.

[88] Par exemple, Weijia, l’unique exportateur ayant répondu dans le cadre du présent réexamen relatif à l’expiration, confirme qu’elle exporte toute sa production, précisant que les ventes déclarées comme des ventes intérieures étaient à des sociétés de négoce, qui sont entièrement orientées vers le marché d’exportationNote de bas de page 47.

[89] Tianjin Pipe Corporation (TPCO)Note de bas de page 48, Shandong MolongNote de bas de page 49, Hengyang Valin SteelNote de bas de page 50 et Jinagsu ChangbaoNote de bas de page 51 sont toutes citées pour des déclarations faites dans leurs propres publications faisant la promotion de leurs activités internationales. En particulier, TPCO et Changbao ont des valeurs normales à l’égard des joints de tubes courts.

[90] L’avocat d’AOT a versé des renseignements au dossier indiquant que la dépendance à l’exportation des producteurs de joints de tubes courts en Chine pourrait être exacerbée par les faits récents entourant le confinement de grandes villes comme ShanghaiNote de bas de page 52.

[91] L’effet en chaîne des confinements a frappé les secteurs manufacturiers, y compris les raffineries de pétrole. En effet, les taux d’exploitation des quatre raffineurs d’État de la Chine seraient passés à 76,4 % en avril 2022, soit les niveaux les plus bas depuis le début de la pandémie en avril 2020Note de bas de page 53.

[92] L’avocat d’AOT fait valoir que les déclins de la demande intérieure de pétrole et de gaz soulignent l’impératif d’exportation de la Chine. En raison des activités de forage limitées en Russie et des mesures de restriction du commerce dans d’autres grands pays producteurs de pétrole et de gaz, la Chine peut exporter vers de moins en moins de marchés. Ces circonstances indiquent encore la vraisemblance de la reprise des exportations sous-évaluées et subventionnées advenant l’expiration de l’ordonnanceNote de bas de page 54.

Les mesures commerciales à l’endroit de la Chine indiquant une propension au dumping

[93] Les trois parties, AOT, Weijia et WestCan, ont toutes donné des exemples dans leur mémoire ou réponse au QRE des droits antidumping imposés par des pays autres que le Canada sur l’acier et les produits liés à l’acier en provenance de la ChineNote de bas de page 55. La liste des mesures antidumping en vigueur à l’égard de ces produits est donnée comme preuve que les exportateurs de la Chine ont démontré une propension au dumping dans divers territoires du monde.

[94] L’avocat de Weijia et de WestCan, par exemple, a recensé 13 mesures antidumping dans d’autres pays touchant les FTPP et joints de tubes courts de la ChineNote de bas de page 56.

[95] Outre les exemples de droits antidumping imposés par d’autres pays, toutes les parties ont donné des exemples de mesures antidumping en vigueur au Canada à l’égard de l’acier et de produits liés à l’acier en provenance de la Chine. Les nombreuses mesures au Canada à l’égard de ces produits sont données comme une autre preuve de l’incapacité des exportateurs de la Chine de concurrencer au Canada à des prix équitables.

[96] L’avocat de Weijia et de WestCan affirme que, depuis le dernier réexamen relatif à l’expiration concernant les joints de tubes courts, conclu en 2016, l’ASFC a mené des réexamens touchant 19 produits chinois, dont 11 produits de l’acier, y compris les FTPP. À l’issue de chaque réexamen, elle a décidé que l’expiration des mesures causerait vraisemblablement la poursuite du dumping. Le TCCE a, à son tour, maintenu les mesures dans chacune de ces 19 affairesNote de bas de page 57.

[97] L’avocat ajoute que, puisque de nombreux producteurs chinois de joints de tubes courts fabriquent aussi d’autres produits tubulaires pour le secteur de l’énergie, les mesures antidumping en vigueur au Canada et ailleurs, à l’égard d’autres types de produits tubulaires en acier chinois, notamment les tubes de canalisation et les FTPP, témoignent d’une tendance au dumping de ces produitsNote de bas de page 58.

[98] Weijia admet en outre que, dans la période visée par le réexamen initial (juillet 2010 à juin 2011), elle n’a pu faire autrement que de pratiquer le dumping pour concurrencer les autres producteurs et exportateurs chinois sur le marché canadienNote de bas de page 59.

[99] L’avocat d’AOT ajoute que l’information présentée par Weijia confirme sa volonté et son intention déclarées de se livrer à une lutte tous azimuts pour les parts de marchéNote de bas de page 60.

[100] Au sujet des joints de tubes courts importés sur le marché canadien en particulier, l’avocat de Weijia et de WestCan souligne que les données de l’ASFC sur la perception des droits indiquent une moyenne annuelle de 140 tm d’importations de marchandises en cause de la Chine de 2019 à 2021, nettement en deçà du niveau de 368 tm constaté du 1er juillet 2010 au 30 juin 2011 avant les conclusions initialesNote de bas de page 61.

[101] L’avocat ajoute que, même si l’ASFC a recensé 109 exportateurs et producteurs potentiels de joints des tubes courts en cause en Chine au moment de l’enquête initiale, le dossier de la PVR indique que le nombre d’exportateurs chinois a depuis été réduit à un seul, Hengshui Weijia (Weijia), ayant des valeurs normales spécifiques aux joints de tubes courtsNote de bas de page 62.

[102] L’avocat conclut que le nombre de mesures commerciales à l’égard des produits de l’acier de la Chine, y compris les FTPP et les autres produits tubulaires, ainsi que l’absence d’exportations de joints de tubes courts de la Chine vers le Canada, montrent que les exportateurs chinois sont dans une large mesure incapables de concurrencer sans recourir au dumping.

Le détournement probable des joints de tubes courts destinés à d’autres marchés et l’attrait du marché canadien

[103] Les avocats d’AOT et de Weijia et de WestCan font valoir que, si l’ordonnance est annulée, des joints de tubes courts en provenance de la Chine pourraient être détournés vers le Canada en raison des mesures antidumping en vigueur aux États-Unis.

[104] Les avocats précisent qu’aux États-Unis, où la demande de FTPP est forte, les joints de tubes courts chinois sont visés par des mesures antidumping qui englobent une large gamme de FTPP. Cette ordonnance a été renouvelée en novembre 2020 pour cinq années supplémentairesNote de bas de page 63. Les avocats font valoir qu’avec de telles mesures en vigueur aux États-Unis, sans l’ordonnance antidumping au Canada, les exportateurs chinois détourneraient naturellement leur attention du marché américain vers le marché canadien, à des prix sous-évaluésNote de bas de page 64.

[105] L’avocat d’AOT étaye l’argument de l’effet de détournement en soulignant la marge de dumping de 99,14 % calculée par les États-Unis sur les FTPP chinoisesNote de bas de page 65. L’avocat ajoute que [traduction] :

D’après les données de la Commission du commerce international des États-Unis (USITC), les importations de FTPP chinoises visées par l’ordonnance antidumping ont diminué de 96 % par suite de la prise des mesures de 2009 à 2010, pour passer de 665 000 tm à 28 000 tm seulement […] De plus, en 2021, les importations de FTPP chinoises aux États-Unis ont totalisé 1 252 tm seulement, soit moins de 1 % du volume enregistré en 2009. Par ailleurs, les producteurs chinois ont, depuis le dernier réexamen relatif à l’expiration, fait l’objet d’autres mesures commerciales aux États-Unis, notamment au titre de l’article 232 de la Trade Expansion Act de 1962 et de l’article 301 de l’U.S. Trade Act de 1974Note de bas de page 66.

[106] Les avocats de chaque partie appuyant le maintien de l’ordonnance du TCCE ajoutent que la vraisemblance du détournement n’est pas seulement un problème touchant les États-Unis mais aussi peut-être la Russie, car le conflit en Ukraine a fait baisser la demande de pétrole russeNote de bas de page 67. On fait valoir qu’une réduction des activités de forage en Russie pourrait y limiter la demande de FTPP.

[107] Cependant, les avocats font valoir qu’avec les fortes prévisions de la demande de pétrole, le marché canadien des FTPP, y compris les joints de tubes courts, pourra être attrayantNote de bas de page 68. Le prix de référence mondial du pétrole brut Brent a atteint 100 dollars américains (USD) le baril en février 2022 pour la première fois depuis septembre 2014Note de bas de page 69.

[108] L’avocat d’AOT souligne que les activités de forage canadiennes ont entamé une forte reprise et que le conflit en Ukraine a fait croître la demande mondiale de pétrole canadien. AOT allègue que cette occasion pour la branche de production nationale de joints de tubes courts sera entièrement ratée si l’ordonnance n’est pas maintenueNote de bas de page 70.

[109] L’avocat donne la hausse spectaculaire du prix du pétrole comme preuve de la force de la demande et, ainsi, de la robustesse des projections d’activités de forage accrues au Canada.

[110] Citant la Canadian Association of Energy Contractors (CAOEC), l’avocat ajoute que le nombre de plateformes de forage actives en 2021 s’est rapproché des niveaux d’avant la pandémie. En effet, 4 650 puits ont été forés au Canada en 2021, se rapprochant des 4 985 puits forés en 2019. De plus, le nombre de puits forés en 2022 devrait dépasser le compte d’avant la pandémie de façon substantielleNote de bas de page 71.

[111] De même, l’avocat de Weijia et de WestCan cite la Petroleum Services Association of Canada (PSAC), qui prévoit une hausse du nombre de puits forés d’environ 16 % en 2022 par rapport à 2021, ce qui, selon l’avocat, devrait entraîner une augmentation similaire de la demande de joints de tubes courts au CanadaNote de bas de page 72. L’avocat précise toutefois que l’augmentation prévue de la demande de joints de tubes courts en 2022 devrait demeurer en deçà de celle connue en 2018Note de bas de page 73.

[112] L’avocat d’AOT résume l’état actuel du marché canadien ainsi que la demande de pétrole produit au Canada en général comme suit [traduction] :

[…] l’industrie pétrolière du Canada, la quatrième en importance dans le monde, traverse une période de demande accrue qui continuera probablement tant que les pays auront besoin d’un produit de remplacement pour le pétrole russe. Pour sa part, le Canada s’est engagé à aider les pays par l’exportation de 300 000 barils supplémentaires par jour. Cette augmentation de la demande de pétrole canadien fera sans doute croître le nombre de puits requis par les producteurs, au-delà des activités de forage déjà accrues par rapport à 2021Note de bas de page 74.

[113] Citant des renseignements d’Affaires mondiales Canada (AMC) au dossier, l’avocat d’AOT souligne que les signes du détournement accru des exportations chinoises vers le Canada sont déjà apparents en 2022 puisque les importations de FTPP en général et de tubages sans soudure en particulier (c.-à-d. le principal intrant de production des joints de tubes courts) ont connu une hausse marquée au cours des quatre premiers mois de 2022 par rapport à la même période en 2021, les importations de tubages sans soudure chinois ayant augmenté de 23 fois, pour passer de 389 tm seulement à 9 137 tmNote de bas de page 75.

[114] L’avocat conclut que la vitesse et l’ampleur de l’augmentation des importations de FTPP chinoises au Canada témoignent de la volonté et de la capacité des exportateurs chinois de tirer profit de toute ouverture de marché et que, si l’ordonnance n’est pas maintenue, le dumping au Canada risque fort de reprendreNote de bas de page 76.

Considération et analyse — dumping

Vraisemblance de la poursuite et de la reprise du dumping

[115] Quand elle décide au titre de l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI si, selon toute vraisemblance, l’annulation de l’ordonnance entraînera la poursuite ou la reprise d’un dumping, l’ASFC peut prendre en compte tous les facteurs pertinents dans les circonstances, sans se limiter à ceux du paragraphe 37.2(1) du RMSI.

[116] Guidée par les facteurs susmentionnés du RMSI, et tenant compte des documents présentés par les divers participants ainsi que des renseignements au dossier administratif, l’ASFC a analysé la question du dumping dans l’enquête de réexamen relatif à l’expiration qui nous intéresse. La liste suivante résume son travail d’analyse :

  • Les problèmes mondiaux, le marché intérieur chinois et l’attrait du marché canadien;
  • La capacité de production excédentaire de la Chine et la dépendance à l’exportation en découlant; et
  • L’incapacité des exportateurs chinois de concurrencer à des prix non sous évalués.

[117] Comme nous l’avons déjà vu, trois parties ont répondu au QRE de l’ASFC : le producteur canadien, AOT, et l’importateur et l’exportateur liés, WestCan et Weijia. En plus de répondre au QRE, AOT et WestCan et Weijia ont présenté des mémoires. Les trois parties ont toutes formulé des observations selon lesquelles le dumping des joints de tubes courts en provenance de la Chine risque fort de se poursuivre ou de reprendre si l’ordonnance du TCCE est annulée.

Les problèmes mondiaux, le marché intérieur chinois et l’attrait du marché canadien

[118] En janvier 2022, le Fonds monétaire international (FMI) dans ses Perspectives de l’économie mondiale (PEM) de 2022 faisait les prévisions suivantes :

La croissance mondiale devrait passer de 5,9 % en 2021 à 4,4 % en 2022, soit un demi-point de pourcentage de moins pour 2022 que ce qui avait été prévu dans l’édition d’octobre des Perspectives de l’économie mondiale (PEM), ce qui tient en grande partie à la révision à la baisse des prévisions concernant les deux plus grandes économies. La croissance mondiale devrait ralentir et s’établir à 3,8 % en 2023Note de bas de page 77.

[119] Dans ses PEM de 2022, le FMI estimait la croissance de l’économie chinoise à 2,3 % en 2020 et à 8,1 % en 2021, tout en prévoyant une croissance de 4,8 % en 2022 et de 5,2 % en 2023Note de bas de page 78.

[120] En avril 2022, en raison des conséquences initiales du conflit en Ukraine et des sanctions contre le pétrole russe, le FMI a révisé ses projections dans ses PEM de 2022, affirmant que :

Le présent rapport prévoit une croissance mondiale de 3,6 % en 2022 et 2023, soit 0,8 et 0,2 point de pourcentage de moins, respectivement, que les prévisions du mois de janvier. Cette révision à la baisse tient pour une grande part aux effets directs de la guerre sur la Russie et l’Ukraine et aux retombées du conflit sur le reste du mondeNote de bas de page 79.

[121] Dans le cas de la Chine, le FMI a revu à la baisse la prévision de croissance de janvier 2022 à 4,4 % pour 2022 et à 5,1 % pour 2023Note de bas de page 80.

[122] L’information au dossier indique que, dès la fin de 2021, la Chine planifiait des investissements importants dans l’exploration pétrolière et gazière. Les sociétés pétrolières chinoises, China National Petroleum Company (CNPC), China National Offshore Oil Corporation (CNOOC) et Sinopec, devaient dépenser environ 123 milliards USD en forage et en services aux puits au cours des cinq prochaines années, contre 96 milliards USD de 2016 à 2020Note de bas de page 81.

[123] Les renseignements les plus récents au dossier, toutefois, indiquent que le marché du pétrole en Chine est en déclin, ce qui s’explique en partie par les réductions de la demande par suite des confinements dus à la pandémie. Les déclins prévus pour avril 2022 représentent une baisse de 1,2 million de barils par jour par rapport à l’année précédenteNote de bas de page 82. Cette situation pourrait entraîner un déclin des activités de forage et une réduction subséquente de la demande de FTPP, y compris de joints de tubes courts, en Chine.

[124] Les perspectives du FMI en janvier 2022 pour le Canada, avec une croissance estimative de 4,7 % en 2021 et des prévisions de 4,1 % pour 2022 et de 2,8 % pour 2023, étaient plus modestes que les prévisions de la croissance mondialeNote de bas de page 83. Les prévisions de croissance révisées du FMI en avril 2022 à l’égard du Canada étaient de 3,9 % pour 2022, tandis que celles pour 2023 demeuraient inchangées à 2,8 %Note de bas de page 84. Bien que plus modeste, la croissance prévue de l’économie canadienne demeure positive, contrairement à la contraction enregistrée en 2020.

[125] Le marché canadien des joints de tubes courts sera inévitablement touché par le prix plus élevé du pétrole, lequel stimulera les activités de forage et fera croître la demande de fournitures de forage, y compris de FTPP et, ainsi, de joints de tubes courts.

[126] La récente vigueur dans le secteur pétrolier et gazier du Canada a été précédée d’une série de chocs de marché. Le premier, au T4 de 2018, a été l’effondrement du prix de référence du pétrole Western Canadian Select (WCS)Note de bas de page 85, qui représentait alors, il est estimé, la moitié de la production de pétrole brut du paysNote de bas de page 86. Une réduction obligatoire de la production de 8,7 % en janvier 2019, imposée par le gouvernement de l’Alberta, est demeurée en vigueur de 2019 à 2021, ce qui a appuyé une remontée partielle du prix du pétrole canadien, même si celui-ci est demeuré en deçà de 40 USD/baril pendant le reste de 2019Note de bas de page 87.

[127] Le marché pétrolier et gazier s’est ensuite écroulé au début de 2020, la pandémie et la guerre des prix entre la Russie et l’Arabie saoudite ayant entraîné un déclin spectaculaire des prix mondiaux. Cet effondrement des prix a frappé notamment les sociétés pétrolières et gazières canadiennes, nombre d’entre elles ayant dû mettre en veilleuse leurs activités et cesser tout nouveau forageNote de bas de page 88. Le déclin s’est reflété dans le nombre de plateformes de forage actives du Canada, qui est passé d’une moyenne de 133 en 2019 à un creux de 17 au cours de la semaine du 19 juin 2020.

[128] Les prix mondiaux du pétrole ont commencé à se redresser à la fin du printemps de 2020. Le prix WCS a augmenté tout au long de l’année, ce qui a entraîné une reprise du forage et une croissance de la demande de FTPP et de joints de tubes courts au S2 de 2020. Les activités de forage au Canada avaient aussi connu un redressement important à la fin de 2020, même si elles demeuraient nettement en deçà du pic hebdomadaire d’avant la pandémie de 257 plateformes en février 2020Note de bas de page 89.

[129] La reprise des activités de forage pétrolier et gazier, entamée à la fin de 2020, s’est poursuivie tout au long de 2021. Le prix au comptant WCS a augmenté de plus de 63 % en 2021, passant d’un prix moyen de 40,04 USD/baril en janvier 2021 à 65,60 USD/baril en janvier 2022Note de bas de page 90. Après une réduction au T2 de 2021, il y a eu une amélioration progressive des activités de forage au cours des trois trimestres suivants. Le nombre moyen de plateformes de forage actives en 2021 s’est rapproché des niveaux d’avant la pandémieNote de bas de page 91.

[130] Le conflit en Ukraine au début de 2022 a entraîné des chocs majeurs pour les prix du pétrole et du gaz. Par exemple, le prix au comptant WCS est initialement passé d’un prix moyen de 79,10 USD/baril en février 2022Note de bas de page 92 à 109,60 USD/baril le 8 mars 2022, avant de fléchir à 86,18 USD/baril le 31 mars 2022Note de bas de page 93. Pendant ce temps, le prix de référence international du pétrole brut BrentNote de bas de page 94 est passé de 97,92 USD/baril le 11 avril 2022 à un pic de 129,02 USD/baril le 7 mars 2022Note de bas de page 95. Les prévisions au dossier indiquent qu’il pourrait atteindre un pic de 185-200 USD/baril cette annéeNote de bas de page 96.

[131] L’information au dossier indique que les produits du pétrole de la Russie représentaient 8 % des exportations mondiales et 10 % de la production mondiale; c’est pourquoi les sanctions actuelles et futures à l’endroit de la Russie en lien avec le conflit en Ukraine pourraient aussi continuer d’exercer une pression sur les prix mondiauxNote de bas de page 97.

[132] En revanche, les mesures de confinement de la Chine qui visaient à freiner la propagation de la COVID-19 en avril 2022 ont eu un effet immédiat sur les prix de référence du pétrole, faisant craindre une perturbation de l’économie et une réduction de la consommation en Chine, une grande consommatrice, et entraînant un fléchissement des prix à terme du pétrole West Texas Intermediate (WTI)Note de bas de page 98 d’au plus 6,7 % pour passer sous les 100 USD/baril à la fin d’avril 2022Note de bas de page 99.

[133] La volatilité des événements mondiaux se poursuit, et l’incidence ultime sur le marché canadien du pétrole et du gaz et, ainsi, la demande de FTPP, y compris de joints de tubes courts, demeure incertaineNote de bas de page 100.

[134] Puisque les joints de tubes courts sont essentiellement de courtes longueurs de FTPP, les tendances du marché des joints de tubes courts suivent de près celles du marché des FTPP de longueur standard.

[135] Contrairement aux FTPP de longueur standard, il y a peu de rapports de l’industrie sur le segment des joints de tubes courts. Comme le souligne AOT [traduction] :

Il n’y a pas de publications ou de chiffres de l’industrie pour mesurer la demande de joints de tubes courts en particulier. Cependant, puisque les joints de tubes courts sont produits à partir de FTPP et sont utilisés pour ajuster les longueurs de tubages de FTPP, l’état du marché canadien des FTPP donne une idée exacte de celui du marché des joints de tubes courtsNote de bas de page 101.

[136] Les nuances de base de FTPP comme J55 constituent des produits de base, qui affichent des tendances de prix similaires à l’échelle mondiale; c’est pourquoi les tendances du marché canadien suivront de près celles des marchés mondiaux, notamment le marché américain.

[137] L’information au dossier indique que le prix mondial des FTPP J55 atteint des pics records depuis octobre 2021Note de bas de page 102.

[138] Pour ce qui est de l’incidence sur les joints de tubes courts dans la PVR, l’information au dossier indique que le marché canadien a connu sa propre série de chocs, similaires à ceux connus par l’industrie pétrolière et gazière dans son ensemble.

[139] Les importations de joints de tubes courts ont aussi suivi cette tendance, comme nous avons pu le voir au tableau 2, pour passer d’environ 209 tm en 2020 à un peu moins de 300 tm en 2021.

[140] Le résultat net des chocs mondiaux — de la hausse du prix du pétrole à l’incidence des sanctions contre la Russie — devrait être une demande accrue pour les activités de forage au Canada et, ainsi, les joints de tubes courts au T3 de 2022Note de bas de page 103. C’est pourquoi le marché canadien devrait demeurer un débouché intéressant pour les exportations de marchandises en cause.

La capacité de production excédentaire de la Chine et la dépendance à l’exportation en découlant

[141] Les grandes capacités de production des fabricants de joints de tubes courts en Chine, combinées au ralentissement du marché intérieur chinois, créent un impératif d’exportation pour ces producteurs.

[142] La dépendance à l’exportation du secteur sidérurgique chinois, y compris les FTPP et le sous-ensemble des joints de tubes courts, ne date pas d’hier.

[143] Dans sa décision rendue à l’issue du réexamen relatif à l’expiration dans FTPP 1, l’ASFC a affirmé que les producteurs de FTPP sans soudure de la Chine dépendent largement des marchés d’exportation et que l’information au dossier indiquait que les exportations de la Chine ont systématiquement augmenté, tandis que ses importations ont diminué. Les produits de tuyaux et de tubes représentent 12 %, ou 3,9 millions de tm, des exportations d’acier de la ChineNote de bas de page 104. Pour les marchandises à l’étude, dans l’année précédant le réexamen relatif à l’expiration dans FTPP 1, les exportations de FTPP de la Chine se chiffraient à plus de 1,3 million de tmNote de bas de page 105.

[144] L’information au dossier administratif indique également que les producteurs chinois ont exporté des volumes substantiels de FTPP sans soudure, dont les joints de tubes courts constitueraient un segment, en 2021Note de bas de page 106.

[145] Par ailleurs, dans sa propre décision rendue à l’issue du réexamen relatif à l’expiration dans FTPP 1, le TCCE a affirmé que [l]es producteurs chinois de FTPP sont fortement axés sur les exportationsNote de bas de page 107. Le TCCE a ajouté qu’il n’y a aucun doute que le marché canadien demeure intéressant pour les exportateurs chinois. L’existence de canaux de distribution bien établis au Canada facilitera probablement aussi l’entrée de marchandises en cause en volumes accrus si l’ordonnance est annuléeNote de bas de page 108.

[146] Outre la dépendance de longue date à l’exportation de l’industrie chinoise des FTPP, les preuves des ventes et de la production au dossier administratif appuient le point de vue que cette tendance se poursuit.

[147] Par exemple, l’unique exportateur chinois ayant répondu dans le cadre de la présente procédure, Weijia, précise que ses ventes en Chine étaient à des sociétés de négoce, qui sont entièrement orientées vers le marché d’exportationNote de bas de page 109. Ainsi, il est probable que la plus grande partie des ventes de Weijia étaient ultimement destinées aux marchés d’exportation.

[148] Les exportations directes déclarées par Weijia montrent que l’entreprise dépendait fortement des marchés étrangers dans la PVRNote de bas de page 110.

[149] En comparaison, l’ASFC a estimé le marché canadien des joints de tubes courts en 2021, comme nous avons pu le voir au tableau 2, à environ 800 tm. Par conséquent, malgré les mesures antidumping en vigueur, l’information confidentielle au dossier indique que Weijia occupait une part importante du marché canadien en 2021 et dispose d’une capacité substantielleNote de bas de page 111.

[150] Comme elle l’a elle-même admis, Weijia a la possibilité de renforcer cette capacité et envisagerait de le faire si l’ordonnance est annulée [traduction] :

[…] nous pourrions tripler notre capacité de production pour tirer profit de l’expansion de nos activités sur le marché canadien. Il va sans dire que nous nous attendons à devoir concurrencer les centaines d’autres exportateurs chinois de joints de tubes courts, même si ces prix sont sous-évalués et subventionnésNote de bas de page 112.

[151] L’aveu de Weijia est frappant puisque l’entreprise s’attend à ce que les exportateurs chinois sautent rapidement sur l’occasion pour gâcher les prix actuels, et à ce qu’elle puisse en faire autant pour concurrencer les prix sous-évalués prévus sans les mesures antidumping restrictives au Canada.

[152] La capacité de production de plus de 40 fabricants chinois de FTPP et de joints de tubes courts, dont Weijia, est abordée plus tôt dans le présent documentNote de bas de page 113. Leur capacité de production dépasse largement la taille du marché canadien tel qu’estimé par l’ASFCNote de bas de page 114, et la capacité excédentaire à leur disposition, au-delà de leur production actuelle, y est bien résumée.

[153] La capacité excédentaire peut exercer une pression de manière à faire augmenter la production destinée à l’exportation. À ce sujet, dans sa décision rendue à l’issue du réexamen relatif à l’expiration dans FTPP 1, le TCCE a affirmé que :

[…] la persistante capacité excédentaire d’acier dans le monde, en grande partie attribuable à l’énorme capacité de production de la Chine, demeure une préoccupation importante pour les marchés canadien et mondial de l’acier, y compris des FTPP. Cette capacité excédentaire incite fortement les producteurs chinois à poursuivre leurs ventes à l’exportation à bas prix afin de maintenir des taux élevés d’utilisation de la capacité de productionNote de bas de page 115.

[154] Rien au dossier administratif de la présente procédure n’indique que cette dépendance à l’exportation ait changé.

L’incapacité des exportateurs chinois de concurrencer à des prix non sous-évalués

[155] Il y a actuellement de nombreuses mesures antidumping en vigueur dans des pays autres que le Canada, lesquelles visent à protéger leur branche de production nationale des effets dommageables des produits tubulaires en acier sous-évalués en provenance de la Chine.

[156] L’information au dossier indique qu’il y a au moins 10 mesures antidumping à l’égard de FTPP chinoises dans des pays autres que le Canada, y compris les États-Unis et le MexiqueNote de bas de page 116.

[157] Au Canada, outre les joints de tubes courts, 16 produits de l’acier différents en provenance de la Chine font actuellement l’objet de mesures antidumping. Au moment du dernier réexamen relatif à l’expiration concernant les joints de tubes courts, il y en avait 11Note de bas de page 117.

[158] Sont visés plusieurs produits tubulaires comme les tubes soudés en acier au carbone et les tubes en acier pour pilotis et, plus proches des joints de tubes courts, les tubes de canalisation, les FTPP et les caissons sans soudure. Ces trois derniers produits, comme les joints de tubes courts, sont tous spécialement conçus pour l’industrie pétrolière et gazière. Les tiges de pompage, même si elles ne sont pas un produit tubulaire, sont utilisées de concert avec les FTPP dans l’extraction de pétrole; or, des mesures antidumping (et compensatoires) à l’égard des tiges de pompage chinoises sont entrées en vigueur depuis le dernier réexamen relatif à l’expiration.

[159] Les exportateurs en Chine ont un accès limité à d’autres marchés en raison des nombreuses mesures antidumping et commerciales connexes prises à l’égard de leurs tubages en acier sur ces marchés, cet accès limité étant surtout attribuable au dumping de FTPP. Le nombre substantiel de mesures antidumping en vigueur dans divers pays à l’égard de produits tubulaires chinois et, plus important encore, la présence de telles mesures au Canada et aux États-Unis à l’égard de produits de FTPP semblent indiquer que les exportateurs en Chine continuent de vendre activement ces marchandises sur les marchés d’exportation à des prix sous-évalués.

[160] Les producteurs chinois ont un accès limité au marché des États-Unis, le premier producteur mondial de pétroleNote de bas de page 118, en raison d’importants obstacles commerciaux, y compris les droits imposés au titre de l’article 232 de la Trade Expansion Act de 1962 et de l’article 301 de l’U.S. Trade Act de 1974, ainsi que les droits antidumping et compensateurs en vigueurNote de bas de page 119. L’accès limité à un grand marché des joints de tubes courts comme les États-Unis signifie que l’absence de mesures antidumping au Canada pourrait entraîner le détournement de ces marchandises vers le marché canadien, où les activités de forage reprennent de la vigueur et devraient encore augmenter en 2022.

[161] L’aveu de Weijia qu’elle ne pourrait faire autrement que de pratiquer le dumping en l’absence de l’ordonnance est important dans le cadre de la présente procédure [traduction] :

Dans de telles circonstances, Hengshui Weijia ne pourra faire autrement que de réduire ses prix de vente au Canada pour concurrencer les prix sous-évalués des autres exportateurs chinois de joints de tubes courts; pour ce faire, elle devra vendre à des prix nettement inférieurs à ses prix actuels (valeurs normales) et recommencer à expédier au Canada à des prix sous-évalués comme elle le faisait avant l’ouverture de l’enquête initialeNote de bas de page 120.

[162] La projection de Weijia de son propre comportement en l’absence de l’ordonnance évoque l’effet en chaîne d’un marché non réglementé, où même une partie comme Weijia, qui a pu concurrencer sans recourir au dumping pendant que les mesures étaient en vigueur, subirait probablement une pression sur les prix venant du grand nombre d’autres parties qui n’ont pu le faire, l’obligeant ainsi à pratiquer le dumping pour continuer de vendre au Canada.

[163] Weijia était l’unique exportateur à participer à l’enquête initiale sur le dumping des joints de tubes courts en provenance de la Chine, ouverte par l’ASFC en 2011. Weijia était un de quatre exportateurs coopératifs à recevoir des valeurs normales à l’issue du réexamen de 2015.

[164] Les exportateurs chinois ci-dessous ont reçu des valeurs normales (et montants de subvention) :

  • Hengshui Weijia Petroleum Equipment Manufacturing Co., Ltd. (Weijia);
  • Tianjin Pipe (Group) Corporation (TPCO);
  • Tianjin Tiangang Special Petroleum Pipe Manufacture Co., Ltd. (TTSP); et
  • Jiangsu Changbao Group (Changbao)Note de bas de page 121.

[165] Il convient de noter que Weijia a pu vendre à WestCan, son importateur lié au Canada, dans la PVR. D’après l’analyse des données sur les importations, Weijia serait le seul exportateur des marchandises en cause avec des valeurs normales actives. Aucun autre exportateur ne se serait prévalu de ses valeurs normales.

[166] Outre Weijia, qui est clairement axée sur l’exportation vers le marché canadien, TPCONote de bas de page 122, TTSPNote de bas de page 123 et Jinagsu ChangbaoNote de bas de page 124 ont toutes des documents cités au dossier qui indiquent qu’elles sont axées sur les marchés d’exportation. Par conséquent, l’absence de ventes au Canada indiquerait une incapacité de vendre sans recourir au dumping plutôt qu’un manque d’intérêt.

[167] Cet état de fait est corroboré par les renseignements commerciaux de WestCan, qui a déclaré au dossier être très active sur le marché canadien où elle revend des joints de tubes courts de Hengshui Weijia et n’a constaté aucun autre joint de tube court chinoisNote de bas de page 125.

[168] Le nombre limité d’exportateurs ayant reçu des valeurs normales et s’en étant prévalus pour vendre les marchandises en cause au Canada indique que la quasi-totalité d’entre eux continue d’être incapable de le faire à des prix non sous-évalués.

Décision concernant la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping

[169] D’après l’information au dossier concernant les problèmes mondiaux ayant entraîné une montée en flèche du prix du pétrole, la demande insuffisante en Chine et l’attrait du marché canadien; la capacité de production excédentaire de la Chine et la dépendance à l’exportation en découlant; ainsi que l’incapacité des exportateurs, à l’exception d’un d’entre eux, de vendre des joints de tubes courts au Canada à des prix non sous-évalués, l’ASFC juge que l’annulation de l’ordonnance risquerait fort de faire reprendre ou se poursuivre le dumping, au Canada, de certains joints de tubes courts originaires ou exportés de la Chine.

Position des parties — subventionnement

Parties selon qui le subventionnement risque fort de se poursuivre ou de reprendre

[170] AOT, Weijia et WestCan soutiennent toutes que le subventionnement des joints de tubes courts de la Chine risque fort de se poursuivre ou de reprendre advenant l’expiration de l’ordonnance du TCCE.

[171] Nombre des arguments formulés à l’appui de la vraisemblance de la poursuite du subventionnement reprennent ceux formulés à l’égard du dumping. Toutefois, la présente section contient certains éléments des arguments qui sont propres au subventionnement.

[172] Vu le consensus des trois répondants susmentionnés, il n’est pas surprenant qu’ils aient formulé des arguments similaires quant à la raison pour laquelle le subventionnement risque fort de se poursuivre ou de reprendre sans l’ordonnance du TCCE.

[173] Les arguments généraux des parties sont présentés ci-dessous, suivis des arguments plus précis :

  • L’offre continue de programmes de subvention en Chine; et
  • Les mesures commerciales à l’endroit de la Chine indiquant une propension au subventionnement.

L’offre continue de programmes de subvention en Chine

[174] Les parties participantes ont toutes cité des renseignements au dossier indiquant l’offre continue de programmes de subvention aux fabricants de produits tubulaires en Chine. Elles citent à l’appui de récentes décisions de subventionnement de l’ASFC.

[175] Par exemple, l’avocat d’AOT résume les récentes enquêtes en subventionnement de l’ASFC comme suit [traduction] :

L’ASFC a systématiquement jugé que les fabricants chinois de produits tubulaires sont subventionnés. En 2018, elle a confirmé que les producteurs chinois de caissons sans soudure demeuraient vraisemblablement subventionnés. En 2020, elle a confirmé le même état de fait à l’égard des producteurs chinois de FTPP. Cette confirmation est particulièrement pertinente puisque les joints de tubes courts constituent un sous-ensemble des FTPP, et donc, elle vise exactement les mêmes producteurs. En août 2021, l’ASFC a aussi jugé que l’expiration des conclusions à l’égard des tubes de canalisation de petit diamètre ferait se poursuivre ou reprendre les importations subventionnées de marchandises originaires de la Chine. Enfin, il y a à peine deux mois (en mars 2022), l’ASFC a jugé que les producteurs chinois de gros tubes de canalisation recommenceraient vraisemblablement à exporter des marchandises subventionnées advenant l’expiration des conclusionsNote de bas de page 126.

[176] L’avocat de Weijia et de WestCan mentionne aussi le nombre élevé de programmes de subvention sur lesquels l’ASFC a enquêté, soulignant que, dans le dernier réexamen sur le subventionnement des FTPP en 2015, l’ASFC avait recensé 113 programmes pouvant donner lieu à une action et que, dans le réexamen relatif à l’expiration qui s’en est suivi, elle avait conclu à la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du subventionnementNote de bas de page 127.

[177] Des renseignements au dossier propres aux entreprises viennent appuyer l’offre continue de programmes de subvention aux producteurs de FTPP et de joints de tubes courts. Par exemple, l’avocat d’AOT cite le rapport annuel 2020 de Shandong Molong Petroleum dans lequel l’entreprise énumère les aides gouvernementales reçues de 2018 à 2021, qui totalisaient plus de 62 millions de renminbis (RMB)Note de bas de page 128.

Les mesures commerciales à l’endroit de la Chine indiquant une propension au subventionnement

[178] L’avocat cite l’enquête actuelle de l’ASFC sur le subventionnement des tiges de forage comme le plus récent exemple d’enquête visant un produit de FTPP en Chine. L’avocat mentionne les 364 programmes de subvention pouvant donner lieu à une action en Chine sur lesquels l’ASFC enquête. L’avocat affirme qu’il est donc raisonnable de conclure qu’une longue liste de programmes de subvention sont à la disposition des producteurs et exportateurs de joints de tubes courts chinoisNote de bas de page 129.

[179] L’avocat de Weijia et de WestCan mentionne les 21 mesures compensatoires au Canada à l’endroit de la Chine, dont 15 touchant le secteur sidérurgique, ce qui témoigne du degré de subventionnement gouvernemental de l’ensemble de l’industrieNote de bas de page 130.

[180] Par ailleurs, l’avocat d’AOT souligne qu’en plus des FTPP, les États-Unis ont pris des mesures à l’égard de quatre autres produits tubulaires en acier chinoisNote de bas de page 131.

Considération et analyse — subventionnement

Vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du subventionnement

[181] Quand elle décide en vertu de l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI si, selon toute vraisemblance, l’expiration de l’ordonnance fera reprendre ou se poursuivre l’importation des marchandises subventionnées, l’ASFC peut prendre en compte tous les facteurs pertinents dans les circonstances, sans se limiter à ceux du paragraphe 37.2(1) du RMSI.

[182] Guidée par les facteurs susmentionnés et tenant compte du dossier administratif, l’ASFC a analysé la question du subventionnement dans l’enquête de réexamen relatif à l’expiration qui nous intéresse. La liste suivante résume son travail d’analyse :

  • L’offre continue de programmes de subvention en Chine;
  • Le subventionnement continu par le gouvernement des producteurs de FTPP en Chine; et
  • Les mesures compensatoires à l’égard de produits tubulaires chinois très proches.

L’offre continue de programmes de subvention en Chine

[183] Weijia était l’unique exportateur ayant participé à l’enquête initiale en subventionnement conclue par l’ASFC le 3 mars 2012. L’ASFC avait alors jugé que le gouvernement de la Chine avait conféré des avantages à Weijia au titre des deux programmes suivants :

  1. Politiques fiscales préférentielles pour les entreprises à participation étrangère
  2. Aides aux activités d’exportationNote de bas de page 132

[184] Le montant total de subvention calculé pour ces deux programmes était de 563,9 RMB/tm. L’Énoncé des motifs des décisions définitives décrit les programmes en détail et explique pourquoi ils ont été considérés comme des subventions passibles de droits compensateursNote de bas de page 133.

[185] Pour tous les autres exportateurs, le montant de subvention a été déterminé par prescription ministérielle en vertu du paragraphe 30.4(2) de la LMSI. Le montant de subvention calculé pour ces autres exportateurs était de 9 125,6 RMB/tmNote de bas de page 134.

[186] Le 14 décembre 2015, l’ASFC a conclu un réexamen visant à mettre à jour le montant de subvention à l’égard des joints de tubes courts de la Chine. À nouveau, Weijia était l’unique exportateur de joints de tubes courts en particulier (c.-à-d. n’exportant pas d’autres FTPP) à y participer, et le montant de subvention calculé pour l’entreprise a été de 0,04 RMB/unité. Le montant pour tous les autres exportateurs est demeuré à 9 125,6 RMB/tmNote de bas de page 135.

[187] Les autres exportateurs chinois de FTPP ci-dessous ont aussi reçu des montants de subvention à l’égard de leurs joints de tubes courts :

  • Tianjin Pipe (Group) Corporation (TPCO);
  • Tianjin Tiangang Special Petroleum Pipe Manufacture Co., Ltd. (TTSP); et
  • Jiangsu Changbao Group (Changbao)Note de bas de page 136.

[188] Comme nous l’avons déjà vu, l’unique exportateur qui aurait vendu des joints de tubes courts au Canada dans la PVR est Weijia, par l’intermédiaire de son importateur lié, WestCanNote de bas de page 137.

[189] Les montants de subvention, à l’égard de chacun de ces exportateurs et de tous les autres, demeuraient en vigueur au moment de la rédaction du présent Énoncé des motifsNote de bas de page 138.

[190] Dans l’enquête initiale de l’ASFC conclue en 2012 et son réexamen conclu en 2015, le gouvernement de la Chine n’a pas fourni suffisamment de renseignements pour permettre à l’ASFC de déterminer le montant de subvention aux termes du paragraphe 30.4(1) de la LMSINote de bas de page 139. C’est pourquoi les montants de subvention, même pour les exportateurs coopératifs, ont été déterminés par prescription ministérielle.

[191] De même, dans le dernier réexamen relatif à l’expiration concernant certains joints de tubes courts, conclu le 30 novembre 2016, tout comme le présent réexamen, le gouvernement de la Chine n’a pas fait de réponse au QRE. Le défaut de participation du gouvernement de la Chine a limité la capacité de l’ASFC de bien comprendre l’ampleur du subventionnement gouvernemental.

[192] En réponse au présent réexamen relatif à l’expiration, Weijia, l’unique exportateur participant, a admis que, même si elle ne s’était pas prévalue de subventions gouvernementales à la suite de l’enquête initiale, ce qui témoigne de son intention d’exporter à des prix équitables, sans l’ordonnance du TCCE, elle ne pourrait faire autrement que de réduire ses prix de vente au Canada pour concurrencer les prix subventionnés des autres exportateurs chinois de joints de tubes courts. Pour ce faire, elle devrait se prévaloir de subventions gouvernementales et vendre à des prix nettement inférieurs à ses prix actuels.

[193] Nonobstant le défaut de participation du gouvernement de la Chine, le fait que Weijia a reçu des subventions gouvernementales par le passé et a admis qu’elle s’en prévaudrait au besoin à l’avenir, ainsi que les preuves récentes de l’offre continue de programmes de subvention en Chine, comme nous venons de le voir, appuient la vraisemblance de la poursuite des importations de joints de tubes courts subventionnés de la Chine si l’ordonnance du TCCE est annulée.

Le subventionnement par le gouvernement des producteurs de FTPP en Chine

[194] En plus de conférer des avantages aux producteurs de joints de tubes courts et de continuer d’offrir, en toute apparence, des programmes de subvention, le gouvernement de la Chine a conféré des avantages aux producteurs des marchandises de la famille des FTPP.

[195] Comme nous l’avons déjà vu, le dernier réexamen sur le subventionnement des joints de tubes courts a été conclu en 2015. Cette procédure portait sur les mesures compensatoires à l’égard de trois types de FTPP chinoises : Caissons sans soudure, FTPP 1 et Joints de tubes courts. À la fin de ce réexamen, l’ASFC a déterminé des montants de subvention pour 11 exportateurs. Les montants de subvention variaient de 2,20 RMB/tm à 1 066,56 RMB/tmNote de bas de page 140.

[196] L’API recense au total 102 producteurs ayant une certification pour fabriquer des joints de tubes courts en Chine. Il convient en outre de noter que huit des 11 exportateurs dans le réexamen de 2015 ont aussi la capacité de produire des joints de tubes selon leur certification APINote de bas de page 141. Cette information indiquerait que le gouvernement de la Chine ne se contente pas d’offrir des programmes de subvention aux producteurs de joints de tubes courts, mais les offre aussi à un groupe bien plus large de producteurs de FTPP dans le secteur sidérurgique national qui ont la capacité de fabriquer des joints de tubes courts.

[197] Au début du réexamen sur le subventionnement de 2015, l’ASFC a recensé 67 programmes de subvention pouvant donner lieu à une action à la disposition des exportateurs et producteurs en Chine. À la fin du réexamen, elle en avait recensé 46 autres, après étude et vérification des renseignements présentés par les exportateurs participantsNote de bas de page 1142.

[198] D’après ce que le gouvernement a lui-même divulgué, l’offre continue de programmes de subvention n’est pas en doute en Chine. Dans sa notification au Comité des subventions et des mesures compensatoires de l’OMC en 2021, la Chine a recensé 71 programmes de subvention du gouvernement central et 36 du gouvernement sous-central (c.-à-d. municipalité, province ou région autonome). Plusieurs visent l’industrie sidérurgique, et la plupart constituent des programmes fiscaux préférentielsNote de bas de page 143.

[199] Malgré cette notification, la transparence des programmes de subvention de la Chine fait l’objet d’un examen minutieux à l’OMC depuis l’accession du pays en 2001. De nombreux pays membres ont exprimé des préoccupations au sujet de cette dernière notification des subventions de la Chine à l’OMC.

[200] En règle générale, les préoccupations concernent le caractère opportun et exhaustif de la notification du gouvernement de la Chine de ses programmes de subvention à l’OMC. Les questions soulevées comprennent les suivantes [traduction] :

Les États-Unis affirment que, dans son protocole d’accession, la Chine a convenu de mettre à la disposition des membres de l’OMC l’ensemble des lois, règlements et autres mesures en matière de commerce, avant leur application ou exécution, et de désigner un journal unique pour leur publication, à savoir la MOFCOM Gazette. Or, dans la plupart des cas, les mesures de subvention, en particulier les mesures normatives et sous-centrales, ne sont pas publiées dans la MOFCOM Gazette, et parfois, sont introuvables ailleursNote de bas de page 144.

[201] Dans une critique similaire du respect par la Chine des obligations de notification des subventions [traduction] :

Le Canada affirme partager les préoccupations américaines à l’égard du respect par la Chine des obligations de transparence de l’OMC. On souligne que la Chine n’a pas encore répondu à la demande de renseignements du Canada en date de janvier 2020 sur deux programmes de subvention n’ayant pas fait l’objet d’une notificationNote de bas de page 145.

[202] L’Australie a récemment demandé à la Chine de divulguer la somme réelle affectée à certains programmes fiscaux préférentielsNote de bas de page 146. De même, le Royaume-Uni a interrogé la Chine sur les critères d’admissibilité et la portée de certains programmes fiscaux préférentiels et lui a demandé des précisions concernant des prêts à taux préférentiels accordés par des banques d’État, qui ont été constatés par le passé, mais seraient absents de sa dernière notificationNote de bas de page 147.

[203] Citant des déclarations de sa Commission nationale de développement et de réforme (CNDR), les États-Unis ont aussi demandé à la Chine de plus amples renseignements sur son utilisation de certains fonds directeurs, qu’ils décrivent comme des fonds servant à faire des investissements en capital-actions dans divers secteurs. Les États-Unis ajoutent que [traduction] :

La majorité des responsables de ces fonds sont normalement des ministères et des entreprises d’État, qui s’assurent, ultimement, que les fonds sont dépensés d’une façon qui cadre avec la politique gouvernementaleNote de bas de page 148.

[204] Par conséquent, il a été demandé au gouvernement de la Chine pourquoi il n’avait pas divulgué les fonds directeurs suivants : (1) Fonds IC national; (2) Fonds IC de Shanghai; (3) Fonds IC du Hubei; (4) Fonds IC national, phase 2; et (5) Fonds de développement industriel IC de BeijingNote de bas de page 149.

[205] Les États-Unis ont exprimé de nombreuses autres préoccupations concernant les programmes de subvention apparents non divulgués par le gouvernement de la Chine, dont un touchant le producteur d’acier Lingyuan Iron & Steel Co. Ltd., une entreprise sidérurgique d’État. Les États-Unis allèguent que cette entreprise aurait reçu 790 millions RMB d’une administration municipale chinoise en 2015 et d’autres montants remontant à 2012 qui n’ont pas été déclarés dans la notification à l’OMCNote de bas de page 150.

[206] Ainsi, malgré l’importante divulgation de ses programmes de subvention à l’OMC, la Chine n’aurait pas déclaré de nombreux autres programmes, ce qui rend probable l’offre d’autres programmes dont pourraient bénéficier les producteurs nationaux de FTPP, notamment de joints de tubes courts, et sur lesquels l’ASFC n’a jamais enquêté.

[207] L’information au dossier indique qu’en Chine, des subventions sont offertes depuis longtemps aux producteurs, notamment de FTPP, avec les tiges de forage comme le dernier produit à faire l’objet d’une enquête. Comme en attestent les récents exposés à l’OMC, rien au dossier administratif de la présente procédure n’indique que l’offre de ces subventions ait changé.

Les mesures compensatoires à l’égard de produits tubulaires chinois très proches

[208] Six produits tubulaires en acier de la Chine font actuellement l’objet de droits compensateurs au Canada. Il s’agit des tubes de canalisation en acier au carbone et en acier allié, des tubes soudés en acier au carbone, des gros tubes de canalisation, des FTPP, des tubes en acier pour pilotis et des caissons sans soudureNote de bas de page 151. Trois de ces produits — tubes de canalisation (deux mesures), FTPP et caissons sans soudure — sont précisément utilisés dans l’industrie pétrolière et gazière. Outre ces produits, huit autres produits liés à l’acier de la Chine font l’objet de droits compensateurs au Canada, notamment les tiges de pompage, qui sont aussi utilisées de concert avec les FTPP dans le forage et l’extraction de pétrole et de gazNote de bas de page 152.

[209] La présence de 14 mesures compensatoires au Canada à l’égard de produits de l’acier de la Chine indiquerait que le gouvernement de la Chine a accordé une grande importance à son industrie sidérurgique et l’a subventionnée en conséquence.

[210] En 2020, par suite d’un réexamen relatif à l’expiration quinquennal, les États-Unis ont prorogé les mesures compensatoires à l’égard des FTPP en provenance de la Chine, surtout pour les motifs suivants :

  • dans l’enquête initiale et deux réexamens administratifs subséquents, le département du Commerce (DOC) a jugé que les producteurs chinois ont bénéficié de programmes de subvention prohibés au titre de l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires (ASMC);
  • des enquêtes en subventionnement plus récentes ont porté sur d’autres produits de l’acier, notamment les tuyaux en acier; et
  • le DOC a conclu qu’il est probable que les producteurs et exportateurs chinois de FTPP profitent aussi de nouvelles subventions, outre celles ayant déjà fait l’objet de mesures compensatoiresNote de bas de page 153.

[211] Parmi les conclusions découlant des réexamens administratifs susmentionnés, le DOC a ajouté six programmes de subvention donnant lieu à une action à ceux constatés dans l’enquête initialeNote de bas de page 154.

[212] Les États-Unis ont au moins 19 mesures compensatoires à l’égard de produits de l’acier en provenance de la Chine, y compris des produits tubulaires en acierNote de bas de page 155. En particulier, des mesures compensatoires ont été prise à l’égard des FTPP de la Chine, que le DOC a définies comme englobant les joints de tubes courts. En 2020, l’International Trade Commission des États-Unis a prolongé de cinq années supplémentaires les ordonnances de droits compensateurs sur les FTPP de la ChineNote de bas de page 156.

[213] Les mesures en vigueur au Canada et aux États-Unis à l’égard des FTPP et d’autres produits tubulaires très proches comme les joints des tubes courts indiquent qu’en Chine, les producteurs de ces marchandises continuent de recevoir du gouvernement des avantages donnant lieu à une action.

Décision concernant la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du subventionnement

[214] D’après l’information au dossier administratif concernant l’offre continue et passée de programmes de subvention aux producteurs de joints de tubes courts en Chine; le subventionnement continu par le gouvernement de la Chine de ses producteurs, notamment de FTPP; et les mesures compensatoires à l’égard de produits tubulaires en acier identiques ou similaires au Canada et aux États-Unis, l’ASFC juge que l’annulation de l’ordonnance risquerait fort de faire reprendre ou se poursuivre le subventionnement des joints de tubes courts originaires ou exportés de la Chine.

Conclusion

[215] Aux fins de la décision dans l’enquête de réexamen relatif à l’expiration qui nous intéresse, l’ASFC a procédé à une analyse en s’en tenant aux facteurs énoncés au paragraphe 37.2(1) du RMSI et aux autres facteurs pertinents dans les circonstances.

[216] Ayant considéré les facteurs pertinents et les renseignements au dossier, elle a décidé le 22 juillet 2022, conformément à l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI, que l’annulation de l’ordonnance rendue par le TCCE le 7 avril 2017 à l’issue du réexamen RR-2016-001 causerait vraisemblablement :

  1. la poursuite ou la reprise du dumping, au Canada, de certains joints de tubes de courts originaires ou exportés de la Chine; et
  2. la poursuite ou la reprise du subventionnement de ces mêmes marchandises.

Mesures à venir

[217] Le TCCE a maintenant commencé son enquête pour déterminer si, selon toute vraisemblance, l’expiration de son ordonnance concernant le dumping et le subventionnement des marchandises en cause causerait un dommage. D’après le calendrier du réexamen relatif à l’expiration, le TCCE doit rendre sa propre décision d’ici le 29 décembre 2022.

[218] Si le TCCE décide que l’expiration de son ordonnance causerait vraisemblablement un dommage, il la prorogera, avec ou sans modification. Alors, l’ASFC continuera de percevoir des droits antidumping sur les importations sous-évaluées, et des droits compensateurs sur les importations subventionnées, de marchandises en cause.

[219] Si, au contraire, le TCCE décide que l’expiration de son ordonnance ne causerait vraisemblablement pas de dommage, il l’annulera, et plus aucuns droits antidumping ou compensateurs ne seront perçus sur les importations de marchandises en cause, et ceux perçus sur des marchandises dédouanées après que l’ordonnance devait expirer seront rendus à l’importateur.

Renseignements

[220] Voici à qui s’adresser pour en savoir plus :

Centre de dépôt et de communication des documents de la LMSI
Direction des programmes commerciaux et antidumping
Agence des services frontaliers du Canada
11-100 rue Metcalfe
Ottawa ON  K1A 0L8

  • Téléphone :
  • Andrew Manera : 343-553-1868

Courriel : simaregistry-depotlmsi@cbsa-asfc.gc.ca

Le directeur général
Direction des programmes commerciaux et antidumping
Doug Band

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