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Croix-rouge canadienne : Programme de suivi des conditions de détention des immigrant(e)s rapport annuel 2020 à 2021

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Liste des abréviations

Alb.
Alberta
ALD
Agent(e) de liaison en matière de détention
ASFC
Agence des services frontaliers du Canada
C.-B.
Colombie-Britannique
CSI
Centre de surveillance de l’immigration
ECP
Établissement correctionnel provincial
EPI
Équipement de protection individuelle
HCR
Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés
LIPR
Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés
Man.
Manitoba
N.-É.
Nouvelle-Écosse
ONG
Organisme non gouvernemental
Ont.
Ontario
PFSI
Programme fédéral de santé intérimaire
PSCD
Programme de suivi des conditions de détention des immigrant(e)s
Qc
Québec
RDPA
Réponse de la direction et plan d’action
RGT
Région du Grand Toronto
Société
Société canadienne de la Croix-Rouge
SRD
Solutions de rechange à la détention

Sommaire

Il incombe au Programme de suivi des conditions de détention des immigrant(e)s (PSCD) de la Société canadienne de la Croix-Rouge (la Société) de surveiller les conditions de détention, conformément au contrat conclu entre la Société et l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC)Note de bas de page 1. Conformément à ce contrat, le présent rapport reflète les activités du PSCD de la Société, d’avril 2020 à mars 2021.

En vertu de cette entente, les activités de suivi de la Société portent sur les quatre principaux éléments suivants associés à la détention de personnes en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) :

  • les conditions de détention — l’état du milieu de détention et les services offerts (p. ex. installation, éclairage, nourriture, loisirs, soins de santé et bien-être des personnes détenues dans ce milieu);
  • le traitement des personnes détenues par le personnel de l’établissement, les entrepreneuses et entrepreneurs et les autres personnes détenues;
  • les garanties légales et procédurales — la capacité d’exercer leurs droits de la personne, l’accès à des garanties procédurales (p. ex. la Charte canadienne des droits et libertés, l’article 36 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires, des recours juridiques efficaces et la protection contre la détention arbitraire);
  • la capacité de communiquer et de maintenir le contact avec la famille.

Ce rapport présente les observations et les recommandations de la Société à la suite de cinquante-cinq (55) activités de suivi, dont trente-trois (33) activités régulières et vingt-deux (22) activités menées en réponse à un avis d’événement concernant une personne détenue en vertu de la LIPR, dans quatorze (14) établissements où sont détenues des personnes en vertu de la LIPR, d’avril 2020 à mars 2021. Les observations et les recommandations sont regroupées sous les thèmes principaux suivants :

  • Conditions de détention en contexte de COVID-19, données et quatre principaux domaines du suivi;
  • Comparaison entre les conditions de détention dans les centres de surveillance de l’immigration (CSI) et les établissements correctionnels provinciaux (ECP);
  • Conditions de détention des personnes vulnérables et des personnes détenues pendant de longues périodes.

À la lumière de ses observations, la Société formule les principales recommandations suivantes à l’ASFC dans le présent rapport :

  • Poursuivre la mise en œuvre des mesures permettant de réduire le nombre de personnes détenues en vertu de la LIPR;
  • Veiller à mettre en place des mesures pour maintenir des conditions de détention acceptables pendant les périodes dl’isolement préventif, d’isolement médical à la suite d’éclosions de COVID-19 et d’autres types de confinement cellulaire;
  • Continuer de réduire la dépendance à l’égard des établissements correctionnels provinciaux (ECP) au moyen de solutions de rechange à la détention (SRD) et de placements dans les CSI, en particulier pour les personnes vulnérables, et adopter des mesures pour éliminer la cohabitation à courte échéance;
  • Veiller à ce que les personnes détenues en vertu de la LIPR aient un accès adéquat et rapide aux services de santé couverts par le Programme fédéral de santé intérimaire (PFSI) ou une protection équivalente;
  • Veiller à ce que les personnes détenues pour des raisons d’immigration aient accès à des activités récréatives, culturelles et éducatives, quel que soit leur lieu de détention;
  • Assurer des contacts des agent(e)s de liaison en matière de détention (ALD) avec toutes les personnes détenues dans un ECP et l’accès à des services d’interprétation professionnels pendant les moments clés de la détention;
  • Offrir des services de vidéoconférence à toutes les personnes détenues pour des raisons d’immigration, quel que soit leur lieu de détention, et veiller à ce qu’elles aient accès à des visites avec contact lorsque la situation de santé publique le permettra;
  • Enfin, mettre fin à la pratique consistant à placer les enfants dans des établissements de détention et améliorer les SRD pour permettre le maintien de l’unité familiale hors détention.

1. Introduction : Le mécanisme de suivi provisoire et les statistiques sur les activités

La Société assure un suivi indépendant des conditions de détention en vertu de la LIPR afin de favoriser un milieu sécuritaire dans lequel les personnes détenues pour des raisons d’immigration sont traitées humainement et où leurs droits de la personne et leur dignité inhérente sont respectés, conformément aux normes internationales et nationales. Pendant les visites des lieux de détention, la Société fait le suivi des conditions de détention et du traitement des personnes détenues administrativement en vertu de la LIPR dans des CSI gérés par le gouvernement fédéral, dans des établissements de détention sous la régie des autorités provinciales ou dans d’autres établissements correctionnels municipauxNote de bas de page 2. En vertu d’une entente conclue entre la Société et l’ASFC, le présent rapport reflète les activités du PSCD de la Société, d’avril 2020 à mars 2021.

Le 11 mars 2020, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a déclaré que l’éclosion de COVID-19 constituait une pandémie. La situation demeure une urgence de portée internationale. L’éclosion a eu des répercussions importantes au Canada et, compte tenu du risque élevé pour la population canadienne, les autorités fédérales, provinciales et municipales ont déployé des efforts partout au pays pour réduire la propagation de la COVID-19. En guise de précaution liée à la COVID-19, conformément aux lignes directrices des autorités de la santé publique et en consultation avec l’ASFC, la Société a suspendu toutes ses visites en personne dès le 16 mars 2020. Afin de reprendre ses activités pendant la pandémie, la Société a communiqué avec des intervenant(e)s à divers niveaux et a examiné différents scénarios avant d’élaborer un mécanisme provisoire permettant d’assurer la confidentialité des conversations avec les personnes détenues, de respecter le principe visant à « s’abstenir de porter préjudice » lors d’interactions avec les personnes détenues et le personnel de l’établissement ainsi que le devoir de diligence envers le personnel et les bénévoles de la Société. Les activités de suivi des conditions de détention de la Société ont repris à la mi-juin 2020 selon ce mécanisme provisoire, où les interactions confidentielles avec les personnes en détention sont menées à distance par téléconférence. Puisque le suivi a été effectué à distance, le terme « activité de suivi » a été adopté et sera utilisé dans le présent rapport, de même que le terme « visite à distance » afin de différencier clairement la portée des processus de suivi en mode virtuel.

Il est à noter que le PSCD de la Société n’offre pas d’évaluation des mesures d’intervention face à la COVID-19 ni de lignes directrices en matière de santé publique, s’en remettant aux directives des autorités sanitaires. Toutefois, ce rapport peut mettre en évidence certaines pratiques exemplaires en la matière et la façon dont les quatre principaux domaines d’intérêt du PSCD ont été touchés par les mesures d’intervention face à la COVID-19 dans les établissements de détention.

La capacité de la Société de mener les activités de suivi planifiées a été touchée par des contraintes indépendantes de sa volonté. Par exemple, il est arrivé qu’aucune personne visée par la LIPR ne soit détenue au moment d’une activité de suivi proposée ou que l’installation n’ait pas été en mesure d’organiser une activité de suivi ou de garantir la confidentialité des conversations. Certaines activités ont dû être annulées en raison d’éclosions de COVID-19 dans les installations ou parce qu’un faible nombre de personnes détenues étaient prêtes à discuter de leur détention au téléphone ou en raison d’obstacles au processus de triangulation. Dans certains cas, la diminution du nombre de personnes détenues en vertu de la LIPR, jumelée à d’autres défis liés à la pandémie de COVID-19, ont fait en sorte que plusieurs visites à distance ont été nécessaires pour compléter les observations du PSCD dans certains établissements.

Malgré ces défis, cinquante-cinq (55) activités de suiviNote de bas de page 3 ont été menées pendant la période de suivi, dont trente-trois (33) activités régulières et vingt-deux (22) activités menées en réponse à un avis d’événement concernant une personne détenue en vertu de la LIPR. La Société tient à souligner le soutien des représentantes et représentants et du personnel de l’ASFC et des ECP pour faciliter l’accès aux personnes détenues dans les installations faisant l’objet d’un suivi.

Activités de suivi par province. La version texte est disponible après le graphique.
Version texte :
Province Activités de suivi régulière Réponse à un événement
Alberta 6 5
Colombie-Britannique 9 6
Manitoba 1 0
Nouvelle-Écosse 1 3
Ontario 10 4
Québec 6 4
55 activités de suivi régulières et activités menées en réponse à un événement dans 14 établissements au Canada. La version texte est disponible après le graphique.
Version texte :

Colombie-Britannique

  • Centre de surveillance de l’immigration de la Colombie-Britannique
  • Centre correctionnel régional Fraser
  • Centre de détention provisoire de North Fraser

Alberta

  • Centre de détention provisoire de Calgary
  • Centre de détention provisoire d’Edmonton

Manitoba

  • Centre correctionnel Headlingley

Ontario

  • Centre de surveillance de l’immigration de la région du Grand Toronto
  • Complexe correctionnel de Maplehurst
  • Centre correctionnel du Centre-Est
  • Centre de détention de l’Est de Toronto
  • Centre de détention d’Ottawa-Carleton

Quebec

  • Centre de surveillance de l'immigration de Laval
  • Établissement de détention de Rivière-des-Prairies

Nouvelle-Écosse

  • Établissement correctionnel Central Nova

Lors des visites dans les lieux de détention, la Société a adopté une approche systémique d’évaluation s’articulant autour des thèmesNote de bas de page 4 mentionnés précédemment évalués selon les quatre catégories suivantes :

  1. Conditions de détention;
  2. Traitement;
  3. Accès aux garanties légales et procédurales;
  4. Capacité de communiquer et de maintenir le contact avec la famille.

Les visites respectent une procédure normalisée qui comprend les étapes suivantesNote de bas de page 5 :

La version texte est disponible après le graphique.
Version texte :
  1. Premier échange : Un premier échange a lieu avec la direction de l’établissement
  2. Visite des installations : Une visite des zones auxquelles les personnes détenues en vertu de la LIPR ont accès, comme les aires d’hébergement, les installations de services médicaux et de santé mentale, les aires de loisirs et de programmes, ainsi que celles réservées aux visites personnelles et professionnelles
  3. Entretiens avec les détenu(e)s : Des conversations privées avec des personnes détenues
  4. Séance de récapitulation : Une séance de récapitulation a lieu avec l’autorité responsable de la détention (l’ASFC)

Au cours de la période à l’étude, l’équipe de la Société s’est entretenue avec plus de 120 personnes détenues en vertu de la LIPR dans des CSI et des ECP. La majorité des entrevues ont eu lieu en Colombie-Britannique et en Ontario, puis en Alberta, au Québec, en Nouvelle-Écosse et au Manitoba.

Au cours de la période à l’étude et afin de favoriser un environnement sécuritaire pour les personnes détenues en vertu de la LIPR, la Société a tenu des séances d’information sur son mandat à l’intention du personnel de l’autorité responsable de la détention et du personnel en contact direct avec les personnes détenues en vertu de la LIPR. De plus, la Société a tenu des rencontres avec des intervenants et intervenantes, y compris des représentantes et représentants régionaux et de l’administration centrale de l’ASFC, des membres du personnel des services correctionnels provinciaux, des représentantes et représentants du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), des membres de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié et d’organismes non gouvernementaux (ONG) locaux qui soutiennent les personnes détenues en vertu de la LIPR.

La version texte est disponible après le graphique.
Version texte :

La première image indique que des rencontres ont eu lieu avec des intervenants de partout au pays, notamment l'ASFC et les Services Correctionnels, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, des organismes communautaires et l’HCR.

La deuxième image démontre que ces réunions, visites et séances d'information ont permis de favoriser un environnement protecteur pour les personnes détenues en vertu de la LIPR.

2. COVID-19, données et quatre principaux domaines de suivi

La pandémie de COVID-19 continue de toucher des gens partout dans le monde. Étant donné que les établissements de détention sont des milieux d’habitation collective, la pandémie de COVID-19 pose un risque grave pour la santé des personnes détenues et du personnel qui y travaille. Bien que le PSCD ne dispose pas de renseignements systématiques sur les éclosions de COVID-19 dans les établissements où il effectue des suivis, il possède de l’information sur onze événements d’un ou de plusieurs cas de COVID-19 reliés touchant des personnes détenues ou des membres du personnel dans ces établissements.

Tous les établissements faisant l’objet d’un suivi ont collaboré avec les autorités sanitaires pour mettre en place des mesures de santé publique dans le but de réduire le risque de transmission de la COVID-19 dans les centres. Il est à noter que le PSCD de la Société n’offre pas d’évaluation de ces mesures ni de lignes directrices en matière de santé publique et s’en remet aux directives des autorités sanitaires à cet égard. Toutefois, le PSCD a évalué l’incidence de ces mesures sur les droits fondamentaux des personnes détenues, en tenant compte de l’état d’urgence sanitaire et des effets des mesures d’intervention sur les quatre principaux domaines de suivi définis dans le contrat.

2.1 Données

Plusieurs organisations spécialisées dans les domaines de la santé et des droits en détention ont souligné que la réduction du nombre de personnes détenues était l’une des mesures les plus importantes à prendre pour limiter la propagation de la COVID-19 dans les établissements de détentionNote de bas de page 6. Cette mesure aurait des effets bénéfiques sur la santé publique et favoriserait le respect des droits fondamentaux, notamment en limitant le nombre de personnes susceptibles d’être infectées, en facilitant la distanciation physique et les mesures d’hygiène générale, comme le nettoyage, ainsi que la mise en oeuvre des efforts d’atténuation des risques pour les personnes qui demeurent en détention.

Le PSCD a observé un plus faible nombre de personnes détenues pour des raisons d’immigration au cours de la période à l’étude comparativement à la période précédente. Aux CSI de Laval et de Toronto, le nombre de personnes observées pendant les activités de suivi et les statistiques sur les jours de détention (calculé en fonction du nombre de personnes et de la durée des périodes de détention) indiquaient une forte diminution. Le PSCD souligne que la diminution du nombre de personnes migrantes nouvellement arrivées, en particulier au CSI de Laval, peut être attribuable à la mise en place de politiques en dehors de la détention, mais évite de se prononcer sur la légalité et les répercussions humanitaires de ces politiques puisqu’elles ne relèvent pas de son mandat. Le CSI de Surrey, qui est devenu opérationnel peu de temps avant le début de la pandémie, n’a pas de données de référence d’avant la pandémie permettant de faire la même comparaison. Cependant, il fonctionne bien en deçà de sa capacité (à moins de 25 % de sa capacité). De plus, le nombre total de jours de détention dans la province a diminué par rapport à la période de suivi précédente.

Le nombre de jours de détention des personnes détenues en vertu de la LIPR a diminué (et parfois considérablement) dans tous les ECP où des activités de suivi étaient menées au cours de cette période à l’étude par rapport à la période précédente. Toutefois, le PSCD attire l’attention sur le fait que le nombre total de personnes dans ces établissements n’ont pas nécessairement suivi cette tendance. Le PSCD a observé que les diminutions de l’occupation au début de la pandémie étaient généralement plus modestes dans les ECP que dans les CSI. De plus, à certains moments au cours de la période à l’étude, le nombre total de personnes détenues à six (6) des ECP surveillés était revenu à des niveaux équivalents aux niveaux prépandémiquesNote de bas de page 7. Par conséquent, la plupart des personnes détenues en vertu de la LIPR placées dans des établissements de détention gérés par les autorités provinciales n’ont pas profité des avantages d’une réduction importante de la population. Il est à noter que les taux d’occupation dans les unités sont significatifs et peuvent différer du taux qu’on retrouve dans la population générale. Dans certains ECP, des unités inoccupées ont été rouvertes pour faciliter la distanciation physique. Cependant, la création d’unités d’isolement médical (précaution contre la transmission par gouttelettes) et d’unités d’isolement préventif dans d’autres établissements a eu l’effet contraire, réduisant l’espace disponible et augmentant le taux d’occupation dans certaines unités.

Recommandations

La Société souligne que les centres de détention sont des milieux d’habitation collective et que les personnes détenues et le personnel courent un plus grand risque d’infection en raison des défis liés au maintien de la distanciation physique, au nombre de surfaces fréquemment touchées et à l’utilisation des aires communes. La Société recommande de poursuivre la mise en œuvre des mesures visant à réduire le nombre de personnes détenues en vertu de la LIPR, en veillant à ce que ces mesures soient conformes aux obligations nationales et internationales du Canada — tant en détention qu’en dehors. De plus, la Société recommande le maintien de ces mesures après la fin de l’urgence sanitaire.

Reconnaissant les efforts déployés par l’ASFC pour réduire le nombre de personnes détenues en vertu de la LIPR, la Société recommande que l’ASFC évite de placer ces personnes dans des établissements de détention sous la régie d’autres autoritésNote de bas de page 8 afin qu’elles puissent profiter des avantages de taux d’occupation plus faibles.

2.2 COVID-19 et conditions de détention

Tous les établissements faisant l’objet d’un suivi ont instauré une période initiale d’isolement, avec l’aide des autorités sanitaires, pour atténuer les risques de transmission présymptomatique ou asymptomatique du virus. De plus, pendant les éclosions de COVID-19, les établissements ont placé toutes les personnes de certaines unités en isolement médical (précaution contre la transmission par gouttelettes). Les répercussions de ces périodes d’isolement et des mesures d’atténuation des risques sur les conditions de détention ont varié au fil du temps et d’un établissement à l’autre. Au CSI de Toronto et à celui de Surrey, les restrictions étaient minimales et les conditions générales des unités en isolement préventif ressemblaient à celles des unités non isolées. Au CSI de Laval, les conditions d’isolement ont imposé certaines restrictions aux déplacements, mais des mesures adéquates ont été prises pour en atténuer les effets négatifs. Ainsi les personnes détenues pouvaient quitter leur chambre plusieurs fois par jour, avaient accès à des téléphones et à l’extérieur et pouvaient obtenir des services en santé mentale au téléphone. La mise en oeuvre de ces mesures a été facilités par la diminution du nombre de personnes en détention au centre.

La situation dans les ECP variait grandement d’un établissement à l’autre. Bien que certains aient réussi à trouver un bon équilibre entre le respect des mesures sanitaires et des conditions de détention adéquates, d’autres ont eu de la difficulté à appliquer rigoureusement des mesures sanitaires tout en protégeant les droits fondamentaux des personnes détenues et en répondant à leurs besoins essentiels. Il convient de noter que les établissements ont fait face à des difficultés comme des infrastructures fixesNote de bas de page 9, un manque de personnel engendré par la pandémie de COVID-19 et l’obligation de se conformer à une panoplie de nouvelles règles.

Dans les ECP faisant l’objet d’un suivi, les circonstances expliquant les difficultés rencontrées par les personnes placées en isolement pour des raisons liées à la COVID-19 différaient; dans certains cas, les mesures pour atténuer les effets de la période d’isolement étaient déficientes au départ et ont été améliorées par la suite; dans d’autres, les conditions de base se sont détériorées pendant les éclosions de COVID-19. Les problèmes majeurs observés étaient les suivants :

  • Dans cinq (5) ECP faisant l’objet de suivis, pendant une partie ou la totalité de la période à l’étude, les personnes détenues en isolement pour des raisons liées à la COVID-19 n’ont pas été autorisées à sortir de leur cellule chaque jour. Selon l’établissement, les personnes détenues étaient autorisées à sortir entre une fois tous les deux jours et une fois toutes les deux semaines pour accéder aux aires communes où des services de base étaient offerts, comme des douches et des téléphones. Lorsqu’il était permis de sortir de la cellule, le temps accordé avait tendance à être très court, dans certains cas 20 minutes;
  • Cinq (5) ECP ne permettaient pas aux personnes en isolement d’aller en plein air une fois par jour; la possibilité d’accéder au plein air était soit réduite, soit impossible, et dépendait du personnel disponible, des règles des établissements et de leurs infrastructures;
  • Dans quatre (4) établissements, très peu d’activités récréatives étaient offertes aux personnes en isolement pour des raisons liées à la COVID-19. Les téléviseurs, s’il y en avait dans les unités, n’étaient pas toujours visibles ou audibles selon l’emplacement de la cellule, et les livres n’étaient pas toujours dans une langue lue par la personne détenue;
  • L’occupation triple des cellules d’isolement pour des raisons liées à la COVID-19 a été signalée dans trois (3) ECP faisant l’objet d’un suivi, notamment lors d’éclosions dans des établissements ayant une infrastructure limitée, puisque le personnel devait séparer les personnes détenues selon leur statut COVID-19.

Les directions de ces établissements étant sensibles aux difficultés causées par le temps passé en isolement pour des raisons liées à la COVID-19, elles ont a mis en place différentes stratégies pour atténuer ces problèmes, avec plus ou moins de succès. Par exemple, dans un établissement, les aumôniers et du personnel spécialisé communiquaient avec les personnes placées en isolement préventif pour s’assurer de leur bien-être. Dans certains cas, des articles comme des livres, des radios ou des ventilateurs, pendant l’été, ont été distribués à des personnes en isolement.

2.3 COVID-19 et traitement

Dans huit (8) ECP et deux (2) CSI, une personne détenues pouvait être seule dans la cellule ou la chambre durant la période d’isolement de 14 jours. Bien que cette mesure soit avantageuse sur le plan de la santé publique, elle peut créer des conditions d’isolement cellulaire si des mesures d’atténuation adéquates ne sont pas prises. Dans les CSI, les règles des périodes d’isolement permettaient aux personnes détenues de quitter leur chambre plusieurs fois par jour et de communiquer régulièrement avec des membres de leur famille par téléphone, ainsi qu’avec d’autres personnes détenues et le personnel de l’établissement, comme des prestataires de services de santé mentale, ce qui a aidé à atténuer les difficultés liées à l’isolement. Dans cinq (5) des ECP faisant l’objet de suivi, des personnes détenues ont déclaré qu’on leur permettait de sortir de leur cellule moins de deux heures par jour et qu’il leur était impossible d’établir régulièrement des contacts humains réels pendant l’isolement lié à la COVID-19, ce qui risquait de créer des conditions d’isolement cellulaire. Il convient de noter que les personnes ayant des problèmes de santé mentale sont particulièrement vulnérables à ces types de conditions.

2.4 COVID-19 et accès aux garanties légales et procédurales

Dans les CSI et les ECP faisant l’objet d’un suivi, il était possible de communiquer avec des avocat(e)s et de participer aux Contrôles des motifs de détention pendant les périodes d’isolement de 14 jours suivant l’arrivée au centre ou l’isolement pour des raisons médicales (précaution contre la transmission par gouttelettes) en réponse à la COVID-19, principalement par téléphone ou par vidéoconférence. Cependant, en raison des périodes restreintes accordées en dehors des cellules dans de nombreux ECP pendant l’isolement lié à la COVID-19, plusieurs personnes avaient très peu de temps pour communiquer avec leur avocat(e). De plus, bien que tous les établissements aient été en mesure de faciliter les Contrôles des motifs de détention, des retards attribuables à des problèmes liés à la pandémie ont été signalés dans deux (2) des ECP faisant l’objet d’un suivi.

Au cours de la période de suivi, des personnes détenues dans quatre (4) ECP ont signalé un manque de confidentialité lors des communications avec leurs avocat(e)s et des Contrôles des motifs de détention, plus particulièrement lors d’éclosions ou de la mise au point de nouvelles procédures d’isolement à l’admission. Dans ces cas, le déroulement des audiences téléphoniques et des appels aux avocat(e)s permettait au personnel correctionnel et à d’autres personnes détenues d’entendre la conversation en tout ou en partie. De plus, dans un (1) ECP, on a signalé des cas où des personnes détenues ont dû participer aux Contrôles des motifs de détention en utilisant des moyens rudimentaires, comme écouter et parler au téléphone par la trappe de la porte. Cependant, l’établissement en question a rapidement remédié à la situation dès qu’il a été mis au courant du problème.

Il n’était pas toujours possible pour les agent(e)s de liaison en matière de détention (ALD) de l’ASFC d’avoir accès aux personnes détenues en isolement préventif ou en isolement lié à la COVID-19. Il convient de noter que l’isolement lié à la COVID-19 était la période au cours de laquelle les personnes détenues avaient souvent le plus besoin d’aide, compte tenu du temps restreint passé hors de la cellule pour accéder aux services de base dont elles avaient besoin.

2.5 COVID-19 et communication avec les membres de la famille

Pendant les périodes d’isolement à l’admission et d’isolement médical en réponse à la COVID-19, la possibilité de communiquer avec la famille a varié d’un établissement à l’autre et d’une période à l’autre au sein des établissements tout au long de la période de suivi. Bien qu’il ait été possible pour des personnes en isolement dans huit (8) établissements de faire des appels quotidiens, y compris les trois (3) CSI, dans cinq (5) autres établissements, les appels étaient limités aux périodes où les gens pouvaient sortir de leur cellule ou lorsque des appels spéciaux étaient organisésNote de bas de page 10, c’est-à-dire habituellement entre une fois tous les deux jours et une fois toutes les deux semaines. Dans ces établissements, étant donné que le temps passé hors de la cellule était minime, les personnes détenues devaient parfois choisir entre prendre une douche et appeler un être cher. Comme il a été mentionné précédemment, la possibilité limitée d’établir des contacts humains réels a été particulièrement préjudiciable dans les cas où des personnes étaient placées seules en isolement dans une cellule.

Les visites personnelles ont été suspendues dans la plupart des établissements au début de la pandémie. Le PSCD considère la mesure comme une restriction temporaire en réponse à une urgence de santé publique. Selon les circonstances dans la collectivité environnante, des visites en personne assujetties à des précautions comme l’utilisation d’équipement de protection individuelle étaient possibles dans sept (7) établissements à titre exceptionnel ou sur rendez-vous, et seulement pour les personnes détenues qui n’étaient pas en isolement. Dans la mesure du possible, les visites familiales en personne étaient particulièrement importantes dans les cas de renvoi où un parent serait séparé d’un enfant qui resterait au Canada.

Les répercussions de la suspension ou de la restriction des visites en personne doivent être évaluées à la lumière des efforts déployés pour atténuer ses effets négatifs. Il convient de noter que tous les établissements faisant l’objet d’un suivi ont mis en place des mesures extraordinaires pour faciliter le contact avec la famille, comme la distribution régulière de cartes d’appel gratuites, l’annulation des frais interurbains au Canada, l’autorisation d’effectuer exceptionnellement des appels internationaux gratuitement et la mise en place d’un système d’appels vidéos. De plus, malgré la suspension des visites personnelles, il était toujours possible de faire parvenir des articles pour une personne détenue qui les recevrait après une période de quarantaine dans au moins cinq (5) établissements.

Recommandations

La Société recommande de s’assurer que des mesures sont en place pour maintenir des conditions de détention acceptables pendant l’isolement préventif, l’isolement médical en réponse aux éclosions de COVID-19 et d’autres types de confinement cellulaire.

La Société recommande de maintenir un accès régulier aux éléments suivants, même si des adaptations doivent être apportées pour respecter les exigences sanitaires :

  • les aires communes à l’extérieur de la cellule, y compris les douches;
  • le plein air;
  • les téléphones ou d’autres moyens de communication pour assurer une interaction continue et réelle avec la famille, les ami(e)s, les conseillers et conseillères juridiques et les autorités consulaires;
  • un espace permettant de protéger la confidentialité des renseignements communiqués aux avocat(e)s et lors de Contrôles des motifs de détention.

La Société reconnaît que l’isolement individuel d’une personne dans une cellule lors de l’admission réduit le risque de transmission de la COVID-19. Les facteurs particuliers à prendre en considération lors d’une telle situation devraient comprendre, entre autres, la vulnérabilité à différents facteurs, dont la COVID-19, la situation précédant le placement en détention et la préférence de la personne détenue. De plus, les personnes détenues en vertu de la LIPR ne devraient en aucun cas être placées dans des conditions pouvant équivaloir à de l’isolement cellulaire et devraient donc pouvoir passer suffisamment de temps chaque jour hors de leur cellule ou de leur chambre pour pouvoir avoir régulièrement des contacts humains réels.

Compte tenu des défis que certains ECP ont dû relever durant la pandémie, la Société recommande, lorsque le placement dans ces établissements ne peut être évité, de prioriser les contacts entre les ALD et les personnes détenues en isolement à l’admission et dans les unités en isolement médical en raison de la COVID-19 ou d’autres types de confinement cellulaire de longue durée.

3. Différence entre la détention dans les CSI et la détention dans les ECP

Le recours à des établissements correctionnels pour détenir des personnes en vertu de la LIPR demeure une importante source de préoccupation. Aux premier et deuxième trimestres de 2020-2021, 587 des 799 personnes détenues en vertu de la LIPR se trouvaient dans des établissements autres que des CSI; de ce nombre, 470 étaient détenues dans un ECPNote de bas de page 11.

Bien que la cohabitation entre les personnes détenues en vertu de la LIPR et celles détenues en vertu du Code criminel, que ce soit dans les mêmes cellules ou les mêmes unités, demeure une pratique courante dans les établissements correctionnels provinciaux faisant l’objet d’un suivi, la Société reconnaît les efforts supplémentaires déployés par l’ASFC pour réduire le recours aux ECP. Par exemple :

  • Grâce à la diminution du nombre de personnes détenues, le CSI de Toronto a pu utiliser la capacité disponible pour admettre un plus grand nombre de ersonnes ayant des profils complexes qui, autrement, seraient détenues en ECP, une mesure qu’il privilégie depuis l’ouverture de ses unités de sécurité accrues. À l’heure actuelle, chaque unité peut servir d’unité de sécurité accrue, ce qui accroît la capacité du CSI à détenir des personnes aux profils complexes;
  • Le CSI de Laval continue d’admettre des personnes ayant des antécédents criminels, ce qui limite le nombre de ces personnes en ECP. De plus, en raison d’une diminution de l’achalandage (voir précédemment), le centre a pu jouer un rôle plus important dans la région, en facilitant des transfèrements sollicités de la région du nord de l’Ontario et des Maritimes lorsque les mesures de santé publique le permettaient, ce qui est impossible lorsque le centre est près de sa capacité maximale;
  • Le CSI de Surrey, qui a ouvert ses portes au début de 2020, offre la possibilité de réduire considérablement la cohabitation dans les établissements des régions du Pacifique et des Prairies. De plus, les efforts continus du Centre correctionnel régional Fraser pour maintenir une unité réservée à l’immigration sont reconnus puisqu’il est possible d’y séparer les personnes détenues en vertu de la LIPR des personnes détenues en vertu du Code criminel. Toutefois, les personnes détenues en vertu de la LIPR dans cet établissement demeurent dans un environnement hautement sécuritaire et restrictif, tout comme la plupart des personnes détenues en vertu de la LIPR placées dans des ECP.

3.1 Conditions de détention

Les CSI et les ECP faisant l’objet de suivis offrent des conditions de détention très différentes. Dans les CSI, les personnes sont détenues dans des chambres et peuvent se déplacer librement à l’intérieur d’un secteur sécurisé. Les toilettes sont des espaces fermés à l’extérieur des chambres. La plupart des personnes détenues en ECP sont logées dans des cellules à l’intérieur des unités hébergeant une population carcérale générale. Dans tous les ECP faisant l’objet d’un suivi sauf un, les personnes détenues partagent leurs cellules avec des personnes détenues en vertu du Code criminel. Les toilettes sont situées dans les cellules, laissant très peu d’intimité. Lorsqu’ils ne sont pas placés en isolement médical ou en confinement cellulaire, le temps passé hors des cellules dans les unités carcérales générales varie d’un établissement à l’autre et d’une unité à l’autre, allant de 11 heures à aussi peu qu’une heure. Dans certains ECP faisant l’objet d’un suivi, les personnes détenues en vertu de la LIPR peuvent être placées dans des dortoirs à sécurité moyenne, ce qui leur donne une plus grande liberté de mouvement. Des confinements cellulaires pour des raisons autres que la COVID-19 ont été signalés dans cinq (5) ECP; dans ces situations, les personnes détenues ne peuvent pas quitter leur cellule pendant des périodes variant de quelques heures à quelques jours. Les raisons de ces confinements étaient le plus souvent liées à des questions de sécurité ou de manque de personnel. Il est important de noter que les répercussions du confinement cellulaire sont beaucoup plus marquées chez les personnes détenues dans des unités carcérales à sécurité élevée que chez celles qui sont détenues dans des dortoirs à sécurité moyenne.

Aucun obstacle systémique lié à l’accès aux soins de santé n’a été signalé dans les CSI. En ECP, la situation variait. Bien que les services de soins de santé aient été facilement accessibles dans certains établissements, les personnes détenues dans trois (3) ECP ont mentionné avoir dû attendre très longtemps pour voir un médecin après avoir demandé une consultation. Ces délais, qui peuvent aller jusqu’à huit (8) semaines, ont découragé certaines personnes de demander un rendez-vous. La Société fait remarquer que d’autres personnes dans deux (2) de ces trois (3) établissements n’avaient pas eu à attendre aussi longtemps et que le temps d’attente dépendait, en partie, des problèmes diagnostiqués. De plus, comme il a été mentionné précédemment, l’évaluation de l’état de santé initial dans un (1) ECP est toujours effectuée par un(e) ou agent(e) correctionnel(le), ce qui peut créer des problèmes de santé publique pour la population générale et pour la continuité des soins pour la personne détenue.

Les personnes détenues dans les CSI ont déclaré avoir accès à des livres, à des jeux de société et à des téléviseurs sur lesquels ils pouvaient changer de canal. En ECP, la situation variait. Des livres étaient disponibles et certaines unités avaient des téléviseurs que seuls certains pouvaient voir et entendre selon l’emplacement de leur cellule. De nombreuses activités ont été suspendues en raison de la pandémie, par exemple, les programmes éducatifs et l’accès aux gymnases situés à l’extérieur des unités. Certains établissements ont mis en place des solutions novatrices, comme l’éducation virtuelle. Dans certains ECP, les personnes détenues en vertu de la LIPR peuvent travailler à l’entretien de façon volontaire, ce qui a été apprécié par les participant(e)s à l’activité.

Les cours des CSI étaient accessibles tous les jours. En ce qui concerne les ECP, la situation variait. Si, dans certains établissements, il était possible de passer du temps dans la cour de façon régulière, les personnes détenues dans cinq (5) ECP qui n’étaient pas en isolement ont signalé qu’elles n’avaient pas accès quotidiennement à la cour, entre autres, en raison de confinements cellulaires fréquents et de contraintes d’infrastructures. De plus, dans le cas de certains ECP faisant l’objet d’un suivi, on peut se demander si les cours offrent vraiment un accès au « plein air ». Bien qu’elle comprenne que ce type d’infrastructure répond aux préoccupations en matière de sécurité carcérale, la Société constate que ces espaces se trouvent à l’intérieur des unités et qu’ils sont constitués de sols et de murs en béton, une partie du plafond étant fermé et l’autre étant couverte de grillage à travers duquel on peut entrevoir le ciel.

3.2 Traitement

La présence constante du personnel de l’ASFC dans les CSI lui permet d’avoir des contacts plus étroits avec les personnes détenues en vertu de la LIPR. Ces trois établissements ont un modèle de supervision directe selon lequel des gardien(ne)s sont constamment présent(e)s dans les unités. En plus d’aider à déterminer les besoins des personnes détenues, ce modèle permet également à l’autorité responsable de la détention de cerner de façon proactive les éventuels conflits entre les personnes détenues et de prendre des mesures correctives, comme la médiation ou le changement d’unité. La grande majorité des personnes interrogées dans les CSI faisant l’objet d’un suivi ont déclaré se sentir en sécurité et aucune altercation physique entre les personnes détenues n’a été signalée. Des problèmes entre des personnes détenues et des gardien(ne)s ont été portés à l’attention du PSCD et la direction de l’établissement en question a pris les mesures appropriées pour régler la situation.

Compte tenu du nombre de personnes détenues et de la dynamique liée à la détention criminelle, la situation était différente dans les ECP faisant l’objet d’un suivi. La plupart des unités de ces ECP sont sous supervision indirecte, ce qui signifie que les agent(e)s correctionnel(le)s sont posté(e)s à l’extérieur des unités, ce qui limite leurs interactions avec les personnes détenues. Comme il a été mentionné, des personnes détenues en vertu de la LIPR cohabitent avec des personnes détenues en vertu du Code criminel dans les unités et même dans les cellules dans tous les ECP sauf un. Le recours à la force par le personnel est plus fréquent dans les ECP que dans les CSI. De plus, des personnes détenues consultées dans au moins quatre (4) ECP ont décrit avoir été témoins ou victimes de violence aux mains d’autres personnes détenues. Dans certains de ces établissements, jusqu’à la moitié des personnes consultées en faisaient mention. Certaines ont déclaré avoir été victimes d’agressions graves, comme être poignardées ou battues, et ont révélé ne pas avoir demandé de soins médicaux par crainte de représailles. Il convient de noter que des rapports publics ont été publiés sur des personnes détenues en vertu du Code criminel qui ont été victimes d’homicide dans deux (2) ECP faisant l’objet d’un suivi au cours de la période visée par le rapport et sur des allégations d’agression sexuelle par un agent correctionnel contre des femmes détenues en vertu du Code criminel dans un autre établissement. Ces événements mettent en lumière les graves problèmes de sécurité auxquels sont confrontés certains de ces établissements.

Enfin, les personnes détenues en vertu de la LIPR et placées dans des ECP sont assujetties au même régime disciplinaire et aux mêmes mesures de sécurité que les personnes détenues en vertu du Code criminel, y compris les fouilles à nu.

Recommandations concernant les conditions de détention et de traitement

La Société reconnaît les mesures concrètes prises par l’ASFC pour réduire le recours aux ECP, par l’application plus large des solutions de rechange à la détention et un plus grand recours aux CSI. Toutefois, elle réitère que la cohabitation des personnes détenues en vertu de la LIPR avec des personnes incarcérées en vertu du Code criminel dans les ECP a des conséquences négatives importantes. Pour donner suite à la Réponse de la direction et plan d’action (RDPA) de l’ASFC pour 2018-2019 et 2019-2020, la Société recommande que l’ASFC aille au-delà de la réduction du recours aux ECP et dresse un plan pour éliminer la cohabitation dans un proche avenir, puisque la pratique place les personnes détenues pour des raisons administratives dans des conditions plus restrictives que nécessaire sur lesquelles l’ASFC a peu ou pas de contrôle, et les exposent davantage à un risque de traitement inapproprié.

Jusqu’à ce que des mesures soient mises en place pour éliminer la cohabitation, la Société recommande que l’ASFC continue de réduire le recours aux ECP en faisant ce qui suit :

  • Accroître davantage la disponibilité des SRD spécialisées qui sont équipées pour répondre à une plus grande variété de besoinsNote de bas de page 12;
  • Fournir aux trois CSI une infrastructure, du personnel et des procédures permettant de détenir des personnes ayant des profils encore plus complexes, tout en veillant à ce qu’elles soient détenues conformément aux normes nationales et internationales;
  • Faciliter le transfèrement sollicité des personnes détenues des ECP aux CSI, y compris entre les provinces ou les régions en tenant compte de la proximité de la famille (en collaboration avec les autres autorités concernées)Note de bas de page 13;
  • Améliorer le processus d’évaluation du placement en détention pour déterminer si une personne ayant des antécédents criminels peut être placée dans un CSI plutôt que dans un ECP, en tenant compte de tous les facteurs disponibles qui peuvent mener à une évaluation plus précise de son comportement actuel et de son niveau de risqueNote de bas de page 14.

Si l’ASFC continue de placer les personnes détenues en vertu de la LIPR dans des ECP, la Société recommande que l’ASFC veille à ce que les personnes soient détenues dans des unités spécialisées où elles sont entièrement séparées du reste de la population détenue en vertu du Code criminel afin de réduire le plus possible les répercussions négatives d’un tel placement. De plus, l’ASFC doit éviter les situations de confinement cellulaire pour parvenir à cette séparation. Les conditions dans ces unités, ainsi que l’accès aux activités et aux services, doivent respecter les normes minimales pour les personnes détenues à des fins administratives.

La Société recommande que l’ASFC, quel que soit le lieu de détention, fournisse aux personnes détenues en vertu de la LIPR un accès complet et rapide aux services de santé couverts par le PFSI ou une couverture équivalente, y compris un examen effectué par un(e) professionnel(le) de la santé qualifié(e) dès que possible après leur admission. Une attention particulière devrait être accordée pour répondre aux besoins des personnes les plus vulnérables, y compris celles qui ont reçu un diagnostic de problème de santé mentale ou qui ont déclaré avoir besoin de soutien en santé mentale. De plus, il serait important d’envisager d’étendre cette couverture aux personnes visées par des SRD.

La Société recommande que l’ASFC veille à ce que les personnes détenues pour des raisons d’immigration aient accès à des activités récréatives, culturelles et éducatives, quel que soit leur lieu de détention, ainsi qu’à du matériel de lecture dans des langues qu’elles comprennent. Des activités comme des cours d’anglais et de français, par exemple, seraient très utiles. L’accès à de telles activités est fortement encouragé dans un contexte de détention, car elles sont importantes pour le bien-être d’une personne, y compris son développement personnel, sa santé physique et mentale, ainsi que son inclusion sociale et culturelle. De plus, elles peuvent contribuer à diminuer les effets négatifs de la détention en réduisant le stress et en favorisant des interactions positives avec les autres.

3.3 Accès aux garanties légales et procédurales

Même si des procédures étaient en place dans tous les établissements faisant l’objet d’un suivi pour fournir de l’information aux personnes détenues lors de leur admission, certaines d’entre elles avec qui le PSCD a parlé ont mentionné qu’elles ne comprenaient pas très bien certaines procédures administratives de base, comme la façon d’accéder au téléphone ou de demander des articles de base telle qu’une carte d’appel. Souvent, les personnes détenues se fient aux explications données par leurs pairs.

Le fait de ne pas parler la même langue que le personnel de l’établissement était un problème pour certaines personnes détenues, exceptionnellement dans les CSI et, plus fréquemment dans cinq (5) ECP. Même si certains membres du personnel parlaient la langue de la personne détenue, leur niveau de compétence variait et les membres du personnel possédant les compétences linguistiques nécessaires n’étaient pas toujours disponibles au moment où elles étaient requises. Des personnes détenues ont signalé que le personnel des CSI et les ALD avaient régulièrement recours à des services d’interprétation pendant les interactions.

Dans le cas des personnes détenues qui n’étaient pas en isolement lié à la COVID-19, les ALD ou d’autres agent(e)s exécutant des fonctions d’ALD sont demeuré(e)s essentiellement disponibles pour les ECP faisant l’objet d’un suivi, que ce soit par téléphone ou en personne dans les zones de visite sans contact. Le PSCD reconnaît la contribution des ALD à la satisfaction des besoins immédiats des personnes détenues en vertu de la LIPR qui ont été placées dans des ECP. En particulier, lorsque ils peuvent les joindre, les ALD fournissent de l’information aux personnes détenues, surtout lorsqu’elles sont confrontées à des obstacles linguistiques et facilitent les appels téléphoniques internationaux et l’accès aux services médicaux. Il est également important de noter qu’un contact précoce avec les ALD facilite la continuité des soins pour les personnes détenues qui ont des besoins médicaux.

3.4 Capacité de maintenir le contact avec la famille et les ami(e)s

Bien que, comme il a été mentionné à la section 2.5, l’ASFC et les ECP aient fourni un soutien financier pour les appels téléphoniques, le coût des appels a tout de même été déclaré comme un obstacle au maintien des contacts avec la famille dans les trois (3) CSI et sept (7) ECP, touchant ceux qui ont moins de ressources ou qui doivent appeler des personnes qui vivent dans des pays où les appels coûtent plus cher. Il est possible que ce problème n’ait pas été mentionné dans les autres établissements parce que les personnes présentes au moment de l’activité de suivi n’avaient pas de parents à l’étranger.

Les téléphones étaient facilement accessibles dans les trois (3) CSI. Cependant, l’accès à ceux-ci est demeuré compliqué dans au moins cinq (5) ECP, en raison du temps limité passé hors de la cellule ou de problèmes d’intimidation. Les difficultés d’accès aux téléphones ont un impact direct sur les contacts avec la famille, et sur la capacité d’une personne à communiquer avec des organismes d’aide juridique et des avocat(e)s. Le fait de ne pas maîtriser l’une des langues officielles peut également représenter un obstacle pour la personne qui fait ou reçoit l’appel, car certains systèmes téléphoniques automatisés ne fournissent des instructions qu’en anglais ou en français.

Recommandations concernant les garanties procédurales et les contacts avec la famille

Compte tenu du soutien que peuvent offrir les ALD et des efforts continus de l’ASFC à ce sujet, la Société recommande aux ALD ou autres agent(e)s exerçant des fonctions d’ALD de continuer à tenir des réunions régulières tout au long de la période de détention avec toutes les personnes détenues en vertu de la LIPR dans des établissements provinciaux, qu’elles se soient ou non entretenues avec d’autres agents de l’ASFC. Une attention particulière devrait être accordée aux personnes pendant l’isolement suivant l’admission, l’isolement médical (précaution contre la transmission par gouttelettes) ou d’autres types de confinement à long terme.

La Société recommande fortement le recours à des services d’interprétation professionnels à des moments clés du processus de détention, y compris lors des séances d’orientation dans les établissements, des consultations médicales ou en santé mentale, ou dans le cadre de toute autre interaction importante ou de nature confidentielle, et ce, dans tous les établissements où des personnes sont détenues en vertu de la LIPR. Les membres du personnel des ECP devraient avoir accès à des services d’interprétation, comme le service d’interprétation téléphonique pour faciliter les communications quotidiennes avec les personnes détenues en vertu de la LIPR.

La Société reconnaît les efforts déployés pour favoriser le contact entre les personnes détenues et leur famille afin d’atténuer les effets des mesures sanitaires en réponse à la COVID-19 et recommande que ces efforts se poursuivent même après la pandémie. La technologie améliorée mentionnée dans la RDPA, comme la vidéoconférence, peut mener à des appels internationaux moins coûteux, ce qui est un résultat souhaitable. La Société recommande d’offrir un tel service le plus tôt possible à toutes les personnes détenues pour des raisons d’immigration, quel que soit leur lieu de détention.

Pendant que des solutions à long terme sont en cours d’élaboration, la Société encourage l’ASFC à poursuivre sa collaboration avec les ECP pour mettre en œuvre des solutions provisoires aux problèmes liés aux appels téléphoniques.

La Société recommande que toutes les personnes détenues en vertu de la LIPR puissent recevoir des visites avec contact dès que la situation sanitaire le permettra. Si les visites avec contact ne sont pas possibles à l’établissement de détention où elles se trouvent, l’ASFC devrait envisager de les offrir hors site, par exemple au lieu des Contrôles des motifs de détention lorsqu’elles sont tenues à l’extérieur de l’établissement de détention.

4. Détention de personnes vulnérables et de personnes détenues pendant de longues périodes

Répondre aux besoins des personnes vulnérables est au cœur du mandat du Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Bien que toutes les personnes placées en détention soient vulnérables dans une certaine mesure, puisqu’elles dépendent de l’autorité responsable de la détention pour répondre à leurs besoins fondamentaux, les personnes les plus vulnérables en situation de détention liée à l’immigration sont les enfants et les familles avec enfants; les femmes enceintes; les personnes à risque d’être victimes de violence en raison de leur genre, de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre; les personnes nécessitant un soutien en matière de santé physique et mentale; les personnes vivant avec un handicap; les personnes âgées; les personnes apatrides et celles ayant des besoins particuliers en matière de protection, comme les demandeur(-euse)s d’asile, les victimes de trafic et les personnes survivantes à la torture ou à un traumatisme.

Dans tous les cas de détention pour des raisons liées à l’immigration, la durée de la détention devrait être limitée dans le temps et la décision de détenir devrait être réévaluée régulièrement. Les facteurs à considérer devraient inclure la nécessité, le caractère raisonnable et la proportionnalité de la détention en tenant compte de l’effet négatif cumulatif sur le bien-être de la personne et, le cas échéant, de l’intérêt supérieur des enfants directement touchés.

4.1 Conditions de détention des personnes vulnérables

La Société reconnaît la réduction importante de la présence d’enfants détenus ou accompagnant un parent détenuNote de bas de page 15 dans certaines régions. Le CSI de Laval, où il y avait le plus grand nombre d’enfants au cours des périodes de suivi précédentes, a avisé le PSCD de la présence d’un seul enfant au cours de la période à l’étudeNote de bas de page 16. D’autre part, le nombre d’enfants présents en détention dans la région du Pacifique est comparable à celui d’avant la pandémie : trois enfants ont été signalés en détention aux premier et deuxième trimestres, soit le même nombre signalé aux premier et deuxième trimestres de 2019-2020. La présence d’enfants en détention aux fins d’immigration demeure préoccupante.

Le PSCD a observé la présence de personnes souffrant de problèmes de santé mentale, diagnostiqués ou autodéclarés, dans les trois (3) CSI et dans au moins huit (8) des ECP faisant l’objet d’un suivi. Un soutien spécialisé en santé mentale était offert dans les trois CSI et dans la plupart des ECP faisant l’objet d’un suivi. Cependant, dans bien des cas, il était axé sur la stabilisation plutôt que sur le traitement. Des professionne(le)ls en santé mentale, comme des psychologues, n’étaient pas présent(e)s dans tous les ECP faisant l’objet d’un suivi. De plus, le placement de personnes vulnérables, comme celles souffrant de problèmes de santé mentale, dans des environnements restrictifs comme des ECP, augmente le risque de préjudice, particulièrement pendant la pandémie. La Société a observé le placement de personnes atteintes de problèmes de santé mentale en unités d’isolement dans trois (3) des ECP qui font l’objet d’un suivi, ce qui est préoccupant puisque ces unités sont souvent plus restrictives. La Société a également été avisée que de nombreuses personnes détenues démontrant des tendances suicidaires ont été placées dans des unités de surveillance accrue pour les personnes à risque de suicide, un régime d’isolement nécessitant le port de vêtements indéchirables et faisant l’objet d’une surveillance 24 heures sur 24.

4.2 Conditions de détentions des personnes détenues pendant de longues périodes

La Société demeure préoccupée par les conséquences négatives de la détention prolongée pour des raisons d’immigration, sachant que les préjudices qu’elle entraîne augmente avec le temps passé en détention, que la capacité de composer avec les difficultés de la détention varie d’une personne à l’autre et que les personnes vulnérables sont plus à risque. La Société a observé des personnes détenues pendant plus de trois (3) mois dans au moins sept (7) des établissements faisant l’objet d’un suivi, dont certaines s’y trouvaient depuis un an ou deuxNote de bas de page 17. Certaines des personnes détenues pendant de longues périodes ont reçu un diagnostic de maladie mentale ou ont déclaré souffrir d’une telle maladie, ce qui est particulièrement préoccupant.

Recommandations

La Société reconnaît les efforts déployés par l’ASFC pour réduire le nombre de personnes vulnérables en détention et continue de l’encourager à accroître davantage la disponibilité des SRD dans toutes les régions, afin de pouvoir les offrir à un plus grand nombre de personnes vulnérables. De plus, elle recommande d’offrir des SRD adaptées à une plus grande diversité de personnes ayant des besoins spécialisés, notamment des SRD offertes par des organismes compétents en matière de soins médicaux et de santé mentale qui tiennent compte des traumatismes, étant donné qu’un tel investissement permettra aux autorités responsables de la détention de protéger le bien-être des personnes admissibles. Plus précisément, la Société recommande d’investir dans le développement de SRD adaptées aux personnes dont la détention est de longue durée et aux personnes ayant des besoins particuliers en matière de santé physique et mentale, y compris celles qui ont besoin de soins continus après la détention.

La Société reconnaît la volonté de l’ASFC d’envisager un placement dans un CSI lorsque la détention est jugée nécessaire. La Société est d’avis que le recours aux ECP dans le cas des personnes détenues pour des raisons d’immigration, en particulier les plus vulnérables, est problématique et qu’il faudrait l’éviter. Les ECP visités par la Société offrent peu de soins et de soutien aux personnes détenues en vertu de la LIPR qui ont des besoins spécialisés, comme les personnes qui ont déjà subi un traumatisme ou qui ont besoin de soutien en santé mentale. De plus, les ressources nécessaires pour déterminer et évaluer en permanence les besoins particuliers des personnes vulnérables étaient limitées dans les ECP visités, y compris le peu de possibilités d’interaction avec les agent(e)s de l’ASFC. Des SRD répondant aux besoins particuliers des adultes vulnérables, comme les personnes ayant des problèmes de santé mentale, seraient donc préférables. Lorsque cela n’est pas possible, le placement dans un CSI peut offrir plusieurs avantages par rapport aux ECP qui ont été visités, comme plus d’interactions avec le personnel, plus de liberté de mouvement, plus de possibilités de contacts humains réels, un accès plus facile aux services de base et une infrastructure moins intimidante.

La Société prend note de la RDPA de l’ASFC et recommande ce qui suit :

  • La Société se réjouit de l’importante réduction du nombre d’enfants présents en détention, soulignant qu’elle ne commente pas les mesures extérieures à la détention qui pourraient avoir eu une incidence sur ces données. La Société est d’avis que la présence d’enfants en milieu de détention n’est pas permise conformément aux normes internationales comme la Convention relative aux droits de l’enfant, et souligne que le gouvernement du Canada a exprimé son appui au Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières en « œuvrant à mettre fin à la pratique de la détention d’enfants dans le contexte des migrations internationales » [alinéa 29h)] et en établissant des cadres réglementaires canadiens qui accordent la priorité à l’intérêt supérieur de l’enfant dans le processus décisionnel. La Société recommande fortement de mettre fin à la pratique consistant à placer des enfants dans des établissements de détention, qu’ils soient détenus ou qu’ils accompagnent un parent ou un tuteur légal. Dans les cas où il n’est pas possible de les laisser en liberté, elle recommande d’élaborer des SRD pour permettre le maintien de l’unité familiale en dehors de la détention puisque, dans la grande majorité des cas, cette mesure est dans l’intérêt supérieur de l’enfant.
  • La Société fait remarquer qu’il incombe à l’ASFC de déterminer si la détention d’une personne pour des raisons d’immigration est justifiée et que cette décision devrait être examinée par une autre autorité après 48 heures lors d’un Contrôle des motifs de détention où l’ASFC sera représentée, comme à toutes les audiences subséquentes. Tout en comprenant les responsabilités de l’ASFC en ce qui a trait à la protection du public et de l’intégrité du système d’immigration canadien, il convient de noter que les personnes que la Société est chargée de visiter sont détenues en vertu de la LIPR uniquement en raison de leur statut d’immigrant(e), et non pas parce qu’ils sont accusé(e)s d’un crime ou qu’ils(elles) purgent une peine. Compte tenu de ce qui précède et des effets préjudiciables de la détention (particulièrement quand les conditions sont particulièrement restrictives) et compte tenu du fait que les personnes vulnérables risquent davantage de subir des préjudices en raison de leur détention, la Société réitère ses préoccupations d’ordre humanitaire concernant la présence de personnes vulnérables en détention administrative, comme les demandeurs et les demandeuses d’asile et les personnes souffrant de graves problèmes de santé mentale ou physique.
  • La Société reconnaît que l’ASFC élabore présentement un cadre complet de services médicaux et que des soins de santé de base sont offerts dans tous les établissements faisant l’objet d’un suivi, même si certains ECP accusent des retards. Toutefois, la Société souligne que certains services de soins de santé fournis par la couverture supplémentaire du PFSI, comme les services d’un(e) psychologue, ne sont pas offerts dans certains ECP. Ces services, entre autres, sont importants pour toutes les personnes détenues en vertu de la LIPR qui peuvent en avoir besoin. Par exemple, la thérapie peut permettre de prévenir des comportements à l’origine d’une détermination de « danger pour la sécurité publique » et offrir des solutions de rechange à la détention prolongée.

Conclusion

La Société est un organisme humanitaire indépendant, neutre et impartial. Son mandat, défini dans le droit canadien et dans les statuts du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (le Mouvement), est de prévenir et d’atténuer la souffrance humaine. Les méthodes de la Société en matière de suivi des conditions de détention sont fondées sur les pratiques exemplaires et les processus du Comité international de la Croix-Rouge qui s’efforce d’obtenir depuis plus d’un siècle un traitement et des conditions de détention sans cruauté pour les personnes privées de leur liberté. Dans le contexte de l’intervention entreprise par le Mouvement pour contrer les conséquences humanitaires de la migration, la Société a commencé de surveiller les conditions de détention en 1999. Elle agit conformément à ses Principes fondamentaux en formulant des observations et des recommandations impartiales aux autorités canadiennes dans le but de protéger les droits et d’améliorer les conditions de détention des personnes détenues en vertu de la LIPR.

Les activités de suivi sont administrées par le PSCD de la Société conformément à l’entente conclue entre la Société et l’ASFC pour la période du 28 juin 2017 au 15 juillet 2019 et prolongée jusqu’au 22 février 2021 inclusivement, et conformément à l’entente pour la période du 23 février 2021 au 22 février 2024 inclusivement. Ce rapport présente les observations et les recommandations de la Société relatives à la détention liée à l’immigration à la suite de cinquante-cinq (55) activités de suivi, dont trente-trois (33) activités régulières et vingt-deux (22) activités en réponse à un avis d’événement concernant une personne détenue en vertu de la LIPR, dans quatorze (14) établissements de détention où étaient détenu(e)s des personnes en vertu de la LIPR, d’avril 2020 à mars 2021.

Les constatations et les recommandations énoncées dans le présent rapport visent à améliorer les conditions de détention des personnes détenues pour des raisons d’immigration et sont regroupées sous les thèmes suivants :

  • Conditions de détention en contexte de COVID-19, données et quatre principaux domaines du suivi;
  • Comparaison entre les conditions de détention dans les CSI et les ECP;
  • Conditions de détention des personnes vulnérables et des personnes en détention pendant de longues périodes.

À la lumière de ses observations, la Société formule les principales recommandations suivantes à l’ASFC dans le présent rapport :

  • Poursuivre la mise en œuvre des mesures permettant de réduire le nombre de personnes détenues en vertu de la LIPR;
  • Veiller à mettre en place des mesures pour maintenir des conditions de détention acceptables pendant les périodes d’isolement préventif, d’isolement médical à la suite d’éclosions de COVID-19 et d’autres types de confinement cellulaire;
  • Continuer de réduire la dépendance à l’égard des ECP au moyen de SRD et de placements dans les CSI, en particulier pour les personnes vulnérables, et adopter des mesures pour éliminer la cohabitation à courte échéance;
  • Veiller à ce que les personnes détenues en vertu de la LIPR aient un accès adéquat et rapide aux services de santé couverts par le PFSI ou une protection équivalente;
  • Veiller à ce que les personnes détenues pour des raisons d’immigration aient accès à des activités récréatives, culturelles et éducatives, quel que soit leur lieu de détention;
  • Assurer des contacts des ALD avec toutes les personnes détenues dans un ECP et l’accès à des services d’interprétation professionnels pendant les moments clés de la détention;
  • Offrir des services de vidéoconférence à toutes les personnes détenues pour des raisons d’immigration, quel que soit leur lieu de détention, et veiller à ce qu’elles aient accès à des visites avec contact lorsque la situation de santé publique le permettra;
  • Enfin, mettre fin à la pratique consistant à placer des enfants dans des établissements de détention et améliorer les SRD pour permettre le maintien de l’unité familiale hors de détention.

La Société est prête à discuter des constatations du présent rapport avec l’ASFC et à fournir des commentaires et des conseils objectifs.

Normes pertinentes

CDE
Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (1989)
CCDL
Charte canadienne des droits et libertés (1982)
CE
Comité européen, Déclaration de principes relative au traitement des personnes privées de leur liberté en contexte de la pandémie de coronavirus (COVID-19) (2020)
CICR
Note sur la protection des migrants dans le contexte de la pandémie de COVID-19
CPIO
Directives relatives à la COVID-19 et les personnes privées de liberté (2020)
CTM
Convention des Nations Unies pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille (1990)
CVRC
Convention de Vienne sur les relations consulaires (1963), article 36
EPP
Ensemble de principes des Nations Unies pour la protection de toutes les personnes sous toute forme de détention ou d’emprisonnement (1988)
HCR PD
Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), Principes directeurs relatifs aux critères et aux normes applicables à la détention des demandeurs d’asile et alternatives à la détention (2012)
ONU
Groupe de travail de l’Organisation des Nations Unies sur les solutions de rechange à la détention en contexte de COVID-19 (United Nations Working Group on Alternatives to Immigration Detention, COVID-19 & Immigration Detention: What Can Governments and Other Stakeholders Do?)
PA CADH
Protocole additionnel de l’Organisation des États américains (OEA) à la Convention américaine relative aux droits de l’homme traitant des droits économiques, sociaux et culturels (1988)
PBPPPPLA
Principes et bonnes pratiques de protection des personnes privées de liberté dans les Amériques de l’OEA et de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) (2008
PIRDCP
Pacte international des Nations Unies relatif aux droits civils et politiques (1966)
PMM
Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières (2018)
PMR
Rapport du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, deuxième partie : Pacte mondial sur les réfugiés (2018)
PTP
Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (Protocole contre la traite des personnes) (2000)
RB
Règles des Nations Unies concernant le traitement des femmes détenues et les mesures non privatives de liberté pour les femmes délinquantes (Règles de Bangkok) (2010)
RMT
Assemblée générale des Nations Unies, Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) : Résolution adoptée par l’Assemblée générale le 8 janvier 2016, A/RES/70/175
RDPA
Réponse de la direction et plan d’action de l’ASFC (2018-2020)
RPMPL
Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté (1990)
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