Sélection de la langue

Recherche


LLP 2021 ER : Gros tubes de canalisation
Énoncé des motifs : décision concernant un réexamen relatif à l’expiration

D’une décision rendue dans le réexamen relatif à l’expiration en vertu de l’alinéa 76.03(7)a) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation concernant le dumping des tubes de canalisation soudés à gros diamètre en acier au carbone et en acier allié de la Chine et du Japon et le subventionnement de ceux de la Chine.

Décision

Ottawa,

Le 24 février 2022, conformément à l’alinéa 76.03(7)a) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, l’Agence des services frontaliers du Canada a décidé que l’expiration des conclusions rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 20 octobre 2016 dans l’enquête NQ-2016-001 causerait vraisemblablement :

  1. la poursuite ou la reprise du dumping des tubes de canalisation soudés à gros diamètre en acier au carbone et en acier allié originaires ou exportés de la Chine et du Japon; et
  2. la poursuite ou la reprise du subventionnement de ceux originaires ou exportés de la Chine.

Sur cette page

Résumé

[1] Le 27 septembre 2021, le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE), conformément au paragraphe 76.03(3) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation (LMSI), a ouvert un réexamen relatif à l’expiration de ses conclusions rendues le 20 octobre 2016 dans l’enquête NQ-2016-001 concernant le dumping des tubes de canalisation soudés à gros diamètre en acier au carbone et en acier allié (gros tubes de canalisation) originaires ou exportés de la Chine et du Japon ainsi que le subventionnement de ceux originaires ou exportés de la Chine.

[2] Par suite de l’avis du TCCE, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a ouvert le 28 septembre 2021, conformément à l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI, une enquête de réexamen relatif à l’expiration pour déterminer si l’expiration des conclusions causerait vraisemblablement la poursuite ou la reprise du dumping et/ou du subventionnement des marchandises en cause.

[3] L’ASFC a reçu une réponse à son questionnaire de réexamen relatif à l’expiration (QRE) de la part du producteur canadien Evraz Inc. NA Canada (Evraz)Note de bas de page 1. Dans son exposé, le producteur canadien défend son point de vue que le dumping des gros tubes de canalisation de la Chine et du Japon et le subventionnement de ceux de la Chine risquent fort de reprendre ou de se poursuivre si les conclusions du TCCE sont annulées.

[4] L’ASFC a reçu cinq réponses à son QRE de la part d’importateurs : Industrial Equipment Manufacturing Ltd.Note de bas de page 2, Cantak Corporation (Cantak)Note de bas de page 3, Marubeni-Itochu Tubulars Canada (Marubeni Canada)Note de bas de page 4, Crane SupplyNote de bas de page 5 et Suncor Energy Inc., qui a fait une réponse conjointe avec Fort Hills Energy LP et Syncrude Canada Ltd.Note de bas de page 6 Cantak et Marubeni Canada défendent leur point de vue que le dumping dommageable des gros tubes de canalisation du Japon ne risque pas de reprendre, tandis que les trois autres importateurs n’ont pas exprimé de point de vue quant à la poursuite ou à la reprise du dumping et/ou du subventionnement des marchandises en cause si les conclusions sont annulées.

[5] L’ASFC a aussi reçu des réponses à son QRE de la part des exportateurs japonais Marubeni-Itochu Steel Inc. (Marubeni)Note de bas de page 7 et Metal One Corporation (Metal One)Note de bas de page 8. Marubeni n’a pas exprimé de point de vue quant à la poursuite du dumping et/ou du subventionnement des marchandises en cause, tandis que Metal One soutient que rien ne permet de présumer que le dumping dommageable en provenance du Japon reprendrait.

[6] L’ASFC n’a pas reçu de réponse à son QRE de la part du gouvernement de la Chine.

[7] En sus des réponses à son QRE, l’ASFC a reçu des mémoires et des contre-exposés de la part d’EvrazNote de bas de page 9, de Trans Canada Pipe Lines Limited (TCPL)Note de bas de page 10 et de Metal OneNote de bas de page 11, qui a déposé son mémoire et son contre-exposé conjointement avec son importateur lié, Cantak. Dans son mémoire et son contre-exposé, Evraz défend son point de vue que le dumping et/ou le subventionnement des marchandises en cause risquent fort de reprendre ou de se poursuivre si les conclusions du TCCE sont annulées. Pour sa part, TCPL soutient que l’expiration des conclusions ne risque pas de faire reprendre ou se poursuivre le dumping et/ou le subventionnement des marchandises en cause. Metal One, enfin, partage le point de vue de TCPL à l’égard des marchandises du Japon, mais n’a pas exprimé de point de vue à l’égard de celles de la Chine dans le cadre du présent réexamen relatif à l’expiration.

[8] Il ressort de l’analyse des renseignements au dossier administratif que la poursuite ou la reprise du dumping, au Canada, des gros tubes de canalisation originaires ou exportés de la Chine est vraisemblable si les conclusions du TCCE sont annulées. Cette analyse repose sur les facteurs suivants :

  • La capacité de production d’acier
  • Les conditions du marché
  • L’attrait du marché canadien
  • Les mesures commerciales au Canada et ailleurs
  • Le dumping des gros tubes de canalisation de la Chine
  • Les importations de gros tubes de canalisation de la Chine
  • L’orientation vers l’exportation des producteurs chinois de gros tubes de canalisation et leur présence au Canada

[9] En ce qui concerne le Japon, il ressort de l’analyse des renseignements au dossier administratif que la poursuite ou la reprise du dumping au Canada est vraisemblable si les conclusions du TCCE sont annulées. Cette analyse repose sur les facteurs suivants :

  • La capacité de production d’acier
  • Les conditions du marché
  • L’attrait du marché canadien
  • Les mesures commerciales au Canada et ailleurs
  • Le dumping des gros tubes de canalisation du Japon
  • Les importations de gros tubes de canalisation du Japon
  • L’orientation vers l’exportation des producteurs et exportateurs japonais de gros tubes de canalisation et leur présence au Canada

[10] De plus, il ressort de l’analyse des renseignements au dossier administratif que la poursuite ou la reprise du subventionnement des gros tubes de canalisation originaires ou exportés de la Chine est vraisemblable si les conclusions du TCCE sont annulées. Cette analyse repose sur les facteurs suivants :

  • Les mesures commerciales au Canada et ailleurs
  • L’offre continue de programmes de subvention

[11] C’est pourquoi le 24 février 2022, après étude du dossier, et conformément à l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI, l’ASFC a décidé que l’annulation des conclusions causerait vraisemblablement :

  1. la poursuite ou la reprise du dumping des marchandises de la Chine et du Japon; et
  2. la poursuite ou la reprise du subventionnement de celles de la Chine.

Contexte

[12] Le 24 mars 2016, conformément au paragraphe 31(1) de la LMSI, l’ASFC a ouvert une enquête sur le dumping des gros tubes de canalisation de la Chine et du Japon, et une autre sur le subventionnement de ceux de la Chine, après avoir reçu un dossier complet de plainte de la part d’EVRAZ Inc. NA Canada de Regina (Saskatchewan) et de Canadian National Steel Corporation de Camrose (Alberta) (appelées collectivement « Evraz » ou « la plaignante »).

[13] Le 20 septembre 2016, en vertu du paragraphe 41(1) de la LMSI, l’ASFC a rendu des décisions définitivesNote de bas de page 12 de dumping concernant les gros tubes de canalisation originaires ou exportés de la Chine et du Japon, et de subventionnement concernant ceux de la Chine.

[14] Le 20 octobre 2016, en vertu du paragraphe 43(1) de la LMSI, le TCCE a jugé que le dumping des gros tubes de canalisation originaires ou exportés de la Chine et du Japon et le subventionnement de ceux de la Chine avaient causé un dommage à la branche de production nationale (canadienne)Note de bas de page 13.

[15] Le 6 août 2021, conformément au paragraphe 76.03(2) de la LMSI, le TCCE a publié un avis concernant l’expiration de ses conclusions, prévue pour le 19 octobre 2021. L’information reçue pendant le processus d’expiration l’a convaincu de procéder à un réexamenNote de bas de page 14. C’est pourquoi le 27 septembre 2021, conformément au paragraphe 76.03(3) de la LMSI, le TCCE a ouvert un réexamen relatif à l’expiration.

[16] Enfin, le 28 septembre 2021, l’ASFC a ouvert l’enquête qui nous intéresse pour déterminer si l’expiration des conclusions risquait de faire reprendre ou se poursuivre le dumping des marchandises de la Chine et du Japon et/ou le subventionnement de celles de la Chine.

Les produits

[17] Les marchandises en cause dans la présente enquête de réexamen relatif à l’expiration se définissent comme suit :

Tubes de canalisation soudés à gros diamètre en acier au carbone et en acier allié, originaires ou exportés de la République populaire de Chine et du Japon, dont le diamètre extérieur est supérieur à 24 po (609,6 mm), mais ne dépasse pas 60 po (1 524 mm), peu importe l’épaisseur de la paroi, la longueur, le traitement de la surface (recouverte ou non), la finition des extrémités (lisses ou biseautées), la présence ou non de marques au pochoir, et les attestations (y compris les marques ou les attestations multiples applicables à des utilisations comme le transport du pétrole et du gaz).

[18] Pour plus de clarté, la définition englobe tout ce qui suit :

  • les tubes de canalisation conformes à la spécification 5L de l’American Petroleum Institute (API) dans les nuances A25, A, B et X jusques et y compris X100, ou bien conformes à des spécifications équivalentes dans des nuances équivalentes, telle la spécification CSA Z245.1 jusques et y compris la nuance 690;
  • les tubes de canalisation non finis (même s’ils n’ont pas encore été mis à l’essai, inspectés, ou attestés comme conformes aux spécifications), originaires de la Chine et du Japon, et importés pour servir à la production ou à la finition de tubes de canalisation conformes aux spécifications finales, y compris pour le diamètre extérieur, la nuance, l’épaisseur de la paroi, la longueur, la finition des extrémités ou le traitement de la surface; et
  • les tubes secondaires (« produits à service limité »).

Produits exclus des conclusions du TCCE

[19] Le TCCE a exclu de ses conclusions les produits suivants :

  • tubes en acier soudés à l’arc ASME SA 672 ou ASME SA 691 homologués selon les règles du « Boiler and Pressure Vessel Code » (code sur les chaudières et cuves sous pression) de l’ASME (et comportant au moins un de ces marquages), d’une longueur n’excédant pas 15 pieds (4,572 m), pour une utilisation autre que celle des tubes de conduite satisfaisant à la norme CSA Z-662 et importés avec les certificats d’inspection autorisés et les rapports de données partiels de l’ASME applicables;
  • tubes de canalisation, indépendamment de la nuance, du diamètre extérieur et de l’épaisseur de la paroi, comportant un marquage unique « DNV-OS-F101 » pour utilisation exclusive offshore et désignés « For Offshore Applications Only » (pour les utilisations en mer seulement);
  • tubes de canalisation soudés longitudinalement à l’arc immergé, indépendamment de la nuance, du diamètre extérieur et de l’épaisseur de la paroi, d’une longueur de 60 pieds (18,288 m), sans soudure sur la circonférence, pour utilisation exclusive dans les systèmes d’évacuation des boues ou des résidus dans l’exploitation des sables bitumineux et désignés « For Use as Slurry/Tailings Pipe Only » (à être utilisé en tant que tubes pour pipelines à boues seulement); pour plus de précision, l’utilisation comme tube de conduite satisfaisant à la norme CSA Z-662 ou comme tube sous pression satisfaisant au code CSA B51 n’est pas permise aux termes de la présente exclusion;
  • tubes de canalisation soudés longitudinalement à l’arc immergé, indépendamment du diamètre extérieur, de l’épaisseur de la paroi et de la longueur, pour utilisation exclusive comme conduites de distribution à température et pression élevées et désignés « For Steam Distribution Only » (pour conduites de distribution à haute pression seulement), homologués pour satisfaire à la norme CSA Z662-15, chapitre 14 et/ou à l’annexe I et résistant à la fatigue et au fluage selon les sections I.2.3.2 et I.3.2.1 de la norme CSA Z662-15 tel qu’établi par un essai d’au moins 10 000 heures effectué conformément à la norme ASTM E139.

[20] Le 16 avril 2021, le TCCE a modifié ses conclusions afin d’en exclure les autres produits suivants :

  • tubes de canalisation fabriqués selon le procédé de soudage longitudinal à l’arc immergé ainsi que le procédé de soudage double à l’arc immergé, marqués au pochoir de la nuance API 2B, portant ou non la marque d’autres nuances, quel que soit le diamètre extérieur, dont l’épaisseur de la paroi est supérieure à 1 pouce, destinés à être utilisés exclusivement dans la fabrication de rotors d’écorceuse et portant la mention « Pour utilisation exclusive à la fabrication de rotor d’écorceuse ».

PrécisionsNote de bas de page 15

[21] Les gros tubes de canalisation servent dans les secteurs pétrolier et gazier surtout pour le transport du pétrole et du gaz naturel sur de longues distances, mais aussi pour de multiples usages dans l’exploitation minière, notamment comme pipelines à solides dans l’industrie des sables bitumineux.

[22] Le marché canadien des gros tubes de canalisation est régi par les spécifications pertinentes, dont la Z245.1 de l’Association canadienne de normalisation (CSA) pour les tubes de canalisation utilisés comme pipelines. Oléoducs et gazoducs doivent à leur tour respecter la norme CSA Z662 (Réseaux de canalisations de pétrole et de gaz). Cela dit, au niveau international, c’est surtout la spécification API 5L qui s’applique : par exemple, les tubes CSA Z245.1 de nuance 448 sont considérés comme l’équivalent des tubes API 5L de nuance X65, la nuance étant exprimée par un X suivi de la limite d’élasticité conventionnelle minimale correspondante (en milliers de livres par pouce carré). Cette équivalence s’applique aussi aux autres spécifications, dont celles de l’Organisation internationale de normalisation (ISO); autrement dit, un tube de canalisation donné peut être certifié et marqué comme conforme à des normes multiples s’il remplit tous les critères de chaque norme/nuance (ce qui explique que certains tubes portent deux marques, trois, ou plus). Il n’est pas rare dans les faits que plusieurs nuances de tubes soient certifiées sur un même rapport d’essai d’usine, ni que le client, au lieu de la nuance qu’il a expressément demandée, reçoive une nuance équivalente. Les rapports d’essai d’usines servent à montrer que les tubes vendus présentent les caractéristiques exigibles pour leur nuance effective.

[23] La plaignante fabrique, ou est capable de fabriquer, des tubes de canalisation conformes aux spécifications API 5L dans les nuances jusques et y compris X100, dans toutes les nuances correspondantes au sens de la norme CSA Z245.1, et de tous les diamètres extérieurs visés par la définition des produits.

[24] La définition des produits comprend tous les gros tubes de canalisation conformes ou appelés à se conformer aux nuances et spécifications ci-dessus de même qu’aux nuances et spécifications équivalentes, peu importe s’ils portent plusieurs marques indiquant qu’ils sont conformes ou appelés à se conformer à des spécifications pour d’autres emplois finaux. Il est entendu que tous les gros tubes de canalisation marqués (au pochoir ou autrement) comme conformes ou appelés à se conformer aux spécifications API 5L ou à leurs équivalents pour servir d’oléoducs ou de gazoducs sont visés par la définition des produits même si, d’après leurs marques, ils sont conformes ou appelés à se conformer pour d’autres emplois finaux. Les tubes de canalisation fabriqués d’après les spécifications API supérieures (ou leurs équivalents CSA ou ISO) et dûment testés comme tels, puisqu’ils respectent automatiquement les spécifications inférieures, peuvent très bien porter des marques multiples indiquant d’autres emplois finaux, telles les spécifications de l’American Society for Testing and Materials (ASTM) et leurs équivalents pour emploi final comme tubes standard (pour le transport à basse pression de vapeur, d’eau, de gaz naturel, d’air et d’autres fluides en plomberie et en chauffage), tubes pour pilotis, etc.

[25] Les gros tubes de canalisation se démarquent nettement des autres tubes, notamment par une résistance supérieure aux milieux très corrosifs (gaz sulfureux), obtenue pendant la production de l’acier par un affinage secondaire qui augmente la pureté. Le calibre de grain des plaques d’acier utilisées comme intrants est aussi plus fin pour les gros tubes de canalisation que pour les autres tubes, ce qui influence la ténacité à basse température du métal. Les gros tubes de canalisation se vendent généralement à partir de la nuance API X70, ce qui témoigne d’une résistance élevée. Finalement, les gros tubes de canalisation se distinguent favorablement par leur déformabilité et leur résistance à l’écrasement.

Classement des importations

[26] Avant le 1 janvier 2019, les marchandises en cause étaient normalement importées au Canada sous les numéros de classement tarifaire suivants :

  • 7305.11.00.10
  • 7305.11.00.20
  • 7305.12.00.10
  • 7305.12.00.30
  • 7305.19.00.10
  • 7305.19.00.20

[27] Du 1 janvier 2019 au 3 février 2021, les marchandises en cause allaient sous les numéros suivants :

  • 7305.11.00.22
  • 7305.11.00.23
  • 7305.11.00.24
  • 7305.11.00.25
  • 7305.12.00.21
  • 7305.12.00.22
  • 7305.12.00.23
  • 7305.12.00.24
  • 7305.19.00.22
  • 7305.19.00.23
  • 7305.19.00.24
  • 7305.19.00.25

[28] Du 4 février 2021 au 31 décembre 2021, les marchandises en cause allaient sous les numéros suivants :

  • 7304.19.00.51
  • 7304.19.00.52
  • 7304.19.00.53
  • 7304.19.00.54
  • 7304.19.00.59
  • 7305.11.00.41
  • 7305.11.00.42
  • 7305.11.00.43
  • 7305.11.00.44
  • 7305.11.00.49
  • 7305.12.00.41
  • 7305.12.00.42
  • 7305.12.00.43
  • 7305.12.00.44
  • 7305.12.00.49
  • 7305.19.00.22
  • 7305.19.00.23
  • 7305.19.00.24
  • 7305.19.00.25

[29] Enfin, depuis le 1 janvier 2022, l’annexe du Tarif des douanes ayant été révisée, les marchandises en cause vont sous les numéros suivants :

  • 7304.19.00.81
  • 7304.19.00.82
  • 7304.19.00.83
  • 7304.19.00.84
  • 7304.19.00.89
  • 7305.11.00.41
  • 7305.11.00.42
  • 7305.11.00.43
  • 7305.11.00.44
  • 7305.11.00.49
  • 7305.12.00.41
  • 7305.12.00.42
  • 7305.12.00.43
  • 7305.12.00.44
  • 7305.12.00.49
  • 7305.19.00.41
  • 7305.19.00.42
  • 7305.19.00.43
  • 7305.19.00.44
  • 7305.19.00.49

[30] Les numéros de classement tarifaire ci-dessus sont fournis à titre purement informatif. Ils n’incluent pas toutes les marchandises en cause, et inversement, ils incluent des marchandises non en cause. Seule la définition des produits fait autorité au sujet des marchandises en cause.

Période visée par le réexamen

[31] La période visée par le réexamen (PVR) pour l’enquête de réexamen relatif à l’expiration de l’ASFC est du 1 janvier 2018 au 30 juin 2021.

Branche de production nationale

[32] L’information au dossier administratif de la présente enquête de réexamen relatif à l’expiration indique que la composition de la branche de production nationale n’a pas changé depuis l’enquête initiale et qu’Evraz demeure le seul producteur de gros tubes de canalisation au CanadaNote de bas de page 16.

[33] Ainsi, à la lumière de l’information au dossier administratif, l’ASFC a estimé la production nationale à partir de celle d’Evraz.

Evraz Inc. NA Canada

[34] Evraz a été constituée en société en 1956 sous le nom de Prairie Pipe Manufacturing Co. Elle a commencé ses opérations en 1957 après avoir terminé la construction d’une usine de fabrication de tuyaux par le procédé de soudage par résistance électrique à Regina. En 1959, l’entreprise a acquis les actifs d’Interprovincial Steel Corp. Ltd. et, en 1960, a commencé à produire son propre acier laminé à chaud. Elle a depuis accru ses capacités de fabrication par des acquisitions et en construisant des usinesNote de bas de page 17.

[35] En janvier 2020, Canadian National Steel Corporation, une ancienne filiale d’Evraz, est devenue une division de cette dernièreNote de bas de page 18.

Marché canadien

[36] Les règles de confidentialité nous empêchent d’entrer dans le détail du volume et de la valeur de la production canadienne de gros tubes de canalisation vendus pour consommation nationale, Evraz étant le seul producteur des marchandises au pays. Par conséquent, seules les importations de gros tubes de canalisation dans la PVR sont présentées au tableau 1 ci-dessous.

Tableau 1
Imports of large line pipe during the period of review
Provenance 2018 2019 2020 1 janv.-30 juin 2021
Volume (tm) Valeur ($) Volume (tm) Valeur ($) Volume (tm) Valeur ($) Volume (tm) Valeur ($)
Chine 53 144 336 - - 18 19 411 - -
Japon 14 776 23 953 487 43 104 69 923 366 24 436 34 666 977 3 637 6 539 705
Tous les autres pays 87 721 146 681 200 252 177 369 566 658 205 457 383 010 476 59 963 90 886 090
Total des importations 102 550 170 779 023 295 281 439 490 024 229 911 417 696 864 63 600 97 425 795
Les importations et les droits perçus pour les pays non visés ont été estimés à partir des données du Système de soutien de la mainlevée accélérée des expéditions commerciales (SSMAEC) et des renseignements recueillis pendant le réexamen.

[37] The total apparent Canadian market increased in volume and value from 2018 to 2020, but the Canadian large line pipe market decreased in 2021Note de bas de page 19, when global economic activities were severely affected by the global outbreak and spread of COVID-19.

Production canadienne et utilisation de la capacité

[38] Comme pour la tendance relative au marché canadien apparent total, les ventes intérieures découlant de la production nationale du producteur canadien ont augmenté tous les ans de 2018 à 2020, avant de connaître une baisse rapide en 2021Note de bas de page 20.

[39] Evraz a fait état d’une capacité de production annuelle stable pour les gros tubes de canalisation de 2018 à 2021. Durant cette période, son taux d’utilisation de la capacité a augmenté de 2018 à 2020, mais a diminué en 2021Note de bas de page 21.

Importations

[40] Les volumes d’importation totaux ont monté en flèche de 188 % de 2018 à 2019, mais ont diminué en 2020 et en 2021, pour retomber près du niveau enregistré en 2018.

[41] Depuis la période visée par l’enquête (PVE) en dumping initiale (juillet 2014 à décembre 2015), les importations de marchandises en cause ont beaucoup diminué. Dans la PVE initiale, les importations de gros tubes de canalisation de la Chine et du Japon représentaient 34,3 % et 43,6 % du total des importations respectivement, et les importations combinées de marchandises en cause, 77,9 % de ce totalNote de bas de page 22. En comparaison, dans la PVR, elles ne représentaient que 12,4 % du total des importations et une proportion encore plus petite du marché apparent total, ce qui indique un changement dans la provenance des gros tubes de canalisation depuis l’enquête initiale.

[42] La part de marché des importations de marchandises en cause est demeurée stable en 2018 et en 2019, mais le volume de ces importations a graduellement diminué en 2020 et en 2021.

[43] Les importations des autres pays ont augmenté de 2018 à 2019, mais ont diminué en 2020 et en 2021. En termes de part de marché, elles sont demeurées stables en 2018 et en 2019, ont augmenté en 2020, et ont diminué en 2021.

Perception des droits

[44] Comme on le voit dans le tableau 2 ci-dessous, les droits antidumping et compensateurs perçus sur les importations de marchandises en cause de la Chine et du Japon dans la PVR totalisaient 150 552 $ et 48 728 233 $ respectivement. En pourcentage de la valeur en douane totale, les droits LMSI perçus sur les marchandises de la Chine et du Japon dans la PVR donnent 92 % et 36 % respectivement. Les montants perçus sur les marchandises de la Chine reflètent le très faible volume d’importations au Canada dans la PVR.

Tableau 2
Perception des droits dans la PVRNote de bas de page 23
2018 2019 2020 Janv.-juin 2021
Chine Japon Chine Japon Chine Japon Chine Japon
Volume de marchandises en cause (tm) 53 14 776 - 43 104 18 24 436 - 3 637
Valeur en douane des marchandises en cause ($) 144 336 23 953 487 - 69 923 366 19 411 34 666 977 - 6 539 705
Droits LMSI perçus ($) 126 621 9 370 696 - 27 926 705 23 931 11 430 832 - -

Parties à la procédure

[45] Le 28 septembre 2021, l’ASFC a envoyé un avis d’ouverture d’enquête de réexamen relatif à l’expiration et un QRE au producteur canadien et aux importateurs et exportateurs potentiels des marchandises en cause, ainsi qu’un QRE concernant le subventionnement au gouvernement de la Chine.

[46] Les QRE demandaient des renseignements nécessaires à la prise en compte des facteurs pertinents de réexamen relatif à l’expiration qui figurent au paragraphe 37.2(1) du Règlement sur les mesures spéciales d’importation (RMSI).

[47] Le producteur canadien, Evraz, a participé à l’enquête de réexamen relatif à l’expiration et a répondu au QRE. Son avocat a aussi déposé un mémoire et un contre-exposé en son nom.

[48] Cinq importateurs, soit Industrial Equipment Manufacturing Ltd., Cantak, Marubeni Canada, Crane Supply et Suncor Energy Inc., ont répondu à leur QRE.

[49] Deux exportateurs japonais, Marubeni et Metal One, ont répondu à leur QRE. Metal One a aussi déposé un mémoire et un contre-exposé conjointement avec son importateur lié, Cantak.

[50] L’important utilisateur canadien de gros tubes de canalisation, TCPL, a participé à la phase finale du réexamen en déposant un mémoire et un contre-exposé.

[51] Le gouvernement de la Chine n’a ni répondu à son QRE ni déposé de mémoire ou de contre-exposé.

Renseignements que l’ASFC a pris en compte

[52] Les renseignements que l’ASFC a pris en compte aux fins de l’enquête de réexamen relatif à l’expiration figurent au dossier administratif. Ce dossier contient les renseignements énumérés dans la liste des pièces justificatives de l’ASFC, laquelle comprend le dossier administratif sur lequel le TCCE a basé sa décision d’ouvrir le réexamen relatif à l’expiration, les pièces justificatives de l’ASFC, et les renseignements présentés par les parties intéressées, notamment ceux qu’elles estiment pertinents pour la décision concernant la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping ou du subventionnement si les conclusions du TCCE sont annulées. Ces renseignements peuvent être des rapports d’analystes-experts, des extraits de revues spécialisées et de journaux, des ordonnances et des conclusions rendues par les autorités au Canada ou dans un autre pays, des documents d’organismes comme l’Organisation mondiale du commerce (OMC), et des réponses au QRE présentées par le producteur canadien, les importateurs et les exportateurs.

[53] Dans toute enquête de réexamen relatif à l’expiration, l’ASFC fixe une « date de clôture du dossier » après laquelle aucun nouveau renseignement ne peut être versé au dossier administratif; ici, c’était le 17 novembre 2021. Il s’agit en effet de donner le temps aux participants de préparer leurs mémoires et leurs contre-exposés d’après ce qui se trouve au dossier administratif en date de sa clôture.

Position des parties — dumping

Parties selon qui le dumping en provenance de la Chine et du Japon risque fort de reprendre ou de se poursuivre

[54] Le producteur canadien Evraz a présenté des observations dans ses exposés au TCCE dans LE-2021-002, ses réponses au QRE, ainsi que son mémoire et son contre-exposé, à l’appui de son point de vue que le dumping des gros tubes de canalisation de la Chine et du Japon risquerait fort de reprendre ou de se poursuivre advenant l’expiration des conclusions du TCCE.

[55] Les principaux facteurs relevés par le producteur canadien peuvent se résumer comme suit :

  • La demande mondiale de gros tubes de canalisation a diminué
  • La crise de la capacité excédentaire mondiale d’acier se poursuit
  • Les mesures commerciales se multiplient dans divers pays
  • Les données sur les importations de marchandises en cause indiquent une incapacité de concurrencer à des prix non sous-évalués
  • Les producteurs en Chine et au Japon sont orientés vers l’exportation et maintiennent une présence importante au Canada
  • Les producteurs en Chine et au Japon disposent d’une capacité excédentaire importante
  • Sans protection, les producteurs de marchandises en cause devront concurrencer avec les importations de pays non visés, ce qui rend le dumping encore plus probable
  • Le Canada sera une cible de choix pour les marchandises en cause s’il n’y a pas de droits LMSI

La demande mondiale de gros tubes de canalisation a diminué

[56] Evraz indique que les conditions du marché international se sont grandement détériorées depuis les conclusions du TCCE. L’effet combiné du ralentissement de la demande mondiale de gros tubes de canalisation et des restrictions visant à endiguer la pandémie de COVID-19 a entraîné des retards et annulations de pipelines, ce qui, à son tour, a mené au nombre de kilomètres de pipelines achevés le plus faible des 25 dernières années, et a limité les marchés d’exportation possibles pour les marchandises de la Chine et du JaponNote de bas de page 24.

[57] Evraz soutient qu’en plus des retards et annulations de pipelines causés par la pandémie de COVID-19 et la crise des prix du pétrole, la demande de gros tubes de canalisation sur de grands marchés d’exportation comme les États-Unis et le Moyen-Orient demeure sous les niveaux d’avant la pandémie, ce qui limite encore les destinations d’exportation possibles pour les marchandises de la Chine et du JaponNote de bas de page 25.

[58] Evraz fait valoir qu’il est encore plus probable que les producteurs en Chine et au Japon cibleront un marché attrayant comme le Canada au cours des 12 à 24 prochains mois, vu la détérioration des conditions du marché après la pandémieNote de bas de page 26.

La crise de la capacité excédentaire mondiale d’acier se poursuit

[59] Evraz indique que la surcapacité mondiale d’acier s’est accrue depuis les conclusions du TCCE, comme en attestent les publications et les rapports de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)Note de bas de page 27.

[60] On soutient que la Chine, à titre de premier producteur d’acier au monde, soit 57 % de la production en 2020, est le principal moteur de la capacité excédentaire. Evraz fait valoir que la Chine continue de connaître une surcapacité massive, malgré les confinements et les arrêts temporaires de la production en raison des mesures visant à endiguer la pandémie en 2020Note de bas de page 28.

[61] Evraz affirme que le Japon a la troisième industrie sidérurgique au monde, laquelle dépend largement des exportations. En 2020, le Japon a exporté 29,8 millions de tonnes métriques (tm) d’acier, soit près du tiers de sa production totaleNote de bas de page 29.

Les mesures commerciales se multiplient dans divers pays

[62] Evraz souligne que les mesures commerciales prises par des pays partout au monde à l’égard des gros tubes de canalisation et de marchandises similaires, ainsi que les sauvegardes et autres droits sur l’acier imposés par de grands marchés de consommation, témoignent de la propension au dumping de la Chine et du JaponNote de bas de page 30.

[63] Evraz cite les mesures antidumping et compensatoires prises par d’autres autorités des recours commerciaux à l’égard des gros tubes de canalisation de la Chine et du Japon, et affirme que l’existence de ces mesures rend encore plus probable le détournement continu des marchandises en cause vers le CanadaNote de bas de page 31.

[64] Evraz indique que la capacité des producteurs d’exporter à l’échelle mondiale est encore limitée par la multiplication des mesures commerciales à l’égard des gros tubes de canalisation sur les principaux marchés. Par exemple, les États-Unis ont imposé des droits en vertu des articles 232 et 301 sur les produits de l’acier de la Chine, y compris les tubes de canalisation, dans la PVR. Le 26 septembre 2019, l’Unité européenne a imposé des sauvegardes définitives sous la forme de droits de 25 % sur les tubes de canalisation (entre autres produits de l’acier) provenant de divers pays, dont la Chine et le Japon, ce qui limite encore les débouchés possibles pour les marchandises de ces deux paysNote de bas de page 32.

Les données sur les importations de marchandises en cause indiquent une incapacité de concurrencer à des prix non sous-évalués

[65] On soutient qu’il y a eu une réduction spectaculaire des volumes de marchandises en cause au Canada depuis mars 2016. Evraz souligne que, dans l’enquête initiale, le TCCE a fait état d’importations totales de marchandises en cause s’élevant à 139 496 tm en 2015. En comparaison, ces importations n’ont été que de 562 tm en 2016. Même si les volumes ont augmenté au cours des années suivantes, pour atteindre un pic de 43 000 tm en 2019, ils n’ont jamais renoué avec les niveaux de 2015Note de bas de page 33.

[66] Après analyse des importations par pays et des droits perçus selon les données publiées par l’ASFC, Evraz estime que les conclusions du TCCE ont eu pour effet de réduire de façon spectaculaire le volume d’importations de marchandises en cause de la Chine, qui a atteint un niveau proche de zéro dans la PVR, le volume le plus élevé n’ayant été que de 53 tm en 2018Note de bas de page 34.

[67] Evraz conclut que la quasi-élimination des importations de marchandises en cause de la Chine sur le marché canadien après l’imposition des droits LMSI témoigne de l’incapacité totale de ces importations d’y livrer concurrence, et ajoute que les exportateurs chinois auraient recours à des prix sous-évalués et subventionnés pour reconquérir leur part de marché advenant l’expiration des conclusionsNote de bas de page 35.

[68] En ce qui concerne les gros tubes de canalisation du Japon, Evraz fait valoir que les exportateurs japonais ont des antécédents avérés de dumping au Canada depuis l’imposition des droits LMSI allant de 33 % à 39 % de la valeur en douane des marchandisesNote de bas de page 36.

[69] Evraz souligne que l’absence de droits LMSI perçus au premier semestre de 2021 n’indique pas un changement de comportement de la part du Japon, et reflète plutôt le fait que les valeurs normales établies en 2016 pour le Japon étaient largement dépassées dans la période en raison de la forte hausse du coût des matières premières de l’acier en 2020 et en 2021Note de bas de page 37.

Les producteurs en Chine et au Japon sont orientés vers l’exportation et maintiennent une présence importante au Canada

[70] Evraz indique que les producteurs chinois de gros tubes de canalisation sont fortement orientés vers l’exportation et maintiennent des bureaux de vente au Canada. Elle explique pourquoi des producteurs chinois comme BaoSteel, Panyu Chu Kong Pipe, China National Petroleum Corporation (CNPC) et Sinopec International Petroleum Exploration and Production Corporation (Sinopec) se tourneraient vers les marchés d’exportation comptant des réseaux préétablis, tels que le Canada, pour y accroître leurs ventes s’il n’y avait pas de droits LMSINote de bas de page 38.

[71] En ce qui concerne les gros tubes de canalisation du Japon, Evraz affirme que presque tous les grands producteurs d’acier japonais ont une orientation vers l’exportation manifeste et déclarée et un intérêt marqué envers le marché canadien, avec lequel ils ont des liens solides. Elle explique comment les exportateurs Sumitomo Corporation, Metal One et Marubeni maintiennent une présence au Canada par l’intermédiaire de leurs importateurs affiliés respectifs, Sumitomo Canada, Cantak et Marubeni Canada. Evraz prétend que les producteurs japonais continuent de disposer d’une capacité excédentaire suffisante pour inonder le marché canadien. Il est rapporté que JFE Steel a racheté l’entreprise canadienne Cogent afin de renforcer sa gestion de la chaîne d’approvisionnement et que Nippon Steel a formé une coentreprise avec ArcelorMittal afin de jouir d’un accès privilégié en Amérique du NordNote de bas de page 39.

Les producteurs en Chine et au Japon disposent d’une capacité excédentaire importante

[72] Evraz indique que 142 fabricants chinois sont capables de produire des tubes de canalisation API 5L, et elle fait une estimation prudente de la capacité annuelle totale minimale de la Chine à partir d’un petit sous-ensemble de fabricants qui publient les chiffres sur leur capacité de production. Evraz affirme qu’il suffirait d’une petite fraction de cette capacité excédentaire pour complètement inonder le marché canadien si les importations à prix sous-évalués et subventionnés y étaient permisesNote de bas de page 40.

[73] Evraz soutient que les producteurs japonais disposent aussi d’une capacité excédentaire massive qui est clairement destinée aux marchés d’exportation. La capacité de seuls trois producteurs japonais de gros tubes de canalisation, JFE Steel, Nippon Steel et Osaka Tokushu Kokan Mfg. Co., Ltd. (OTK), est supérieure à 1,5 million de tm. On fait valoir que l’ampleur de cette capacité est frappante lorsque comparée à la demande actuelle et future du JaponNote de bas de page 41.

Sans protection, les producteurs de marchandises en cause devront concurrencer les importations de pays non visés, ce qui rend le dumping encore plus probable

[74] Evraz affirme qu’avant l’imposition des droits LMSI en 2016, les producteurs de marchandises en cause en Chine et au Japon concurrençaient régulièrement la branche de production nationale pour des débouchés « principaux » sur le marché canadien. Les producteurs japonais ont aujourd’hui été relégués à des marchés spécialisés par suite des droits LMSINote de bas de page 42.

[75] Il ressort d’une comparaison des prix à l’importation moyens des gros tubes de canalisation du Japon avec les prix à l’importation canadiens moyens entre 2018 et 2020 que les producteurs japonais ont la capacité de concurrencer et de casser les bas prix existants des importations de pays tiers. Au premier semestre de 2021, les importations de pays non visés ont remplacé les importations de marchandises en cause à titre de chefs de file en matière de prix sur le marché canadien. Evraz fait valoir que les producteurs chinois et japonais de gros tubes de canalisation devront casser les prix des chefs de file pour reconquérir leur part de marchéNote de bas de page 43.

Le Canada sera une cible de choix pour les marchandises en cause s’il n’y a pas de droits LMSI

[76] Selon Evraz, le Canada demeure un marché attrayant à l’échelle mondiale, se classant troisième pour le nombre de kilomètres de pipelines et septième pour les longueurs de pipelines planifiées et annoncées de 2021 à 2025. Evraz s’attend à ce que cinq nouvelles demandes de propositions soient accordées au cours des 24 prochains mois, représentant jusqu’à 748 000 tm de gros tubes de canalisationNote de bas de page 44.

[77] Evraz répète que les producteurs chinois et japonais possèdent des réseaux de vente établis au Canada, et ont continué d’y faire le dumping des marchandises en cause dans la PVR. On soutient que les données de Statistique Canada, d’IHS Markit et des douanes japonaises pour les codes de classement tarifaire 7305.11 et 7305.19 indiquent que le Canada est demeuré l’une des cinq premières destinations d’exportation pour les gros tubes de canalisation de la Chine et du Japon tout au long des cinq dernières annéesNote de bas de page 45.

Parties selon qui le dumping en provenance de la Chine et du Japon ne risque pas de reprendre ou de se poursuivre

[78] Les parties ci-dessous soutiennent que le dumping en provenance du Japon ne risque pas de reprendre ou de se poursuivre :

  • Les importateurs Marubeni Canada et Cantak
  • L’utilisateur final canadien TCPL
  • L’exportateur japonais Metal One

[79] Marubeni Canada a présenté des observations dans sa réponse au QRE, TCPL a déposé un mémoire et un contre-exposé, et Metal One a déposé conjointement avec Cantak une réponse au QRE, un mémoire et un contre-exposé, à l’appui de leur point de vue que le dumping des gros tubes de canalisation du Japon ne risquerait pas de reprendre ou de se poursuivre advenant l’expiration des conclusions du TCCE.

[80] TCPL est la seule partie affirmant que l’expiration des conclusions du TCCE ne risque pas de faire reprendre ou se poursuivre le dumping et le subventionnement des marchandises en cause de la Chine, mais n’a pas présenté d’arguments ou d’éléments de preuve à l’appui.

[81] Les principaux facteurs relevés par les parties adverses peuvent se résumer comme suit :

  • Il revient à Evraz de donner des éléments de preuve positifs de la vraisemblance de la reprise du dumping et/ou du subventionnement
  • Les éléments de preuve du dumping des marchandises en cause par les producteurs de la Chine et du Japon sont insuffisants et ne respectent pas la norme de preuve exigée
  • Les données sur la perception des droits de l’ASFC ne tiennent pas compte des droits antidumping compensés par les remises sur les marchandises du Japon
  • La capacité des producteurs au Japon de fabriquer les marchandises en cause a diminué

Il revient à Evraz de donner des éléments de preuve positifs

[82] Selon TCPL, il revient absolument à Evraz de montrer que l’expiration des conclusions risquerait fort de faire reprendre ou se poursuivre le dumping et/ou le subventionnement des marchandises en cause. Sont mentionnées les décisions du TCCE dans les affaires Blocs-ressorts pour matelas et Chaussures étanches en caoutchouc ainsi que la décision de l’Organe d’appel de l’OMC dans États-Unis — Réexamens à l’extinction des mesures antidumping visant les produits tubulairesNote de bas de page 46.

[83] De même, Metal One et Cantak soutiennent que la décision concernant l’expiration doit se fonder sur un examen objectif des éléments de preuve positifs et non sur de simples allégations ou conjectures. On fait valoir que la plus grande partie des éléments de preuve donnés par Evraz à l’appui de son affirmation que le dumping dommageable risque fort de reprendre ne respecte pas cette normeNote de bas de page 47.

Les éléments de preuve sont insuffisants et ne respectent pas la norme exigée

[84] TCPL insiste pour dire qu’il n’y a pas d’éléments de preuve positifs de la reprise du dumping malgré les circonstances actuelles très différentes de celles en vigueur lorsque le TCCE a rendu ses conclusions en 2016. Ces nouvelles circonstances comprennent les suivantesNote de bas de page 48 :

  • L’un des deux fabricants japonais a complètement fermé son usine de production des marchandises en cause, ce qui a grandement réduit la capacité et la quantité d’exportations pouvant être expédiées vers le Canada;
  • Le niveau global d’exportations vers le Canada est à la baisse depuis les conclusions, et les exportations qui se sont poursuivies répondaient à des demandes très précises d’utilisateurs canadiens tant sur le plan des spécifiations techniques que celui des délais de livraison;
  • Evraz ne peut produire la plus grande partie des marchandises en cause qui ont été exportées du Japon pour utilisation dans des applications à basse température et des épaisseurs de paroi plus grandes que celles fabriquées par elle-même;
  • Le ministère des Finances a approuvé nombre de demandes de remise pour des produits importés du Japon en raison de l’incapacité d’Evraz de fabriquer certains types de marchandises en cause;
  • La demande de marchandises en cause au Canada dans un avenir prévisible est limitée, ce qui réduit les exportations de marchandises en cause de l’usine japonaise; et
  • L’incapacité d’Evraz de produire et de concurrencer sur le marché canadien s’explique par des difficultés financières causées par le ralentissement mondial de la demande pour les marchandises en cause et le nombre limité de projets de construction de pipelines au Canada.

Les données sur la perception des droits ne tiennent pas compte des droits antidumping compensés par les remises sur les marchandises du Japon

[85] Metal One et Cantak prétendent qu’en théorie, le dumping s’est limité aux produits sur lesquels une remise a été accordée avec le consentement d’EvrazNote de bas de page 49, et que les remises visaient des importations de marchandises en cause qui auraient dû être exclues des conclusions initialesNote de bas de page 50.

[86] Selon Metal One et Cantak, de nombreux éléments de preuve indiquent que JFE Steel s’est concentrée sur des produits qu’Evraz ne peut fabriquer, ne fabrique pas, ou ne peut fabriquer qu’avec difficultéNote de bas de page 51. On soutient que JFE Steel, Metal One et Cantak n’ont aucune raison de revenir sur le marché des gros tubes de canalisation normalisés, qui est dominé par des produits à bas prixNote de bas de page 52.

La capacité des producteurs au Japon de fabriquer les marchandises en cause a diminué

[87] Metal One et Cantak affirment que la capacité des producteurs au Japon de fabriquer les marchandises en cause a diminué par suite de la décision du premier producteur, Nippon Steel Corporation, d’en cesser la fabricationNote de bas de page 53. Elles soutiennent que la capacité réduite au Japon, qui sera destinée à l’éventail de marchés traditionnels, limitera les exportations possibles vers le CanadaNote de bas de page 54.

[88] Metal One et Cantak sont d’avis que JFE Steel aura du mal à répondre à la demande des clients mondiaux, ce qui réduira probablement la concurrence au niveau des prix puisque l’usine devrait tourner à un rythme soutenu. On soutient qu’en ce qui a trait au Canada, le Japon continue de se concentrer sur les produits d’acier spécialisés et les petites commandes qui seraient rejetés par le fournisseur nationalNote de bas de page 55.

Considération et analyse — dumping

[89] Quand elle décide au titre de l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI si, selon toute vraisemblance, l’annulation des conclusions entraînera la poursuite ou la reprise d’un dumping, l’ASFC peut prendre en compte tous les facteurs pertinents dans les circonstances, sans se limiter à ceux du paragraphe 37.2(1) du RMSI.

[90] Guidée par les facteurs susmentionnés et tenant compte du dossier administratif, l’ASFC a analysé la question du dumping dans l’enquête de réexamen relatif à l’expiration qui nous intéresse. La liste suivante résume son travail d’analyse :

  • Vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping — facteurs communs pour la Chine et le Japon
    • La surcapacité mondiale d’acier
    • Les conditions du marché mondial
    • L’attrait du marché canadien
    • Les mesures commerciales au Canada et ailleurs
  • Vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping — facteurs propres à la Chine
    • La capacité d’acier en Chine
    • Les conditions du marché en Chine
    • Le dumping des gros tubes de canalisation de la Chine
    • Les importations de gros tubes de canalisation de la Chine
    • L’orientation vers l’exportation des producteurs chinois de gros tubes de canalisation et leur présence au Canada
  • Vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping — facteurs propres au Japon
    • La capacité d’acier au Japon
    • Les conditions du marché au Japon
    • Le dumping des gros tubes de canalisation du Japon
    • Les importations de gros tubes de canalisation du Japon
    • L’orientation vers l’exportation des producteurs et exportateurs japonais de gros tubes de canalisation et leur présence au Canada

[91] Comme nous l’avons déjà vu, l’ASFC a reçu une réponse à son QRE de la part d’Evraz, cinq réponses de la part d’importateurs et deux réponses de la part d’exportateurs japonais. Elle a aussi reçu des mémoires et des contre-exposés de la part d’Evraz, de Metal One et de TCPL. L’ASFC s’est fiée aux réponses au QRE et aux renseignements présentés par ces parties ainsi qu’aux autres renseignements au dossier administratif pour la présente enquête de réexamen relatif à l’expiration.

Vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping — facteurs communs pour la Chine et le Japon

La surcapacité mondiale d’acier

[92] Comme l’a souligné l’ASFC dans sa récente enquête de réexamen relatif à l’expiration concernant les fournitures tubulaires pour puits de pétrole (FTPP), la production d’acier est à forte intensité capitalistique et à frais fixes élevés. Ainsi, pour maintenir des taux élevés d’utilisation de la capacité et recouvrer leurs frais fixes, les producteurs peuvent se tourner vers les marchés d’exportation lorsque la demande sur le marché intérieur ne permet pas d’absorber la productionNote de bas de page 56. L’ASFC estime qu’il y a toujours un risque que les producteurs de l’industrie sidérurgique vendent leur excédent sur les marchés extérieurs à des prix moindres, plutôt que de réduire leur production, en cas de surcapacité.

[93] Selon l’OCDE, la capacité mondiale de fabrication d’acier brut a augmenté pour se chiffrer à plus de 2 453 millions de tm en 2020. Les renseignements disponibles semblent indiquer que, malgré une réduction de 2015 à 2018, 2020 serait la deuxième année consécutive de hausses lorsqu’il est tenu compte des ajouts et des fermetures. L’OCDE affirme que l’écart entre la production et la capacité mondiales s’est rétréci de 2016 à 2019 en raison de fortes hausses de la production et de modestes baisses de la capacité, et qu’il s’est grandement creusé pour passer de 569 millions de tm en 2019 à 625 millions de tm en 2020Note de bas de page 57.

[94] Puisque l’offre continue de dépasser la demande, il est probable que la surcapacité exercera une pression sur les prix de divers produits et encouragera encore les producteurs d’acier à chercher des marchés d’exportation.

Les conditions du marché mondial

Baisses de la demande mondiale de gros tubes de canalisation

[95] Selon l’OCDE, les perspectives de croissance mondiale se sont améliorées depuis le plus fort de la crise de la COVID-19, qui a fait chuter la production au premier semestre de 2020 avec la prise de mesures de confinement strictes visant à ralentir la propagation du virus. Malgré une amélioration récente, les perspectives économiques demeurent exceptionnellement incertainesNote de bas de page 58.

[96] Les conditions du marché mondial des gros tubes de canalisation se sont grandement détériorées dans la PVR. L’effet combiné du ralentissement de la demande mondiale et des restrictions visant à endiguer la pandémie de COVID-19 a entraîné des retards et annulations de pipelines, ce qui, à son tour, a mené au nombre de kilomètres de pipelines achevés le plus faible des 25 dernières annéesNote de bas de page 59, et a limité les marchés d’exportation possibles pour les marchandises de la Chine et du JaponNote de bas de page 60.

[97] Comme on le voit dans le tableau ci-dessousNote de bas de page 61, Global Energy Monitor fait état d’une tendance à la baisse globale de la construction de pipelines dans le monde depuis 1996, qui a atteint un creux en 2020. On s’attend à ce que la construction de pipelines dans le monde ne renoue jamais avec les niveaux d’avant la pandémie, et à ce que les changements d’attitude à l’égard de l’environnement aient un effet durable sur les projets de pipelinesNote de bas de page 62.

Tableau 1 : Kilomètres d’oléoducs et de gazoducs mondiaux
Tableau 1 : Kilomètres d’oléoducs et de gazoducs mondiaux de 1996 à 2020

[98] GlobalData Energy s’attend à ce que le nombre de kilomètres de pipelines achevés dans le monde de 2021 à 2025 totalise environ 85 711Note de bas de page 63, ce qui ne représente que 59 % des 145 000 kilomètresNote de bas de page 64 de pipelines devant être achevés de 2014 à 2018 au moment de l’enquête initiale du TCCE. De même, Rystad Energy indique que les investissements mondiaux dans l’exploration pétrolière et gazière en amont, d’environ 530 milliards de dollars en 2019, ont diminué pour se chiffrer à 382 milliards de dollars en 2020 et ne devraient augmenter que légèrement, à 390 milliards de dollars, en 2021Note de bas de page 65.

[99] Les renseignements disponibles au dossier administratif indiquent que certains des principaux projets de pipelines ont été retardés ou annulésNote de bas de page 66, en raison notamment de l’effondrement des cours du pétrole causé par les mesures visant à endiguer la COVID-19 et la guerre des prix entre la Russie et l’Organisation des pays exportateurs de pétrole en 2020. Metal One fait savoir que la demande a été très limitée dans la PVR, par rapport à la normale, en raison de la mise en suspens de nombreux projets d’envergureNote de bas de page 67, ce qui a entraîné la poursuite de la baisse de la demande mondiale de gros tubes de canalisation en 2021Note de bas de page 68.

Réduction de la demande de gros tubes de canalisation sur les principaux marchés d’exportation

[100] Comme pour les tendances susmentionnées de la demande mondiale globale, la demande de gros tubes de canalisation sur les principaux marchés d’exportation demeure sous les niveaux d’avant la pandémie, ce qui limite encore les destinations d’exportation possibles.

[101] Selon un rapport de World Atlas, les États-Unis, le premier marché mondial pour les pipelines, comptent quatre fois plus de kilomètres de pipelines que la longueur totale combinée des trois principaux marchés suivants, soit la Russie, le Canada et la ChineNote de bas de page 69. Donc, une réduction de la demande aux États-Unis signifie un ralentissement de la construction de pipelines dans le monde, qui obligerait les producteurs en Chine et au Japon à concurrencer pour un nombre limité de ventes.

[102] Dans son rapport de 2020 sur le pétrole, l’Agence internationale de l’énergie indique que le taux de croissance de la production pétrolière aux États-Unis ralentit, alors que les producteurs indépendants réduisent leurs dépenses et forages en réponse à la pression des investisseursNote de bas de page 70. American Metal Market indique que la demande de gros tubes de canalisation, résiliente en raison des longs délais associés aux projets de pipelines, a été touchée par l’annonce d’un nombre moindre de nouveaux projets en 2020 et au début de 2021Note de bas de page 71.

[103] Le Moyen-Orient a aussi connu son plus fort ralentissement économique en 2020 en raison de la faiblesse des cours du pétrole et de la réduction de la demandeNote de bas de page 72. Selon les dernières prévisions du Fonds monétaire international, après un ralentissement de 2,8 % en 2020, l’économie du Moyen-Orient ne devrait connaître qu’un léger redressement de 4,1 % en 2021 et en 2022Note de bas de page 73.

[104] Plusieurs projets de pipelines au Moyen-Orient ont été retardés en raison de la pandémie, ce qui aura inévitablement une grande incidence sur la demande mondiale de tubes de canalisation puisque ce marché régional représente 48 % des réserves mondiales avérées de pétrole et 38 % de celles de gaz naturel, et est donc important pour les gros tubes de canalisationNote de bas de page 74. L’information au dossier indique qu’en mai 2020, la construction du pipeline entre l’Irak et la Jordanie a été retardée indéfiniment jusqu’à la fin de la pandémieNote de bas de page 75. En août 2020, la société d’énergie BP a annoncé une réduction de 40 % de sa production pétrolière et gazière d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2019, tandis que Shell a annoncé une réduction prévue de 40 % de son budget d’exploration et de développement pétroliers et gaziersNote de bas de page 76.

[105] Ces changements négatifs sur les grands marchés, tels les États-Unis et le Moyen-Orient, dénotent une réduction de la demande mondiale de gros tubes de canalisation, qui a entraîné une surcapacité, a fait croître la pression sur les prix, et pourrait mener à une reprise du dumping des marchandises en cause advenant l’expiration des conclusions du TCCE.

L’attrait du marché canadien

[106] Malgré les difficultés susmentionnées pour le marché mondial des gros tubes de canalisation, le Canada demeure un marché attrayant pour les producteurs d’autres pays. Dans la PVR, même si le volume a grandement diminué, les importations des pays autres que la Chine et le Japon représentaient environ la moitié de tout le marchéNote de bas de page 77.

[107] Dans la PVR, la demande de gros tubes de canalisation au Canada a augmenté de 2018 à 2020, sauf au premier semestre de 2021Note de bas de page 78. Malgré l’effondrement des cours du pétrole et les répercussions négatives sur son industrie pétrolière et gazière, le Canada demeure un marché attrayant pour les gros tubes de canalisation. Selon World Atlas, le Canada se classe troisième au monde pour le nombre de kilomètres de pipelines et septième pour les longueurs de pipelines planifiées et annoncées de 2021 à 2025Note de bas de page 79.

[108] En ce qui concerne les forages, l’information au dossier administratif indique une amélioration au Canada après le creux connu en juin 2020, alors que le nombre de forages pétroliers et gaziers dans le monde a continué de diminuerNote de bas de page 80. Par ailleurs, l’information au dossier semble indiquer une amélioration du marché mondial des gros tubes de canalisation en 2021. Metal One fait savoir que le marché s’est amélioré et que les prix ont rapidement augmenté en 2021 avec le retour de certains projets mis en suspens et la relance des activités d’approvisionnementNote de bas de page 81.

[109] Même si le marché canadien des gros tubes de canalisation a fait face à des conditions difficiles dans la PVR, les prévisions pour la demande et les prix laissent entrevoir une reprise dans l’industrie, ce qui vient appuyer l’attrait du marché. Compte tenu de l’attrait du marché canadien, de la forte capacité excédentaire sur les marchés mondial et intérieur, et du fait que les producteurs se font généralement concurrence en fonction du prix, il y a toujours un risque que les gros tubes de canalisation soient vendus aux clients canadiens à des prix sous-évalués.

Les mesures commerciales au Canada et ailleurs

[110] Par le passé, la Chine a fait le dumping de produits tubulaires en acier sur le marché canadien. En atteste le nombre de conclusions antidumping en vigueur à l’égard de produits tubulaires en acier de la Chine. En plus des marchandises en cause, l’ASFC a pris des mesures antidumping à l’égard des tubes de canalisation en acier au carbone et en acier allié, des FTPP, des tiges de pompage, des tubes soudés en acier au carbone, des caissons sans soudure, des tubes en acier pour pilotis et des joints de tubes courtsNote de bas de page 82.

[111] Les États-Unis, qui sont le premier partenaire commercial de la Chine et le deuxième du Japon pour l’ensemble des produitsNote de bas de page 83, sont aussi le premier marché mondial des gros tubes de canalisation en raison de leur vaste réseau de pipelines. Les États-Unis ont imposé des droits antidumping et compensateurs sur les gros tubes de canalisation et tubes en acier de la Chine, et des droits antidumping sur les gros tubes de canalisation du Japon. Une liste de ces mesures est présentée au tableau 3 ci-dessous.

Tableau 3
Mesures à l’égard des gros tubes de canalisation et tubes en acier de la Chine et du Japon dans d’autres paysNote de bas de page 84
Membre prenant la mesure Pays visé Type de mesure Marchandises en cause Date du renouvellement Taux de droits
États-Unis Chine AD Tubes en acier circulaires soudés de qualité carbone Juin 2019 85,55 %
États-Unis Chine Compens. Tubes en acier circulaires soudés de qualité carbone Juin 2019 37,22 %
États-Unis Chine AD Tubes de canalisation en acier circulaires soudés de qualité carbone Septembre 2019 101,10 %
États-Unis Chine Compens. Tubes de canalisation en acier circulaires soudés de qualité carbone Septembre 2019 36,35 %
États-Unis Chine AD Tubes soudés à gros diamètre Janvier 2019 132,63 %
États-Unis Japon AD Tubes de canalisation soudés à gros diamètre Octobre 2019 30,80 %

[112] En plus des mesures en vigueur à l’égard des gros tubes de canalisation et tubes en acier de la Chine et du Japon, l’information au dossier indique que les autorités d’enquête d’autres pays ont pris 11 mesures antidumping à l’égard de produits tubulaires en acier connexes de la Chine, qui peuvent être fabriqués à l’aide de matériel identique ou similaireNote de bas de page 85.

Tableau 4
Mesures antidumping à l’égard des produits de tubes de canalisation de la Chine dans d’autres pays
Pays ou région prenant la mesure antidumping Description des marchandises en cause
Mexique Tubes en acier sans soudure
Brésil Tubes de canalisation
Brésil Tubes de canalisation sans soudure en fer ou en acier pour les oléoducs et gazoducs
Mexique Tubes en acier sans soudure
Inde Tubes, tuyaux et profilés creux sans soudure en fer
Turquie Tuyaux et tubes sans soudure en fer et en acier
Union européenne Tuyaux et tubes sans soudure en fer ou en acier, de section circulaire, d’un diamètre extérieur de plus de 406,4 mm
Thaïlande Tuyaux et tubes en fer et en acier
Argentine Tubes en acier du type utilisé dans les oléoducs et gazoducs
Mexique Tubes en acier au carbone et en acier allié
Ukraine Tubes en acier sans soudure à haute adhérence

[113] Les nombreuses mesures en vigueur au Canada et ailleurs témoignent de la propension des exportateurs chinois et japonais à faire le dumping des gros tubes de canalisation et autres produits tubulaires en acier connexes. L’existence de ces mesures commerciales accroît la probabilité du détournement continu des marchandises en cause vers le Canada.

[114] La capacité des producteurs d’exporter à l’échelle mondiale est encore limitée par d’autres mesures commerciales, comme les droits et les sauvegardes sur les produits de l’acier de la Chine et du Japon, tels les gros tubes de canalisation, en vigueur sur les principaux marchés mondiaux.

[115] Le 23 mars 2018, en vertu de l’article 232 de la Trade Expansion Act de 1962, les États-Unis ont imposé des droits de 25 % sur les importations de produits de l’acier, dont les gros tubes de canalisation, de presque tous les pays, y compris la Chine et le JaponNote de bas de page 86. De plus, le 20 août 2019, en vertu de l’article 301 de la Trade Act de 1974, les États-Unis ont imposé d’autres droits (cumulatifs) de 15 % sur les produits de l’acier de la Chine, y compris les gros tubes de canalisation, à compter du 1 septembre 2019, lesquels ont été réduits, à 7,5 %, à compter du 14 février 2020Note de bas de page 87.

[116] En d’autres mots, en plus des droits antidumping et compensateurs sur les gros tubes de canalisation de la Chine, présentés au tableau 2, les exportateurs chinois font face à d’autres droits combinés de 32,5 % en vertu des articles 232 et 301 sur leurs ventes aux États-Unis. Les gros tubes de canalisation de la Chine sont dans les faits interdits d’accès aux États-Unis, le premier importateur de produits tubulaires soudés au mondeNote de bas de page 88, ce qui limite les débouchés pour la production chinoise et accroît la probabilité du détournement de ces marchandises vers d’autres pays, dont le Canada. Même si les tubes de canalisation du Japon ne sont pas assujettis à d’autres droits antidumping cumulatifs en vertu de l’article 301, la combinaison des droits au titre de l’article 232 et des droits antidumping susmentionnés rend aussi le marché américain difficile d’accès pour les exportateurs japonais, ce qui crée une probabilité de détournement analogue.

[117] L’existence de ces mesures commerciales limite encore l’accès aux marchés pour les gros tubes de canalisation de la Chine et du Japon, ce qui fait croître le risque de détournement vers le Canada. L’élimination des mesures antidumping et compensatoires en vigueur au Canada, qui ont grandement limité les importations de marchandises en cause dans la PVE, risquerait fort de faire augmenter les expéditions vers le Canada à des prix sous-évalués.

Vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping — facteurs propres à la Chine

La capacité d’acier en Chine

Production et capacité

[118] La surcapacité dans l’industrie sidérurgique chinoise est un problème bien connu depuis un certain nombre d’années, notamment tout au long de la PVR. La capacité de fabrication d’acier de la Chine, la plus importante au monde, représentant 47,2 % de la capacité mondiale, a augmenté en 2019 et en 2020 après une période de baisse. Elle a atteint 1 157,1 millions de tm en 2020 avec une augmentation globale de 2,9 % de 2018 à 2020Note de bas de page 89.

[119] Les éléments de preuve au dossier indiquent qu’en plus de disposer de la plus importante capacité de fabrication d’acier, la Chine est le premier producteur au monde, représentant 57,6 % de la production totale en 2020Note de bas de page 90. Par ailleurs, sept des dix premières sociétés productrices d’acier au monde ont leur siège en Chine. Par exemple, Baowu Iron and Steel Co. (Baowu Steel), un producteur chinois de gros tubes de canalisation et d’autres produits de l’acier, est le premier producteur mondialNote de bas de page 91. Une liste des dix premiers producteurs chinois contient plusieurs sociétés fabriquant des tubes en acierNote de bas de page 92. Bien que la Chine soit déjà le premier producteur d’acier, les données sur la production d’acier brut de 2010 à 2020 publiées par la World Steel Association (WSA) indiquent que la production chinoise a continué d’augmenterNote de bas de page 93.

[120] Le dossier administratif contient des renseignements sur certains plans, politiques et mesures du gouvernement de la Chine qui ont pour but déclaré de réduire la production et/ou la capacité d’acier. Par exemple, un plan provisoire du ministère de l’Industrie et de la Technologie de l’information viserait à resserrer la capacité au moyen d’un programme d’échange de capacités dans certaines régions. La Chine a affirmé avoir réduit sa capacité installée de fabrication d’acier de 150 millions de tm de 2016 à 2018 dans le cadre de ce planNote de bas de page 94. L’OCDE a aussi publié une liste de fermetures d’usines en 2019 : six des dix sociétés concernées se trouvaient en ChineNote de bas de page 95.

[121] Malgré les engagements répétés de la Chine à régler le problème de surcapacité, le scepticisme demeure en ce qui a trait à sa volonté et à sa capacité de le faire vraiment. Par exemple, plusieurs sources craignent que le programme d’échange de capacités de la Chine ait pour effet d’accroître la capacité globale, au fur et à mesure que le matériel désuet est remplacé par une technologie plus efficienteNote de bas de page 96.

[122] Il est clair que, par le passé, la production d’acier a dépassé la consommation en Chine :

Tableau 5
Production et consommation d’acier en Chine (millions de tm)Note de bas de page 97
  2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021
Production 577,1 638,7 702,0 731,0 822,0 822,8 798,8 808,4 831,7 922,8 992,9 1001 1053
Consommation apparente 576,3 615,2 671,6 691,7 776,5 746,2 701,8 715,2 772,2 870,1 946,2 907,5 980,1

[123] De l’avis de l’ASFC, il est probable que la combinaison de facteurs décrite ci-dessus entraîne une surproduction d’acier et une surcapacité continue. Aussi, puisque l’offre continue de dépasser la demande, il est probable qu’une pression sera exercée sur les prix de divers produits de l’acier et que les producteurs chinois seront encore encouragés à chercher des marchés d’exportation.

Les conditions du marché en Chine

[124] Vu la demande réduite sur le marché mondial et la surcapacité en Chine après la pandémie, il est probable que les producteurs chinois cibleraient un marché attrayant comme le Canada pour obtenir chaque vente possible advenant l’expiration des conclusions du TCCE.

[125] Même si la demande intérieure de gros tubes de canalisation en Chine devrait augmenter au cours des 24 prochains mois, cela fera peu de différence pour la consommation nationale de la capacité excédentaire totale au cours de la même période. La Chine devrait étendre son réseau de pipelines de 2021 à 2025, pour ajouter de 17 000 à 32 800 kilomètres d’oléoducs et de gazoducs en cinq ansNote de bas de page 98. La demande intérieure annuelle de gros tubes de canalisation en Chine serait d’environ 1,85 million de tm de 2021 à 2025Note de bas de page 99.

[126] L’information au dossier indique que 142 fabricants chinois sont capables de produire des tubes de canalisation API 5LNote de bas de page 100. La capacité de production de gros tubes de canalisation en Chine a été estimée à 70 millions de tm, par extrapolation des 20,5 millions de capacité de production déclarés par 40 fabricants chinoisNote de bas de page 101.

[127] Selon une estimation très prudente se fondant sur cette capacité annuelle de 20,5 millions de tm, les producteurs chinois de gros tubes de canalisation disposeront d’au moins 18,7 millions de tm en sus de la demande intérieure par année jusqu’en 2025. Cette demande intérieure annuelle est nettement inférieure à la capacité totale des 40 sociétés pour lesquelles des renseignements sont disponibles, sans parler de la capacité de l’ensemble de l’industrie chinoise des gros tubes de canalisation.

[128] Vu les conditions du marché en Chine, où il existe une offre excessive de gros tubes de canalisation, l’ASFC estime qu’il est probable que les producteurs chinois continueraient de chercher à exporter leurs produits au Canada s’il n’y avait pas les conclusions du TCCE.

Le dumping des gros tubes de canalisation de la Chine

[129] Il y a dumping lorsque les prix à l’exportation des marchandises en cause sont inférieurs aux valeurs normales. Les droits LMSI perçus tout au long de la PVR sont présentés dans la partie Perception des droits du présent rapport. L’information indique que, dans la PVR, il y a eu dumping sur le marché canadien des marchandises en cause de la Chine et du Japon.

[130] Comme on le voit dans le tableau 6 ci-dessous, des droits LMSI de 150 552 $ ont été perçus sur 70 tm d’importations de marchandises en cause de la Chine dans la PVR. Les droits LMSI perçus représentent environ 92,9 % de la valeur en douane, ce qui indique que la plus grande partie des marchandises en cause de la Chine continuent de faire l’objet d’un dumping.

[131] Le fait que des droits LMSI ont été perçus sur les importations de marchandises en cause dans la PVR, malgré le très faible volume d’importations, témoigne d’une incapacité des exportateurs chinois de vendre à des prix non sous-évalués.

Tableau 6
Importations de marchandises en cause de la Chine dans la PVR
Droits LMSI sur les marchandises de la Chine 2018 2019 2020 Janv.-juin 2021 Total
Volume de marchandises en cause (tm) 53 - 18 - 71
Valeur en douane des marchandises en cause ($) 144 336 - 19 411 - 163 747
Droits LMSI perçus ($) 126 621 - 23 931 - 150 552

Les importations de gros tubes de canalisation de la Chine

[132] Les importations de marchandises en cause de la Chine, qui représentaient 34,3 % du total des importations dans la PVE en dumping initialeNote de bas de page 102, ont connu une réduction spectaculaire pour se chiffrer à 0,01 % seulement de ce total, et à près de 0 % du marché canadien total dans la PVRNote de bas de page 103. Comme on le voit dans le tableau 6, les conclusions du TCCE ont eu pour effet de réduire de façon spectaculaire les importations de marchandises en cause de la Chine, qui ont atteint un niveau proche de zéro dans la PVR, le volume le plus élevé n’ayant été que de 53 tm en 2018.

[133] La quasi-élimination des importations de marchandises en cause de la Chine sur le marché canadien témoigne de l’effet des mesures LMSI, et de l’incapacité ou du refus de la plupart des exportateurs d’y livrer concurrence à des prix non sous-évalués et non subventionnés. Par ailleurs, les droits LMSI perçus sur les gros tubes de canalisation de la Chine dans la PVR indiquent que les marchandises ont été sous-évaluées et/ou subventionnées.

L’orientation vers l’exportation des producteurs chinois de gros tubes de canalisation et leur présence au Canada

[134] L’information au dossier confirme que les producteurs de gros tubes de canalisation en Chine continuent d’être orientés vers l’exportation et de s’intéresser au marché canadien, comme en attestent les politiques et plans du gouvernement, les volumes d’exportation et les stratégies de commercialisation et de vente de la Chine.

Politiques et plans en Chine

[135] Diverses initiatives du gouvernement de la Chine mettent l’accent sur les exportations en général et sur l’acier en particulier. Par exemple, dans son 13e plan quinquennal (2016-2020), le gouvernement définit la sidérurgie comme une industrie clé dans laquelle il encourage plus de matériel, de technologies, de normes et de services en vue de la mondialisationNote de bas de page 104. Le 13e plan quinquennal vise aussi à rehausser le commerce extérieur au moyen d’une transformation vers des exportations de meilleure qualité qui commandent des prix plus élevés, tout en consolidant et en améliorant les forces traditionnelles. Le gouvernement affirme qu’il favorisera la diversification, en augmentant la proportion de marchés émergents et en maintenant la part de marchés traditionnelsNote de bas de page 105.

[136] En réponse à la pandémie de COVID-19 et à son incidence sur les économies nationales, le ministère des Finances de la Chine a annoncé en mars 2020 une hausse des remboursements de la taxe sur plus de 1 000 produits destinés à l’exportationNote de bas de page 106. Dans le cas des tubes en acier allié et en acier, y compris ceux pour les oléoducs et les gazoducs, le remboursement de la taxe est passé à 13 %Note de bas de page 107. Malgré les rumeurs d’une réduction des remboursements de la taxe à l’exportation, aucune confirmation en ce sens n’était encore venue du gouvernement central en avril 2021Note de bas de page 108. Avec des remboursements plus importants, les exportateurs des marchandises en cause seront davantage enclins à réduire leurs prix pour améliorer leur compétitivité internationale. Les initiatives, politiques et plans gouvernementaux susmentionnés encouragent le comportement en matière d’exportation et soulignent l’importance de l’acier, dont les gros tubes de canalisation, pour l’économie chinoise.

Orientation vers l’exportation des producteurs chinois

[137] La Chine exporte de l’acier vers plus de 200 pays et territoires, ce qui représente environ 15 % de tout l’acier exporté dans le monde en 2019, et près du double du deuxième exportateur mondial, le JaponNote de bas de page 109.

[138] La Chine a maintenu un excédent commercial des produits de l’acier pendant la majeure partie de la dernière décennie, ses exportations d’acier ayant systématiquement augmenté de 2009 à 2015Note de bas de page 110. Malgré une tendance à la baisse de ses exportations d’acier depuis 2016, la Chine est demeurée le premier exportateur mondial, avec 47 millions de tm en 2020 seulementNote de bas de page 111. La Chine a aussi été le premier exportateur de produits d’acier semi-finis et finis dans la période, les produits tubulaires comptant pour 12,6 % du total des exportations d’acierNote de bas de page 112.

[139] Selon la décision définitive rendue par l’International Trade Commission des États-Unis en janvier 2019, la Chine avait exporté plus de 1,22 million de tonnes américaines de gros tubes de canalisation par année de 2015 à 2017 vers d’autres pays, le Canada étant la première destination, avec 10,1 % de ce totalNote de bas de page 113.

[140] En plus du volume élevé d’exportations de produits de l’acier, dont les gros tubes de canalisation, l’information au dossier semble indiquer que les producteurs en Chine ont maintenu un intérêt envers le marché canadien.

[141] Panyu Chu Kong Pipe, un grand fabricant et exportateur de tubes en acier soudés longitudinaux en Chine qui a fourni des renseignements limités dans l’enquête initiale, désigne l’Amérique du Nord comme l’une de ses destinations d’exportation sur son site WebNote de bas de page 114. En particulier, Panyu Chu Kong Pipe possède un réseau établi au Canada, ayant vendu des gros tubes de canalisation à divers clients et projets de pipelines canadiens, y compris Canadian Natural Resources, Shell Canada, Suncor et SyncrudeNote de bas de page 115.

[142] CNPC, le premier producteur et fournisseur de pétrole en Chine et un fournisseur mondial de tubes de canalisation, participe à des projets d’exploration pétrolière et gazière au Canada depuis 1992. Ses investissements actuels comprennent les projets de sables bitumineux MacKay River et Dover, le projet LNG Canada, le projet de gaz de schiste Duvernay, le projet de gaz de réservoir étanche Groundbirch et le pipeline Grand RapidsNote de bas de page 116. Fait important, même durant la pandémie, CNPC a continué de participer aux projets d’exploration pétrolière et gazière et de construction de pipelines au Canada, ayant achevé le tiers du projet LNG Canada selon son rapport annuel 2020Note de bas de page 117. Avec une capacité de production annuelle de 1,3 million de tm de tubes soudés à l’arc sous flux en poudre hélicoïdal/en spirale (HSAW) et de 150 000 tm de tubes soudés à l’arc sous flux en poudre longitudinal (LSAW), CNPC aurait la capacité et les réseaux nécessaires pour expédier des volumes croissants vers le marché canadien advenant l’expiration des conclusionsNote de bas de page 118.

[143] Dans le même ordre d’idées, Sinopec, le premier fournisseur de pétrole et de produits pétrochimiques et le deuxième producteur de pétrole et de gaz en Chine, possède aussi des réseaux au Canada, dont sa filiale Sinopec Canada. En plus de l’exploration pétrolière et gazière, les activités de Sinopec Canada comprennent la construction et la mise en place de projets pétroliers et de services en avalNote de bas de page 119. Selon le site Web de sa société mère, le groupe Sinopec a participé à plusieurs missions de découverte de pétrole et de gaz au Canada et a fourni des produits pétroliers et gaziersNote de bas de page 120.

[144] Baosteel, un producteur connu de gros tubes de canalisation en Chine, a déclaré des exportations de produits de l’acier totalisant 3,621 millions de tonnes vers plus de 70 pays et régions en 2019. En ce qui concerne ses objectifs, plans et priorités pour 2020, Baosteel affirme que le marché extérieur fera l’objet d’une forte expansion afin d’atteindre des cibles d’exportation pour des produits clésNote de bas de page 121.

[145] L’existence de réseaux reliant des producteurs en Chine à des distributeurs et/ou clients au Canada accroît la vraisemblance que des producteurs de gros tubes de canalisation réalisent des ventes au Canada advenant l’expiration des conclusions.

[146] La prise de mesures antidumping à l’égard des gros tubes de canalisation originaires ou exportés de la Chine témoigne aussi de l’orientation vers l’exportation des producteurs chinois, comme nous l’avons déjà vu dans la section Mesures commerciales au Canada et ailleurs.

[147] Même si les exportations de marchandises en cause ont connu une baisse spectaculaire depuis la PVE initiale, la Chine demeure l’un des cinq premiers partenaires commerciaux auprès de qui le Canada a importé des produits tubulaires dans la période de janvier 2018 à septembre 2020Note de bas de page 122. Les exportations continues de gros tubes de canalisation de la Chine dans la PVR montrent que ces marchandises seraient susceptibles de revenir sur le marché canadien en grand nombre.

[148] Les éléments de preuve au dossier administratif indiquent que les producteurs de gros tubes de canalisation en Chine continuent d’être orientés vers l’exportation. D’après ce qui précède, l’ASFC juge que, selon toute vraisemblance, les producteurs en Chine dépendront ou continueront de dépendre des marchés d’exportation.

Décision concernant la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping — Chine

[149] D’après l’information au dossier administratif concernant : la surcapacité d’acier, les conditions du marché, l’attrait du marché canadien, les mesures commerciales, les droits antidumping perçus, le volume d’importations et l’orientation vers l’exportation des producteurs chinois, l’ASFC juge que l’expiration des conclusions risquerait fort de faire reprendre ou se poursuivre le dumping au Canada des gros tubes de canalisation originaires ou exportés de la Chine.

Vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping — facteurs propres au Japon

La capacité d’acier au Japon

[150] Le Japon a la troisième industrie sidérurgique au monde. Comme on le voit dans le tableau 7 ci-dessous, les chiffres de 2021Note de bas de page 123 indiquent que le Japon a produit de 99,3 à 83,2 millions de tm d’acier en 2019 et en 2020, tandis qu’il en a utilisé de 63,2 à 52,6 millions de tm. Le Japon a exporté 29,8 millions de tm d’acier en 2020, soit plus du tiers de sa production totale, qui dépasse de près de 30,6 millions de tm la demande intérieure, ce qui montre que son industrie sidérurgique dépend fortement des exportationsNote de bas de page 124.

Tableau 7
Production et consommation d’acier au Japon (millions de tm)
  2019 2020
Production 99,3 83,2
Consommation apparente 63,2 52,6

[151] Même si elle a annoncé son intention de cesser la production de gros tubes de canalisation, Nippon Steel demeure le premier producteur d’acier japonais, et a la possibilité et la capacité de reprendre cette production. Nippon Steel indique que les exportations directes du Japon représentent environ 40 % de toute la production d’acier au pays, et que la baisse de la demande intérieure a été compensée par une hausse des exportations de produits de l’acier, ce qui a permis de maintenir la production à plus de 100 millions de tonnesNote de bas de page 125. Un autre grand producteur de gros tubes de canalisation, JFE Steel, a adopté une stratégie similaire pour composer avec le problème de surcapacité. JFE Steel affirme dans son rapport annuel 2020 que l’expansion sur les marchés extérieurs en croissance constitue l’un de ses principaux objectifs à moyen termeNote de bas de page 126.

[152] D’après l’information au dossier, l’ASFC juge qu’il y a, et continuera d’y avoir, une surcapacité d’acier au Japon. Il est probable que les producteurs d’acier japonais continueront de miser sur les marchés extérieurs sur lesquels la demande est susceptible d’augmenter afin de maximiser la capacité de production.

Les conditions du marché au Japon

[153] Le Japon a très peu de pipelines, et a des plans limités pour étendre son modeste réseau. À l’heure actuelle, le pays ne compte que 3 851 kilomètres de gazoducs et 21 kilomètres d’oléoducs. En termes de quantité de gazoducs et d’oléoducs, le Japon se classe aux 29e et 77e rangs mondiaux respectivementNote de bas de page 127.

[154] Metal One confirme la situation en affirmant dans sa réponse au QRE que le marché intérieur des gros tubes de canalisation au Japon est quasi inexistant, ce qui ne devrait pas changer dans un avenir prévisibleNote de bas de page 128.

[155] D’après l’information au dossier, le Japon comptait 646 kilomètres de gazoducs en développement, mais n’avait aucun plan d’oléoduc à la fin de 2020Note de bas de page 129. La demande de gros tubes de canalisation sur le marché intérieur japonais serait d’au plus 182 172 tm dans un avenir prévisibleNote de bas de page 130.

[156] Trois fabricants japonais, JFE Steel, Nippon Steel et OTK, ont une capacité connue de production de gros tubes de canalisation. Evraz estime la capacité totale des trois producteurs à 1,5 million de tmNote de bas de page 131. Cependant, Marubeni Canada insiste pour dire que JFE Steel est le seul producteur de gros tubes de canalisation au Japon, et a une capacité limitéeNote de bas de page 132.

[157] L’ASFC note que Nippon Steel a annoncé qu’elle comptait se retirer du segment des tubes LSAW et fermer l’usine de tubes UOE de Kimitsu d’East Nippon Works d’ici la fin de mars 2022Note de bas de page 133. Cependant, en supposant que la demande future estimative de 182 172 tm de gros tubes de canalisation soit consommée en une seule année, l’ASFC constate que la capacité de JFE Steel, estimée par Marubeni Canada, dépasse toujours la demande intérieure du pays entier.

[158] D’après ce qui précède, l’ASFC est d’avis que, selon toute vraisemblance, le problème continu de surcapacité motivera les producteurs et exportateurs de gros tubes de canalisation au Japon à chercher des marchés d’exportation, comme le Canada.

Le dumping des gros tubes de canalisation du Japon

[159] Il y a dumping lorsque les prix à l’exportation des marchandises en cause sont inférieurs aux valeurs normales. Les exportations en provenance du Japon se sont poursuivies sur le marché canadien à des prix sous-évalués depuis l’imposition des droits antidumping.

[160] Comme on le voit dans le tableau 8 ci-dessous, des montants élevés de droits antidumping ont été perçus sur les importations de marchandises en cause du Japon pour un total d’environ 48,7 millions de dollars dans la PVR.

Tableau 8
Importations de marchandises en cause du Japon dans la PVR
2018 2019 2020 Janv.-juin 2021 Total
Volume de marchandises en cause (tm) 14 776 43 104 24 436 3 637 85 953
Valeur en douane des marchandises en cause ($) 23 953 487 69 923 366 34 666 977 6 539 705 135 083 535
Droits LMSI perçus ($) 9 370 696 27 926 705 11 430 832 - 48 728 233

[161] Metal One et Cantak font valoir qu’il n’y a eu qu’un dumping « théorique » de produits sur lesquels une remise a été accordée avec le consentement d’Evraz. Il est avancé qu’il n’y a essentiellement pas eu de droits LMSI nets sur des importations de gros tubes de canalisation du Japon au CanadaNote de bas de page 134.

[162] L’ASFC reconnaît que Cantak, Sumitomo Canada et Trans Mountain Pipeline L.P. se sont vu accorder des remises de droits LMSI sur des importations de gros tubes de canalisation du Japon en réponse à une pénurie temporaire sur le marché canadien pour des projets précis. Cependant, le montant total de droits LMSI à remettre aux trois sociétés est d’environ 8,9 millions de dollarsNote de bas de page 135, nettement sous les droits totaux de 48,7 millions de dollars perçus dans la PVR.

[163] La remise de droits LMSI n’est généralement utilisée que dans des circonstances exceptionnelles, et non pour déroger à l’intention du législateur, qui est de remédier au dommage causé par les marchandises sous-évaluées aux producteurs nationaux de marchandises concurrentes. L’ASFC, qui établit si les marchandises sont sous-évaluées selon les dispositions de la LMSI et du RMSI, souligne que le concept du dumping « théorique » résultant des remises n’y est pas prévu, ce qui cadre avec les affirmations du TCCE dans son enquête sur les plaques de plâtre : Il n’y a pas de « bon » dumping, de « mauvais » dumping, ou de dumping « passif » ou même « offensif ». Il n’y a que le dumping tel qu’il est défini par la LMSI et par l’accord international sous-jacentNote de bas de page 136.

[164] Ici, les droits LMSI représentent environ 36,1 % de la valeur en douane, ce qui indique qu’une grande partie des marchandises en cause du Japon continuent de faire l’objet d’un dumping. Le fait que des droits antidumping ont été perçus sur les importations de marchandises en cause dans la PVR témoigne d’une incapacité des exportateurs japonais de vendre à des prix non sous-évalués.

Les importations de gros tubes de canalisation du Japon

[165] Les importations de marchandises en cause du Japon, qui représentaient 43,6 % du total des importations dans la PVE en dumping initialeNote de bas de page 137, sont passées à 12,4 % de ce total, et à un pourcentage encore plus petit du marché total dans la PVRNote de bas de page 138.

[166] Cette réduction importante du volume de marchandises en cause du Japon dénote l’effet des mesures LMSI, et l’incapacité ou le refus de la plupart des exportateurs de maintenir les ventes à des valeurs normales. Par ailleurs, les droits LMSI perçus sur les gros tubes de canalisation du Japon dans la PVR indiquent que les marchandises ont été sous-évaluées.

L’orientation vers l’exportation des producteurs et exportateurs japonais de gros tubes de canalisation et leur présence au Canada

[167] L’information au dossier confirme que les producteurs et exportateurs de gros tubes de canalisation au Japon continuent d’être orientés vers l’exportation et de s’intéresser au marché canadien, comme en témoignent leur réseau de vente ainsi que leurs stratégies et initiatives commerciales.

[168] Nippon Steel confirme dans son rapport annuel 2020 qu’en termes de valeur, plus de 40 % de ses ventes totales ont été à l’exportation de 2017 à 2019. Elle ajoute que la baisse de la demande intérieure a été compensée par une hausse des exportations de produits de l’acier. Le rapport annuel insiste sur les alliances conclues par Nippon Steel avec des partenaires locaux comme ArcelorMittal en Amérique du Nord afin d’établir des réseaux pour des processus de production en aval au moyen de coentreprisesNote de bas de page 139.

[169] De même, JFE Steel souligne dans son rapport annuel 2020 qu’elle a établi un centre de promotion des affaires à l’étranger en avril 2020 pour aider à maximiser les profits et à saisir les occasions dans ce secteur. L’expansion des bases de revenus à l’étranger est mentionnée comme l’une de trois stratégies de croissance future. Les réseaux commerciaux de JFE Steel font donc l’objet d’une expansion qui s’inscrit dans le cadre du développement de ses affaires à l’étrangerNote de bas de page 140.

[170] Les exportateurs japonais de gros tubes de canalisation renforcent leur présence sur le marché nord-américain en multipliant les bureaux de vente, les filiales et les partenariats de coentreprises au Canada.

[171] Sumitomo Corporation, un exportateur de gros tubes de canalisation produits par Nippon Steel, maintient toujours sa filiale canadienne, Sumitomo Canada, qui continue de faire la commercialisation des tubes de canalisation au Canada, et compte étendre ses fondations commerciales en tirant parti du réseau du groupe Edgen, présent au paysNote de bas de page 141. Tout récemment, Sumitomo Corporation a tenté d’obtenir des valeurs normales pour les gros tubes de canalisation au Canada dans le cadre de la révision des valeurs normales effectuée en février 2020Note de bas de page 142.

[172] Metal One, une société de négoce japonaise et un important exportateur de gros tubes de canalisation au Canada, est propriétaire à 100 % de Cantak, qui agit à titre de représentant canadien de plusieurs usines et fournisseurs mondiaux pour des importations et fournitures de produits tubulaires destinés à l’industrie pétrolière et gazière du paysNote de bas de page 143.

[173] Le 14 avril 2021, Russel Metals Inc. a annoncé une entente de partenariat avec Marubeni-Itochu Tubulars America Inc. visant à combiner leurs activités canadiennes respectives pour les FTPP/tubes de canalisation. À l’heure actuelle, Russel Metals Inc. mène ses activités canadiennes par l’entremise de sa filiale à part entière, Triumph Tubular & Supply Ltd. (Tiumph), et Marubeni-Itochu Tubulars America, par l’entremise de sa propre filiale à part entière, Hallmark Tubulars Ltd. (Hallmark). Triumph et Hallmark seront toutes les deux exploitées à titre de société nouvellement constituée, dénommée TriMark Tubulars Ltd.Note de bas de page 144 En outre, Marubeni-Itochu Tubulars America est propriétaire à 100 % de Marubeni Canada, une autre filiale se spécialisant dans l’importation de produits tubulaires en acier, tels les gros tubes de canalisation, sur le marché canadienNote de bas de page 145.

[174] L’affaiblissement de la demande intérieure au Japon, combiné à l’importante capacité de production et à une orientation vers l’exportation, porte à croire que les producteurs de gros tubes de canalisation au Japon poursuivront leurs efforts pour développer les marchés extérieurs.

Décision concernant la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du dumping — Japon

[175] D’après l’information au dossier administratif concernant : la surcapacité d’acier, les conditions du marché, l’attrait du marché canadien, les mesures commerciales, les droits antidumping perçus, le volume d’importations et l’orientation vers l’exportation des producteurs japonais, l’ASFC juge que l’expiration des conclusions risquerait fort de faire reprendre ou se poursuivre le dumping au Canada des gros tubes de canalisation originaires ou exportés du Japon.

Position des parties — subventionnement

Parties selon qui le subventionnement risque fort de reprendre ou de se poursuivre

[176] Le producteur canadien Evraz a présenté des observations dans son exposé au TCCE dans LE-2021-002, sa réponse au QRE ainsi que son mémoire, affirmant que le subventionnement des gros tubes de canalisation de la Chine risquerait fort de reprendre ou de se poursuivre advenant l’expiration des conclusions du TCCE.

[177] Les principaux facteurs relevés par le producteur canadien peuvent se résumer comme suit :

  • Les producteurs chinois des marchandises en cause ont été subventionnés et continueront probablement de l’être
  • Des mesures commerciales ont été prises au Canada et ailleurs

Les producteurs chinois des marchandises en cause ont été subventionnés et continueront probablement de l’être

[178] Evraz souligne que, dans l’enquête initiale sur les gros tubes de canalisation, l’ASFC a recensé 160 programmes de subvention possibles et, n’ayant pas reçu de renseignements sur les programmes particuliers, a attribué un taux de subvention de 30,3 % à tous les exportateurs de la Chine. On fait valoir que les producteurs chinois des marchandises en cause ont été subventionnés et continueront probablement de l’êtreNote de bas de page 146.

[179] On renvoie à des renseignements publics à l’appui qui indiquent que des subventions ont été accordées à des sociétés cotées de tubes de canalisation. Ayant examiné les rapports annuels de Shandong Molong Petroleum Machinery Company Limited (Shandong Molong), Evraz observe que la société a reçu 18 234 769,37 renminbis (RMB) en subventions et aides en 2018. Dans son rapport du premier trimestre de 2019, la société déclare avoir reçu une autre aide gouvernementale de 11 166 723 RMB au cours de ce seul trimestre. De même, dans son rapport du troisième trimestre de 2020, Baowu Steel, un producteur connu de gros tubes de canalisation, déclare avoir reçu 256 millions RMB en subventions de janvier à septembre 2020. Enfin, dans son rapport annuel 2020, Shengli Oil & Gas Pipe Holdings déclare avoir reçu 9,124 millions RMB et 7,541 millions RMB en aides gouvernementales en 2019 et en 2020 respectivementNote de bas de page 147.

[180] Selon Evraz, aux programmes de subvention de la Chine se sont ajoutées les mesures de relance liées à la COVID-19. Evraz cite une publication de KPMG, qui traite de diverses initiatives gouvernementales, y compris l’offre de 1,2 billion de yuans (CNY) en rachats, reprises de possession et autres prêts à faible taux d’intérêt, ainsi qu’un programme de subvention à l’emploiNote de bas de page 148.

Des mesures commerciales ont été prises au Canada et ailleurs

[181] Evraz fait valoir que le subventionnement des produits tubulaires de la Chine est bien établi pour les gros tubes de canalisation et produits étroitement liés. Evraz mentionne à l’appui les montants de subvention constatés dans les enquêtes de l’ASFC sur plusieurs produits tubulaires de la Chine. Par exemple, dans le récent réexamen de l’ASFC portant sur les FTPP, le taux pour tous les autres exportateurs de la Chine a été établi à 4 070 RMB la tonne. Dans son enquête sur les tubes soudés en acier au carbone, les producteurs coopératifs se sont avérés avoir bénéficié de neuf programmes de subvention distincts, tandis que les producteurs non coopératifs auraient bénéficié d’au plus 31 de ces programmesNote de bas de page 149.

[182] Evraz soutient que le subventionnement des produits tubulaires en acier de la Chine a aussi causé un dommage à d’autres pays. À ce sujet, le producteur canadien mentionne les conclusions rendues par les États-Unis en 2019 à l’égard des tubes de canalisation et autres produits connexesNote de bas de page 150.

[183] D’après ce qui précède, Evraz affirme que les marchandises en cause expédiées vers le Canada continueraient probablement d’être subventionnées.

Parties selon qui le subventionnement ne risque pas de reprendre ou de se poursuivre

[184] TCPL est la seule partie affirmant que l’expiration des conclusions du TCCE ne risque pas de faire reprendre ou se poursuivre le subventionnement des marchandises en cause de la Chine, mais n’a pas présenté d’arguments ou d’éléments de preuve à l’appui.

Considération et analyse — subventionnement

[185] Quand elle décide en vertu de l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI si, selon toute vraisemblance, l’expiration des conclusions fera reprendre ou se poursuivre l’importation des marchandises subventionnées de la Chine, l’ASFC peut prendre en compte tous les facteurs pertinents dans les circonstances, sans se limiter à ceux du paragraphe 37.2(1) du RMSI.

Vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du subventionnement

[186] Comme nous l’avons déjà vu, à l’exception de l’utilisateur canadien de gros tubes de canalisation, TCPL, aucun exportateur ou importateur n’a exprimé de point de vue quant à la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du subventionnement des marchandises en cause de la Chine. De même, le gouvernement de la Chine n’a ni répondu au QRE ni présenté de mémoire ou de contre-exposé.

[187] Sans la participation des exportateurs, des importateurs et du gouvernement de la Chine, l’ASFC s’est fiée à d’autres renseignements pour évaluer la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du subventionnement si les conclusions du TCCE sont annulées, notamment les observations présentées par le producteur canadienNote de bas de page 151 et les renseignements au dossier administratif sur le subventionnement en Chine.

[188] Guidée par les facteurs susmentionnés et tenant compte du dossier administratif, l’ASFC a analysé la question du subventionnement dans l’enquête de réexamen relatif à l’expiration qui nous intéresse. La liste suivante résume son travail d’analyse :

  • Les mesures commerciales au Canada et ailleurs
  • L’offre continue de programmes de subvention

Les mesures commerciales au Canada et ailleurs

[189] Dans son enquête initiale sur les gros tubes de canalisation, l’ASFC a recensé 160 programmes de subvention. L’Énoncé des motifs de son enquête initiale sur les gros tubes de canalisation contient des renseignements sur ces programmesNote de bas de page 152.

[190] Comme il est souligné dans l’Énoncé des motifs des décisions définitives, puisque le gouvernement et les exportateurs de la Chine n’avaient pas répondu à la demande de renseignements concernant le subventionnement, l’ASFC ne pouvait pas vraiment déterminer le montant de subvention de la manière prescrite au paragraphe 30.4(1) de la LMSI, car faisaient défaut les renseignements sur la contribution financière, l’avantage et la spécificité. De même, elle ne pouvait pas vraiment savoir quels producteurs, ou autres fournisseurs de biens et services, étaient des organismes publics.

[191] Faute de renseignements, les montants de subvention pour tous les exportateurs ont été déterminés par prescription ministérielle en vertu du paragraphe 30.4(2) de la LMSI, d’après les faits connus. Il a été constaté que la totalité des marchandises exportées de la Chine était subventionnée dans le cadre de l’enquête initiale. Le montant de subvention pour tous les exportateurs a été établi à 30,3 % du prix à l’exportation.

[192] Depuis les conclusions du TCCE, l’ASFC n’a pas procédé à de réexamens afin de mettre à jour les montants de subvention pour les gros tubes de canalisation de la Chine.

[193] En plus des conclusions concernant les gros tubes de canalisation, l’ASFC a actuellement sept mesures compensatoires à l’égard de produits tubulaires en acier originaires ou exportés de la Chine : FTPP, caissons sans soudure, joints de tubes courts, tiges de pompage, tubes de canalisation en acier au carbone et en acier allié, tubes soudés en acier au carbone, et tubes en acier pour pilotisNote de bas de page 153. L’Énoncé des motifs de la décision définitive de chaque enquête contient des descriptions et des explications des programmes.

[194] Par ailleurs, au cours des dernières années, l’ASFC a procédé à des réexamens relatifs à l’expiration à l’égard des tubes de canalisation en acier au carbone et en acier allié, des caissons sans soudure, des tubes soudés en acier au carbone et des FTPP, à l’issue desquels elle a déterminé que l’expiration des conclusions ou de l’ordonnance risquait fort de faire reprendre ou se poursuivre le subventionnement des marchandises exportées au CanadaNote de bas de page 154.

[195] Comme on le voit dans le tableau ci-dessous, l’information au dossier administratif montre aussi que les États-Unis ont enquêté sur le subventionnement des gros tubes de canalisation ou produits étroitement liés de la Chine, et ont constaté un subventionnement important.

Tableau 9
Mesures compensatoires à l’égard de produits connexes de la Chine dans d’autres paysNote de bas de page 155
Pays prenant la mesure Date des conclusions (ou du dernier réexamen) Marchandises visées par les conclusions Taux de subvention
États-Unis 20 septembre 2019 Tubes de canalisation en acier circulaires soudés de qualité carbone 36,35 %
États-Unis 14 juin 2019 Tubes en acier circulaires soudés de qualité carbone 37,22 %

[196] L’existence de ces mesures compensatoires au Canada et ailleurs pour les gros tubes de canalisation et/ou produits tubulaires en acier similaires de la Chine montre que les exportateurs ont reçu du gouvernement de la Chine des avantages donnant lieu à une action. L’ASFC est d’avis que le gouvernement de la Chine continuera vraisemblablement de subventionner ses producteurs de gros tubes de canalisation à l’avenir.

L’offre continue de programmes de subvention

[197] L’information au dossier administratif indique qu’en Chine, des subventions continuent d’être offertes aux producteurs d’acier, y compris les producteurs de gros tubes de canalisation. Par exemple, le gouvernement de la Chine a annoncé en mars 2020 une hausse du taux de remise de la taxe à l’exportation sur certains produits, notamment les tubes en acierNote de bas de page 156. Des remises plus importantes donneront aux exportateurs d’acier de la Chine plus de latitude pour réduire encore leurs prix à l’exportation et ainsi rehausser la compétitivité internationale de leurs produits.

[198] Les renseignements publics confirment aussi que les producteurs chinois des marchandises en cause ont reçu des aides du gouvernement. Dans son rapport de 2020, Shandong Molong déclare avoir reçu des subventions comme suit :

Tableau 10
Aides gouvernementales comptabilisées en résultat net — Shandong MolongNote de bas de page 157
  2018 2019 2020
Aide et subvention du gouvernement (CNY) 29 456 919,93 14 032 294,31 17 770 915,00

[199] De même, dans son rapport du troisième trimestre de 2020 (dernière version anglaise disponible), Baowu Steel déclare avoir reçu 256 millions CNY en subventions gouvernementales de janvier à septembre 2020Note de bas de page 158.

[200] Le Financial Times rapporte que les subventions de la Chine aux sociétés cotées nationales ont atteint un niveau record en 2018, soit 153,8 milliards CNY et une hausse de 14 % sur 12 mois. Fait important, le premier bénéficiaire, Sinopec, une société pétrolière de l’État qui achète des produits tubulaires en acier, a reçu 7,5 milliards CNY en subventions en 2018Note de bas de page 159.

[201] Les éléments de preuve semblent aussi indiquer que le gouvernement de la Chine a mis en œuvre des aides supplémentaires en réponse à la pandémie de COVID-19 sous la forme de mesures fiscales, de subventions à l’emploi, de mesures de stimulation économique, etc.Note de bas de page 160

[202] De plus, d’autres pays et régions continuent d’exprimer des préoccupations concernant le subventionnement de l’industrie sidérurgique en Chine. Par exemple, les États-Unis et l’Union européenne ont réitéré leurs préoccupations concernant la non-notification, par la Chine, des programmes de subvention possibles aux producteurs d’acier à une réunion de 2019 du Comité des subventions et des mesures compensatoires de l’OMCNote de bas de page 161. Dans son rapport ministériel de 2020, le Forum mondial sur la capacité excédentaire d’acier (FMCEA), ouvert aux membres du G20 et de l’OCDE, a aussi relevé des préoccupations concernant les subventions et autres aides gouvernementales qui faussent le marché en ChineNote de bas de page 162. Les membres du FMCEA soutiennent que des banques d’État de la Chine accordent des prêts à des sociétés endettées, injectent des capitaux propres dans des sociétés sidérurgiques financièrement non viables, établissent des aides et primes et des programmes fiscaux préférentiels, et fournissent sur une base préférentielle des intrants d’acier, entre autres mesures gouvernementalesNote de bas de page 163.

[203] D’après ce qui précède, et à la lumière de son analyse, l’ASFC est d’avis que le gouvernement de la Chine accorde une grande importance à son industrie sidérurgique, y compris les gros tubes de canalisation, et que tout porte à croire qu’il continuera vraisemblablement de subventionner ses producteurs à l’avenir.

Décision concernant la vraisemblance de la poursuite ou de la reprise du subventionnement

[204] D’après l’information au dossier administratif concernant : l’offre continue de programmes de subvention aux producteurs et exportateurs en Chine et les mesures compensatoires en vigueur à l’égard des marchandises de la Chine au Canada et ailleurs, l’ASFC juge que l’expiration des conclusions risquerait fort de faire reprendre ou se poursuivre le subventionnement des gros tubes de canalisation originaires ou exportés de la Chine.

Conclusion

[205] Aux fins de la décision dans l’enquête de réexamen relatif à l’expiration qui nous intéresse, l’ASFC a procédé à une analyse en s’en tenant aux facteurs énoncés au paragraphe 37.2(1) du RMSI. Ayant considéré les facteurs pertinents et les renseignements au dossier, elle a décidé le 24 février 2022, conformément à l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI, que l’expiration des conclusions rendues par le TCCE le 20 octobre 2016 dans l’enquête NQ-2016-001 causerait vraisemblablement :

  1. la poursuite ou la reprise du dumping des gros tubes de canalisation de la Chine et du Japon; et
  2. la poursuite ou la reprise du subventionnement de ceux de la Chine.

Mesures à venir

[206] Le TCCE a maintenant commencé son enquête pour déterminer si, selon toute vraisemblance, l’expiration de ses conclusions concernant le dumping et le subventionnement des marchandises en cause causerait un dommage. D’après le calendrier du réexamen relatif à l’expiration, le TCCE doit rendre sa propre décision d’ici le 3 août 2022.

[207] Si le TCCE décide que l’expiration de ses conclusions causerait vraisemblablement un dommage, il les prorogera, avec ou sans modification. Alors, l’ASFC continuera de percevoir des droits antidumping sur les importations sous-évaluées, et des droits compensateurs sur les importations subventionnées, de marchandises en cause.

[208] Si, au contraire, le TCCE décide que l’expiration de ses conclusions ne causerait vraisemblablement pas de dommage, il les annulera, et plus aucuns droits antidumping ou compensateurs ne seront perçus sur les importations de marchandises en cause, et ceux perçus sur des marchandises dédouanées après que les conclusions devaient expirer seront rendus à l’importateur.

Renseignements

[209] Voici à qui s’adresser pour en savoir plus :

Centre de dépôt et de communication des documents de la LMSI
Direction des programmes commerciaux et antidumping
Agence des services frontaliers du Canada
11-100 rue Metcalfe
Ottawa ON  K1A 0L8

  • Téléphone :
  • Wayne Tian : 343-553-1583

Courriel : simaregistry-depotlmsi@cbsa-asfc.gc.ca

Le directeur général
Direction des programmes commerciaux et antidumping
Doug Band

Date de modification :