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RB3 2020 IN : Certaines barres d’armature pour béton
Énoncé des motifs - ouverture d’une enquête

De l’ouverture d’une enquête sur le dumping de certaines barres d’armature pour béton originaires ou exportées de l’Algérie, de l’Égypte, de l’Indonésie, de l’Italie, de la Malaisie, de Singapour et du Vietnam.

Décision

Ottawa, le 7 octobre 2020

Le 22 septembre 2020, conformément au paragraphe 31(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, l’Agence des services frontaliers du Canada a ouvert une enquête sur le dumping dommageable présumé de certaines barres d’armature pour béton originaires ou exportées de l’Algérie, de l’Égypte, de l’Indonésie, de l’Italie, de la Malaisie, de Singapour et du Vietnam.

Sur cette page

Résumé

[1] Le 4 août 2020, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a reçu une plainte écrite de la part d’AltaSteel Inc., d’ArcelorMittal Long Products Canada, G.P., et de Gerdau Ameristeel Corporation (ci-après « les plaignantes ») alléguant que les importations de certaines barres d’armature pour béton (communément appelées « barres d’armature ») originaires ou exportées de la République algérienne démocratique et populaire (Algérie), de la République arabe d’Égypte (Égypte), de la République d’Indonésie (Indonésie), de la République italienne (Italie), de la Fédération de Malaisie (Malaisie), de la République de Singapour (Singapour) et de la République socialiste du Vietnam (Vietnam) (ci-après les « marchandises en cause » et les « pays visés ») ont fait l’objet d’un dumping, et que ce dumping a causé et menace de causer un dommage aux producteurs canadiens de barres d’armature.

[2] Le 25 août 2020, conformément à l’alinéa 32(1)a) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation (LMSI), l’ASFC a informé les plaignantes que leur dossier de plainte était complet. Elle a aussi envoyé un avis en ce sens aux gouvernements de l’Algérie, de l’Égypte, de l’Indonésie, de l’Italie, de la Malaisie, de Singapour et du Vietnam.

[3] La plainte contenait des preuves à l’appui des allégations selon lesquelles les marchandises en cause sont sous-évaluées et ce dumping a causé et menace de causer un dommage à la branche de production nationale de marchandises similaires.

[4] Le 22 septembre 2020, conformément au paragraphe 31(1) de la LMSI, l’ASFC a ouvert une enquête sur le dumping présumé de certaines barres d’armature pour béton de l’Algérie, de l’Égypte, de l’Indonésie, de l’Italie, de la Malaisie, de Singapour et du Vietnam.

Contexte

[5] Au fil des ans, il y a eu au Canada plusieurs affaires de dumping et de subventionnement à l’égard des barres d’armature de divers pays. Les affaires en cours sont résumées ci-dessous.

Barres d’armature 1

[6] Le 10 décembre 2014, l’ASFC a rendu des décisions définitives de dumping à l’égard de certaines barres d’armature pour béton originaires ou exportées de la République populaire de Chine (Chine), de la République de Corée (Corée du Sud) et de la République de Turquie (Turquie) et de subventionnement à l’égard de certaines barres d’armature pour béton originaires ou exportées de la Chine.

[7] Le 9 janvier 2015, le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE) a conclu dans l’enquête no NQ-2014-001 que le dumping de barres d’armature de la Chine, de la Corée du Sud et de la Turquie et le subventionnement de barres d’armature de la Chine n’ont pas causé un dommage, mais menaçaient de causer un dommage à la branche de production nationaleNote de bas de page 1. Nous dirons ci-après « les conclusions dans Barres d’armature 1 ».

Barres d’armature 2

[8] Le 3 avril 2017, l’ASFC a rendu une décision définitive de dumping à l’égard de certaines barres d’armature pour béton originaires ou exportées de la République du Bélarus (Bélarus), du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen et Matsu (Taipei chinois), de la Région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine (Hong Kong), du Japon, de la République portugaise (Portugal) et du Royaume d’Espagne (Espagne).

[9] Le 3 mai 2017, le TCCE a conclu dans l’enquête no NQ-2016-003 que le dumping de barres d’armature du Bélarus, du Territoire douanier distinct de Taiwan, Penghu, Kinmen et Matsu (Taipei chinois) (à l’exception de celles exportées par Feng Hsin Steel Co., Ltd.), de Hong Kong, du Japon, du Portugal et de l’Espagne a causé un dommage à la branche de production nationaleNote de bas de page 2. Nous dirons ci-après « les conclusions dans Barres d’armature 2 ».

Parties intéressées

Plaignantes

[10] Les noms et les adresses des plaignantes sont les suivants :

AltaSteel Inc.
9401, 34e Rue
Edmonton (Alberta)
T6B 2X6

ArcelorMittal Long Products Canada, G.P.
4000, route des Aciéries
Contrecœur (Québec)
J0L 1C0

Gerdau Ameristeel Corporation
1, cour Gerdau
Whitby (Ontario)
L1N 5T1

AltaSteel Inc.

[11] La société qui s’appelle aujourd’hui AltaSteel Inc. (AltaSteel) a été fondée en 1955. Elle a changé de mains plusieurs fois; son propriétaire actuel est Kyoei Steel Ltd. AltaSteel est une mini-aciérie d’Edmonton (Alberta) qui récupère la ferraille et comporte des usines de fonte et de moulage. AltaSteel, qui emploie environ 360 personnes, fabrique une variété de barres rondes, plates et carrées pour les fabricants en aval dans les secteurs des mines, du pétrole et du gaz, de l’automobile, de la construction, de l’agriculture et de l’équipement d’origineNote de bas de page 3.

ArcelorMittal Long Products Canada, G.P.

[12] ArcelorMittal Long Products Canada, G.P. (AMLPC), le principal producteur de barres d’armature au Canada, a trois usines de fabrication au Québec. L’usine de Contrecœur-Est produit des barres d’armature sous forme de bobines, tandis que celles de Contrecœur-Ouest et de Longueuil produisent des barres d’armature coupées à longueur. AMLPC, qui emploie plus de 1 900 personnes, fabrique une gamme de produits, notamment des barres d’armature, des billettes, des plats et des fils machineNote de bas de page 4. AMLPC fait partie de la famille de sociétés ArcelorMittal, le premier producteur d’acier dans le monde, qui a des usines dans plus de 60 pays.

Gerdau Ameristeel Corporation

[13] Gerdau Ameristeel Corporation (Gerdau) a des usines de fabrication à Whitby et Cambridge (Ontario) et à Selkirk (Manitoba). Ses trois usines canadiennes sont capables de fabriquer toute la gamme de dimensions et de types de barres d’armature. Gerdau produit aussi des barres de qualité « marchand » (MBQ) et de qualité spéciale (SBQ) sous forme de ronds, de carrés, de profilés en U et de cornières. Sa société mère est Gerdau S.A. du BrésilNote de bas de page 5.

Autres producteurs

[14] Il y a deux autres producteurs de barres d’armature au Canada : Max Aicher North America Ltd. (MANA) et Ivaco Rolling Mills 2004 LP (IRM).

[15] MANA est une filiale en propriété exclusive du groupe de sociétés Max Aicher en Allemagne. En 2010, MANA a acheté à US Steel Canada l’usine de barres et certains autres actifs de l’ancienne Stelco Inc. à Hamilton (Ontario). L’usine de MANA produit des barres sous forme de bobines laminées à chaud et des barres coupées à longueurNote de bas de page 6.

[16] IRM est un producteur de fils machine à L’Orignal (Ontario). IRM, fondée au cours des années 1970, a été achetée par Heico Holdings Inc. en 2004. IRM produit surtout des fils machine et à l’occasion des barres d’armatureNote de bas de page 7.

[17] MANA et IRM ont déposé des lettres à l’appui de la plainte et ont fourni des renseignements sur la production et les ventes de barres d’armatureNote de bas de page 8.

Syndicat

[18] Les plaignantes ont répertorié un syndicat, le Syndicat des Métallos (et ses diverses sections locales), représentant les personnes employées dans la production de barres d’armature au Canada.

Exportateurs

[19] À partir des renseignements contenus dans la plainte et ses propres documents sur les importations, l’ASFC a recensé 75 exportateurs potentiels des marchandises en cause. Elle leur a adressé à tous une demande de renseignements (DDR) concernant le dumping.

Importateurs

[20] À partir des renseignements contenus dans la plainte et ses propres documents sur les importations, l’ASFC a recensé 18 importateurs potentiels des marchandises en cause. Elle leur a adressé à tous une DDR pour importateurs.

Produit

Définition

[21] Aux fins de la présente enquête, les marchandises en cause sont définies comme suitNote de bas de page 9 :

Barres d’armature crénelées pour béton en acier, laminées à chaud, en longueurs droites ou sous forme de bobines, souvent identifiées comme armature, de différents diamètres jusqu’à 56,4 millimètres inclusivement, de finitions différentes, excluant les barres rondes ordinaires et les produits de barres d’armature fabriqués, originaires ou exportées de la République algérienne démocratique et populaire, de la République arabe d’Égypte, de la République d’Indonésie, de la République italienne, de la Fédération de Malaisie, de la République de Singapour et de la République socialiste du Vietnam.

Sont aussi exclues les armatures d’un diamètre de 10 mm (10M) produites selon la norme CSA G30 18.09 (ou selon des normes équivalentes) et revêtues de résine époxyde selon la norme ASTM A775/A 775M 04a (ou selon des normes équivalentes) en longueurs de 1 pied (30,48 cm) jusques et y compris 8 pieds (243,84 cm).

PrécisionsNote de bas de page 10

[22] Il est entendu que les marchandises en cause comprennent toutes les barres à haute adhérence laminées à chaud, fabriquées à partir d’acier à billettes, d’acier à rail, d’acier à essieu, d’acier faiblement allié et d’autres aciers alliés qui ne correspondent pas à la définition de l’acier inoxydable.

[23] Les barres d’armature nues, aussi appelées « non revêtues » ou « noires », servent généralement pour des projets en milieu non corrosif où les revêtements anticorrosion ne sont pas nécessaires. Inversement, celles avec revêtement anticorrosion (par exemple celles avec résine époxyde ou galvanisées à chaud) servent pour des projets de béton qui seront exposés à des agents corrosifs, comme le sel de voirie. Les marchandises en cause incluent les barres d’armature nues et les barres d’armature munies d’un revêtement ou d’un fini de surface.

[24] Les produits de barres d’armature fabriqués sont généralement conçus au moyen de programmes de conception automatisée par ordinateur, et réalisés sur mesure pour les besoins précis du projet d’un client. Ils ont habituellement un revêtement protecteur ou anticorrosif. Les barres d’armature simplement coupées à longueur ne sont pas considérées comme des produits de barres d’armature fabriqués exclus de la définition des marchandises en cause.

[25] Les barres d’armature sont fabriquées au Canada conformément à la Norme nationale du Canada CAN/CSA-G30.18-09(R2019), Barres d’acier au carbone pour l’armature du bétonNote de bas de page 11 (la « Norme nationale »), établie par l’Association canadienne de normalisation (CSA) et approuvée par le Conseil canadien des normes.

[26] Les numéros d’identification suivants sont les plus communs pour les marchandises en cause au Canada; les chiffres entre parenthèses sont le diamètre correspondant à chacun, en millimètres (mm) : 10 (11,3), 15 (16,0), 20 (19,5), 25 (25,2), 30 (29,9), 35 (35,7). Les dimensions des barres d’armature correspondent généralement au numéro d’identification de la barre avec la lettre « M ». Ainsi, une barre 10M a le numéro d’identification 10 et un diamètre de 11,3 mm. Il est possible également d’obtenir d’autres diamètres et d’utiliser d’autres systèmes de mesure. Par exemple, la barre no 7 (approximativement 22 mm) en mesure impériale est une désignation généralement utilisée pour les plafonds de mines.

[27] La Norme nationale précise deux types de barres d’armature, soit ordinaires ou « R » et soudables ou « W ». On privilégie celles du type R pour des usages généraux, et celles du type W lorsqu’il faut tenir compte de facteurs comme le soudage, le cintrage ou la ductilité. Les barres d’armature soudées ont déjà été un produit de première qualité pour l’industrie canadienne, ce qui reflétait le coût plus élevé de l’acier allié; cependant, étant donné que toutes les importations sont des produits soudables, l’industrie canadienne en est venue à fabriquer ceux-ci comme des produits standard. Les barres d’armature soudables peuvent toujours se substituer aux barres d’armature ordinaires dans toutes les applications, mais l’inverse n’est pas vrai.

[28] La Norme nationale fixe également des limites (inférieures) d’élasticité de 300, 400, 500 et 600, chaque chiffre étant une mesure exprimée en mégapascals (MPa). On obtient le type et la limite d’élasticité des barres d’armature en combinant le nombre et le type. Ainsi, 400R correspond à une barre ordinaire ayant une limite d’élasticité de 400 MPa, et 400W, à une barre soudée ayant une limite d’élasticité de 400 MPa. La limite d’élasticité se mesure avec un extensomètre, comme le veut l’article 9 de la Norme nationale.

[29] Bien que leurs longueurs standard soient de 6 mètres (20 pieds), 12 mètres (40 pieds) et 18 mètres (60 pieds), les barres d’armature peuvent être coupées et vendues en d’autres longueurs selon les spécifications des clients, ou vendues en bobines.

FabricationNote de bas de page 12

[30] Les barres d’armature à haute adhérence en acier peuvent être fabriquées dans une aciérie intégrée ou une usine qui utilise des rebuts métalliques ferreux comme matière première. Les rebuts ferreux sont amenés à température de fusion dans un four électrique à arc, puis transformés dans un four-poche. L’acier en fusion est ensuite coulé en continu en billettes d’acier rectangulaires qui seront coupées à longueur. Une usine intégrée pourrait aussi fabriquer des billettes avec l’acier en fusion. Les billettes sont ensuite laminées en barres d’armature de différentes dimensions, qui sont coupées en différentes longueurs selon les exigences des clients.

[31] Les barres d’armature à haute adhérence sont laminées avec des saillies sur la surface, ce qui améliore l’adhérence du béton et assure un renfort. Les saillies doivent respecter les exigences énoncées dans les normes nationales.

UtilisationNote de bas de page 13

[32] Les barres d’armature sont destinées avant tout à la construction. Elles servent surtout à renforcer les structures de béton et de maçonnerie. Rendant le béton plus résistant à la tension et à la compression, elles l’empêchent de se fissurer pendant la cure ou à la suite de changements de température. Les barres d’armature sont également connues comme des « barres de renfort en acier ».

Classement des importations

[33] Les marchandises en cause importées au Canada se classent habituellement sous les numéros de classement tarifaire 7213.10.00.00 et 7214.20.00.00.

[34] Elles se classent aussi plus rarement sous les numéros de classement tarifaire 7215.90.00.90 et 7227.90.00.90.

[35] Les numéros de classement tarifaire ci-dessus sont fournis à titre purement informatif. Ils n’incluent pas toutes les marchandises en cause, et inversement, ils incluent des marchandises non en cause. Seule la définition du produit fait autorité au sujet des marchandises en cause.

Période visée par l’enquête

[36] Les plaignantes recommandent qu’une période visée par l’enquête (PVE) appropriée pour que l’ASFC enquête sur le présume dumping des marchandises en cause aille du 1 juin 2019 au 30 juin 2020Note de bas de page 14. La PVE couvrirait selon elles le temps où la présence des marchandises sous-évaluées sur le marché canadien leur a causé un dommage sensible.

[37] L’ASFC a l’habitude de fixer comme PVE une période de 12 mois qui se termine dans les trois mois avant l’ouverture de son enquête. Cependant, la période de 13 mois recommandée coïncide avec la forte augmentation dommageable présumée des importations de marchandises en cause au Canada à la suite de la levée des mesures de sauvegarde provisoires par le TCCE. Cette période de 13 mois se termine également dans les trois mois avant l’ouverture de l’enquête. Par conséquent, l’ASFC la juge adéquate pour son enquête en dumping.

Marchandises similaires et catégorie unique

[38] Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit les « marchandises similaires » par rapport à toute autre marchandise comme étant « a) des marchandises identiques aux marchandises en cause », ou « b) à défaut, des marchandises dont l’utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause ». En se penchant sur la question des marchandises similaires, le TCCE tient habituellement compte de divers facteurs, notamment les caractéristiques matérielles des marchandises, leurs caractéristiques de marché, et la question de savoir si les marchandises nationales répondent aux mêmes besoins des clients que les marchandises en cause.

[39] Dans ses enquêtes antérieures concernant les barres d’armature, le TCCE avait statué que les barres d’armature canadiennes étaient des marchandises similaires à celles en question. Il avait statué de la sorte dans ses conclusions dans Barres d’armature 1 et Barres d’armature 2Note de bas de page 15. Les plaignantes soutiennent qu’il n’y a eu aucun changement dans les circonstances en ce qui concerne les critères établis par le TCCE dans les procédures antérieures.

[40] L’ASFC est convaincue que les marchandises similaires et les marchandises en cause constituent des produits de base qui se font directement concurrence sur le marché canadien et qu’elles sont tout à fait interchangeables. Après avoir étudié les questions d’utilisation, les caractéristiques matérielles et tous les autres facteurs pertinents, l’ASFC est d’avis que les barres d’armature canadiennes constituent des marchandises similaires aux marchandises en cause, et que les marchandises en cause et les marchandises similaires constituent une catégorie unique de marchandises.

Branche de production nationaleNote de bas de page 16

[41] La branche de production nationale se compose de cinq producteurs : les plaignantes, soit AltaSteel, AMLPC et Gerdau, ainsi que MANA et IRM, qui appuient la plainteNote de bas de page 17. D’après les preuves disponibles, l’ASFC est convaincue que les plaignantes fabriquent à elles seules presque toutes les marchandises similaires produites au Canada, le reste étant imputable à MANA et à IRM.

Conditions d’ouverture

[42] Le paragraphe 31(2) de la LMSI prescrit que les conditions suivantes doivent être réunies pour ouvrir une enquête :

  1. la plainte doit être appuyée par des producteurs nationaux dont la production représente plus de 50 % de la production globale de marchandises similaires par les producteurs nationaux qui appuient la plainte ou s’y opposent;
  2. la production des producteurs nationaux qui appuient la plainte doit représenter 25 % ou plus de la production globale de marchandises similaires par la branche de production nationale.

[43] Les plaignantes, ainsi que MANA et IRM, sont les seuls producteurs de barres d’armature au Canada, et leur production combinée représente 100 % de la production nationale globale de marchandises similaires. Par conséquent, l’ASFC est convaincue que les conditions d’ouverture prévues au paragraphe 31(2) de la LMSI sont réunies.

Marché canadien

[44] Les plaignantes ont estimé le marché intérieur à partir de leurs propres renseignements sur les ventes, de ceux fournis par les deux autres producteurs, MANA et IRM, ainsi que des données publiques sur les importations de l’ASFC de 2016 à mars 2020. Les données sur les importations d’avril et de mai 2020 proviennent de Statistique Canada et celles de juin 2020 sont tirées des données sur les permis d’importation d’Affaires mondiales Canada (AMC)Note de bas de page 18.

[45] L’ASFC a effectué son propre examen indépendant des importations de barres d’armatures à partir de sa propre base de données (Système de gestion de l’extraction de renseignements [SGER]) en fonction des numéros de classement tarifaire sous lesquels les marchandises en cause sont importées des pays visés. De plus, elle a demandé, à sa propre Division de l’observation commerciale, les documents à l’appui des déclarations douanières B3. Cet examen des documents de déclaration douanière a entraîné de nombreux changements aux statistiques sur les importations.

[46] Les données sur les importations de l’ASFC appuient les allégations des plaignantes selon lesquelles les importations de marchandises en cause au Canada en provenance des pays visés ont augmenté et ne sont pas négligeables.

[47] Les règles de confidentialité nous empêchent d’entrer dans le détail des ventes provenant de la production nationale de chaque producteur ainsi que du volume des importations de marchandises en cause. Toutefois, l’ASFC a dressé les tableaux ci-dessous, qui illustrent la part estimative des importations de marchandises en cause au Canada ainsi que le marché canadien dans son ensemble.

Tableau 1
Estimation de l’ASFC de la part des importations
(en fonction du volume)
  2017 2018 2019 Janvier-juin 2020 PVE (juin 2019-juin 2020)
Algérie - - 9,0 % 7,2 % 10,4 %
Égypte - - 6,0 % - 4,4 %
Indonésie 2,7 % 5,5 % 9,0 % 3,3 % 8,8 %
Italie 4,7 % 0,0 % 15,8 % 25,8 % 21,6 %
Malaisie 2,1 % 4,6 % 5,1 % - 3,4 %
Singapour 4,2 % 5,5 % 9,0 % 9,2 % 11,3 %
Vietnam 3,0 % 3,8 % - 21,9 % 9,3 %
Total des importations des pays visés 16,7 % 19,4 % 54,0 % 67,3 % 69,3 %
Importations des pays visés par les conclusions dans Barres d’armature 1 28,3 % 45,2 % 4,2 % 6,7 % 6,3 %
Importations des pays visés par les conclusions dans Barres d’armature 2 - 2,7 % 7,0 % 0,2 % 2,4 %
Importations des États-Unis 54,8 % 32,2 % 15,4 % 24,0 % 19,1 %
Importations de tous les autres pays 0,1 % 0,4 % 19,4 % 1,8 % 2,9 %
Total des importations 100 % 100 % 100 % 100 % 100 %
Les pourcentages étant arrondis, leur somme pourrait ne pas être de 100 %.
Tableau 2
Estimation de l’ASFC du marché canadien
(en fonction du volume)
  2017 2018 2019 Janvier-juin 2020 PVE (juin 2019-juin 2020)
Branche de production nationale 41,1 % 44,8 % 56,1 % 50,6 % 50,9 %
Importations des pays visés          
Algérie - - 43,9 % 3,6 % 5,1 %
Égypte - - 2,6 % - 2,2 %
Indonésie 1,6 % 3,0 % 4,0 % 1,6 % 4,3 %
Italie 2,8 % - 6,9 % 12,7 % 10,6 %
Malaisie 1,2 % 2,5 % 2,2 % - 1,7 %
Singapour 2,5 % 3,0 % 4,0 % 4,5 % 5,6 %
Vietnam 1,8 % 2,1 % - 10,8 % 4,5 %
Total des importations des pays visés 9,8 % 10,7 % 23,7 % 33,3 % 34,0 %
Importations des pays visés par les conclusions dans Barres d’armature 1 16,7 % 24,9 % 1,8 % 3,3 % 3,1 %
Importations des pays visés par les conclusions dans Barres d’armature 2 - 1,5 % 3,1 % 0,1 % 1,2 %
Importations des États-Unis 32,3 % 17,8 % 6,7 % 11,8 % 9,4 %
Importations de tous les autres pays 0,1 % 0,2 % 8,5 % 0,9 % 1,4 %
Total des importations 58,9 % 55,2 % 43,9 % 49,4 % 49,1 %
Marché canadien total 100 % 100 % 100 % 100 % 100 %
Les pourcentages étant arrondis, leur somme pourrait ne pas être de 100 %.

[48] L’ASFC va continuer de recueillir et d’analyser les renseignements sur le volume des importations dans la PVE, soit du 1 juin 2019 au 30 juin 2020, dans le cadre de la phase préliminaire de l’enquête en dumping, et elle affinera ces estimations.

Preuves de dumping

[49] Les plaignantes allèguent que les marchandises en cause des pays visés ont fait l’objet d’un dumping dommageable au Canada. Il y a dumping lorsque la valeur normale des marchandises est supérieure au prix à l’exportation fait aux importateurs au Canada.

[50] La valeur normale sera généralement, soit le prix de vente intérieur des marchandises similaires dans le pays exportateur si le marché y est soumis au jeu de la concurrence, soit la somme du coût de production des marchandises, d’un montant raisonnable pour les frais, notamment les frais administratifs et les frais de vente (FFAFV), et d’un autre pour les bénéfices.

[51] Le prix à l’exportation des marchandises vendues aux importateurs au Canada est la valeur la plus basse entre le prix de vente de l’exportateur et le prix d’achat de l’importateur, moins tous les frais découlant de l’exportation des marchandises.

[52] Un examen des estimations des plaignantes et de l’ASFC pour les valeurs normales et les prix à l’exportation suit.

Valeurs normales

Estimation des plaignantes de la valeur normale

[53] Pour estimer une marge de dumping, les plaignantes disposaient de peu de renseignements sur les prix de vente réels de marchandises similaires faits à des acheteurs non liés dans chacun des pays visés. Elles ont seulement pu obtenir des prix de vente intérieurs des barres d’armature en Égypte d’après des publications de l’industrie sidérurgique. Elles n’ont pu obtenir des prix de vente intérieurs des barres d’armature dans aucun des autres pays visés. Les plaignantes ont donc estimé les valeurs normales et les marges de dumping selon l’article 15 de la LMSI dans le cas de l’Égypte seulement. Elles ont estimé les valeurs normales de tous les pays visés conformément à l’article 19 de la LMSI.

Méthode prévue à l’article 15

[54] Les plaignantes ont fourni les prix intérieurs des barres d’armature de l’Égypte d’après Fastmarkets MB (Metal Bulletin)Note de bas de page 19. Elles ont estimé les valeurs normales de l’Égypte conformément à l’article 15 à partir des prix mensuels publiés par Metal Bulletin. La moyenne trimestrielle de ces prix a été calculée et convertie en dollars canadiens en fonction des taux de change de la Banque du Canada. Le calcul de la marge de dumping, selon l’article 15, a comparé l’offre et le prix de vente au Canada d’après les données sur les importations de Statistique Canada avec les prix intérieurs estimatifs de Metal Bulletin. Les plaignantes ont supposé que le prix à l’exportation aurait été convenu environ deux mois avant l’arrivée au Canada; c’est pourquoi elles ont utilisé les prix intérieurs du trimestre précédent.

Méthode prévue à l’article 19

[55] Les plaignantes ont estimé les valeurs normales selon l’article 19 de la LMSI pour tous les pays visés. L’Égypte a été incluse dans l’estimation des valeurs normales selon l’article 19 afin d’obtenir une estimation plus détaillée de la marge de dumping de ce pays. Les plaignantes ont fondé ces estimations sur la somme de leur propre coût de production, des FFAFV, des frais financiers et d’un montant pour les bénéfices.

[56] Les plaignantes ont déterminé les valeurs normales de tous les pays visés conformément à l’article 19 d’après leurs propres coûts de production, rectifiés pour tenir compte des différences dans les composantes de la main-d’œuvre et des bénéfices en ce qui concerne chaque pays visé. Les plaignantes ont utilisé les données sur les coûts trimestriels de janvier 2019 à mars 2020, décalés d’un trimestre par rapport à l’arrivée des importationsNote de bas de page 20. Elles soulignent que les barres d’armature importées sont habituellement produites en fonction des commandes, puis expédiées vers le Canada; c’est pourquoi il y a un délai de trois mois entre l’achat et l’arrivée au CanadaNote de bas de page 21. Il est important de rapprocher le coût avec la vente à l’exportation en raison des variations du prix de la ferraille, le principal intrant de production des barres d’armature, au cours de la PVE.

[57] Pour les matières premières, les plaignantes ont utilisé les prix de la ferraille et des billettes publiés par Metal BulletinNote de bas de page 22. Puisque Metal Bulletin ne suit pas les prix de la ferraille et des billettes sur chaque marché, les plaignantes ont utilisé le prix disponible (ferraille ou billettes).

[58] Pour les frais de main-d’œuvre, les plaignantes ont utilisé les coûts des quatre principaux producteurs canadiens de barres d’armature (AMLPC, AltaSteel, Gerdau et MANA)Note de bas de page 23, rectifiés en fonction des données sur la main-d’œuvre des gouvernements des pays visés publiées dans TradingEconomics.com ou de celles de l’Organisation internationale du Travail lorsqu’aucune donnée n’était disponible dans TradingEconomics.com.

[59] Les frais indirects se fondent sur les frais indirects de fabrication des plaignantes, une rectification ayant été appliquée à la portion relative aux frais indirects de main-d’œuvre. Ainsi, la rectification relative à la main-d’œuvre des pays visés a été appliquée aux frais indirects de main-d’œuvre des producteurs canadiens qui sont imputables aux frais indirects de fabrication des marchandises similaires.

[60] L’estimation des plaignantes des valeurs normales selon l’article 19 incluait l’ajout des FFAFV, des frais financiers et d’un montant pour les bénéfices. Ces montants ont été calculés à partir des renseignements financiers publics d’un producteur représentatif de chaque pays visé, le cas échéant. Si les états financiers d’un producteur de barres d’armature du pays visé n’étaient pas disponibles, ceux d’un autre producteur d’acier dans le pays visé ou d’un producteur de barres d’armature dans un tiers pays ont été utilisés. Les renseignements et les montants par pays suivent.

[61] Dans le cas de l’Algérie, les plaignantes n’ont pu trouver de renseignements publics pour un producteur dans le pays. Elles ont plutôt estimé les FFAFV, les frais financiers et un montant pour les bénéfices d’après les renseignements publics sur la rentabilité et les coûts du producteur d’acier italien Danieli & C Officine Meccaniche S.p.A. (Danieli)Note de bas de page 24. Danieli est un producteur italien de barres d’armature, ce qui en fait une source de renseignements financiers de remplacement raisonnables pour le calcul des frais et des bénéfices du secteur algérien des barres d’armature en raison de la proximité des deux pays.

[62] Dans le cas de l’Égypte, les FFAFV et les frais financiers ont été estimés d’après les renseignements publics sur la rentabilité et les coûts du producteur de barres d’armature égyptien Ezz Steel Company de janvier à septembre 2019Note de bas de page 25. Cependant, Ezz Steel Company a fait état d’un revenu net négatif au cours de cette période. C’est pourquoi les plaignantes ont utilisé le revenu net déclaré du producteur d’acier italien Danieli afin d’estimer un montant pour les bénéfices.

[63] Dans le cas de l’Indonésie, les FFAFV et les frais financiers ont été estimés d’après les renseignements publics sur la rentabilité et les coûts du producteur de barres d’armature indonésien PT Gunung Raja Paksi Tbk en 2019Note de bas de page 26. Cependant, PT Gunung Raja Paksi Tbk a fait état d’un revenu net négatif au cours de cette période. C’est pourquoi les plaignantes ont utilisé le revenu net avant impôt de 2019 déclaré par le producteur de tuyaux indonésien Steel Pipe Industry of Indonesia Tbk PT afin d’estimer un montant pour les bénéfices.

[64] Dans le cas de l’Italie, les FFAFV, les frais financiers et le montant pour les bénéfices ont été estimés d’après les renseignements publics sur la rentabilité et les coûts du producteur de barres d’armature italien Danieli.

[65] Dans le cas de la Malaisie, les FFAFV et les frais financiers ont été estimés d’après les renseignements publics sur la rentabilité et les coûts du producteur de barres d’armature malaisien Malaysia Steel Works (KL) BHD en 2019Note de bas de page 27. Cependant, Malaysia Steel Works (KL) BHD a fait état d’un revenu net négatif au cours de cette période. C’est pourquoi les plaignantes ont utilisé le revenu net avant impôt de 2019 déclaré par le producteur de tuyaux indonésien Steel Pipe Industry of Indonesia Tbk PT afin d’estimer un montant pour les bénéfices.

[66] Dans le cas de Singapour, les plaignantes n’ont pu trouver de renseignements financiers publics pour un producteur de barres d’armature dans le pays. Elles ont plutôt estimé les FFAFV et les frais financiers d’après les renseignements publics sur la rentabilité et les coûts du producteur de barres d’armature indonésien PT Gunung Raja Paksi Tbk en 2019Note de bas de page 28. Elles ont aussi utilisé le revenu net avant impôt de 2019 déclaré par le producteur de tuyaux indonésien Steel Pipe Industry of Indonesia Tbk PT afin d’estimer un montant pour les bénéfices.

[67] Dans le cas du Vietnam, les FFAFV, les frais financiers et le montant pour les bénéfices ont été estimés d’après les renseignements publics sur la rentabilité et les coûts du producteur de barres d’armature vietnamien Hoa Phat de janvier 2019 à mars 2020Note de bas de page 29.

Allégations aux fins de l’article 20

[68] L’article 20 est une disposition de la LMSI qui peut servir à établir la valeur normale des marchandises dans une enquête en dumping quand certaines conditions sont réunies sur le marché intérieur du pays exportateur. Dans le cas d’un pays désigné au titre de l’alinéa 20(1)a) de la LMSI, l’ASFC applique la disposition si elle juge que le gouvernement de ce pays fixe, en majeure partie, les prix intérieurs et qu’il y a un motif suffisant de croire que les prix en question seraient différents dans un marché où jouerait la concurrence.

[69] Les dispositions de l’article 20 s’appliquent par secteur et non par pays. Le secteur étudié ne comprendra en général que l’industrie qui produit et exporte les marchandises visées par l’enquête en dumping.

[70] Dans une enquête en vertu de l’article 20, l’ASFC se renseigne auprès de diverses sources pour pouvoir se faire une opinion sur la présence ou non, dans le secteur à l’étude, des conditions décrites au paragraphe 20(1) de la LMSI. L’ASFC doit toujours commencer par vérifier si les preuves disponibles (celles données dans la plainte comme celles recueillies par elle-même) justifient l’ouverture d’une telle enquête.

[71] Les plaignantes allèguent que les conditions décrites à l’article 20 de la LMSI existent dans le secteur vietnamien des barres d’armature. Autrement dit, elles allèguent que ce secteur n’est pas soumis au jeu de la concurrence, et donc que les prix des barres d’armature n’y sont pas fiables aux fins de détermination des valeurs normalesNote de bas de page 30.

[72] L’ASFC a examiné les renseignements contenus dans la plainte et a effectué des recherches sur les politiques et les mesures macroéconomiques du gouvernement du Vietnam en ce qui a trait au secteur vietnamien des barres d’armature. D’après sa propre analyse des renseignements à l’appui contenus dans la plainte, l’ASFC ne croit pas que les preuves sont suffisantes pour enquêter sur les allégations aux fins de l’article 20 selon lesquelles le gouvernement du Vietnam fixerait, en majeure partie, les prix dans le secteur des barres d’armature et les prix en question seraient différents dans un marché où jouerait la concurrenceNote de bas de page 31.

Estimation de l’ASFC des valeurs normales

[73] L’ASFC a estimé les valeurs normales de tous les pays visés selon la méthode prévue à l’article 19. L’ASFC juge que les valeurs normales estimées par les plaignantes d’après les renseignements disponibles conformément à l’article 19 sont raisonnables et représentatives.

[74] L’ASFC souligne que les valeurs normales estimées par les plaignantes ne sont pas très spécifiques. Les plaignantes ont fourni une seule valeur normale pour les barres d’armature par trimestre dans la PVE. Cette valeur normale ne tient pas compte d’autres caractéristiques, comme la résistance à la traction et la résistance de rendement ou les dimensions du produit. Cependant, elle a été calculée à partir des coûts associés à la production de toutes les barres d’armature des plaignantes dans la PVE. Ainsi, elle reflète un mélange de divers produits de barres d’armature. D’après l’expérience acquise par l’ASFC dans les enquêtes Barres d’armature 1 et Barres d’armature 2, il pourrait y avoir des différences dans le coût et/ou le prix des divers modèles de barres d’armature en cause. Cependant, aux fins d’ouverture de la présente enquête, l’ASFC juge qu’il est raisonnable de supposer que les marchandises en cause expédiées au Canada dans la PVE refléteraient un mélange de produits semblable à la production des plaignantes au cours de cette période. Ainsi, l’ASFC juge que la valeur normale calculée par trimestre peut raisonnablement représenter les expéditions de marchandises en cause au Canada au cours de cette période, avec les rectifications exposées ci-dessous.

[75] L’ASFC juge que les renseignements sur les intrants de matières premières sont aussi raisonnables aux fins d’ouverture. Elle juge en outre que les rectifications apportées par les plaignantes aux taux de main-d’œuvre des pays visés sont raisonnables aux fins d’ouverture et conformes à ses propres approches adoptées dans le cadre d’enquêtes récentes. Par conséquent, l’ASFC a utilisé les mêmes montants pour les intrants de matières premières et rectifications des taux de main-d’œuvre que ceux employés par les plaignantes pour estimer les valeurs normales conformément à l’article 19.

[76] Au sujet du montant pour les FFAFV estimé par les plaignantes, l’ASFC juge que celui estimé pour l’Algérie est supérieur à celui que pourraient raisonnablement s’attendre à engager les producteurs de barres d’armature dans ce pays. L’ASFC souligne que les plaignantes ont utilisé un montant pour les FFAFV de 4,4 % pour l’Égypte d’après l’information d’un producteur de barres d’armature égyptien. L’ASFC juge qu’il n’est pas raisonnable d’appliquer des montants pour les FFAFV nettement supérieurs aux producteurs de barres d’armature opérant dans des marchés comparables (39,3 % pour l’Algérie contre 4,4 % pour l’Égypte). L’ASFC a donc utilisé le montant pour les FFAFV de 4,4 % et celui pour les frais financiers de 9,6 % que les plaignantes ont fournis pour l’Égypte afin d’estimer les valeurs normales conformément à l’article 19 aux fins de cette analyse. L’ASFC a accepté tous les autres montants pour les FFAFV et les frais financiers estimés par les plaignantes afin d’estimer les valeurs normales aux fins d’ouverture.

[77] Au sujet du montant pour les bénéfices, la sélection par les plaignantes des producteurs de l’Indonésie, de l’Italie et du Vietnam comme sources de renseignements de remplacement aux fins de calcul de ce montant est conforme à la hiérarchie prévue à l’alinéa 11(1)b) du Règlement sur les mesures spéciales d’importation. Le montant pour les bénéfices de l’Algérie, de l’Égypte, de la Malaisie et de Singapour se fonde sur les renseignements disponibles concernant les bénéfices globaux du pays visé voisin le plus proche. Faute d’autres renseignements contenus dans la plainte ou renseignements publics, l’ASFC juge que ces estimations sont raisonnables pour l’estimation des valeurs normales aux fins d’ouverture.

Prix à l’exportation

[78] Le prix à l’exportation de marchandises vendues à un importateur au Canada sera généralement déterminé selon l’article 24 de la LMSI, comme étant la valeur la plus basse entre le prix de vente de l’exportateur et le prix auquel l’importateur aura acheté ou convenu d’acheter les marchandises, moins tous les frais, droits et taxes imputables à l’exportation elle-même.

[79] Les plaignantes ont estimé les prix à l’exportation à partir des données sur les importations de Statistique Canada pour les numéros de classement tarifaire 7213.10.00.00 et 7214.20.00.00 du 1 juin 2019 au 31 mai 2020 et des données sur les permis d’importation d’AMC du 1 au 30 juin 2020 pour tous les pays visés, à l’exception de l’Algérie et du Vietnam. Les plaignantes ont estimé un prix à l’exportation moyen pour chaque pays visé d’après la moyenne pondérée des valeurs en douane déclarées à la tonne métrique (tm) au cours de chaque trimestre de la PVE.

[80] L’ASFC a estimé les prix à l’exportation de chaque pays visé d’après les valeurs en douane déclarées sur les documents de déclaration douanière et entrées dans le SGER pour chaque expédition au Canada au cours de la PVE.

[81] L’ASFC a examiné les documents de déclaration douanière des marchandises en cause importées au Canada pour discerner les différentes transactions, qui représentaient 52 % de toutes les importations des pays visés dans la PVE en fonction du volume. L’ASFC a rectifié les données du SGER afin de corriger toute erreur liée à la quantité, à la valeur et à l’origine d’après les documents présentés par les importateurs et les courtiers en douane.

Marges estimatives de dumping

[82] Pour estimer les marges de dumping des pays visés, l’ASFC a comparé toutes les valeurs normales estimatives avec la moyenne pondérée de tous les prix à l’exportation estimatifs. Il ressort de cette analyse que les marchandises en cause importées de chacun des pays visés au Canada étaient sous-évaluées. Les marges estimatives de dumping sont présentées dans le tableau ci-dessous.

Tableau 3
Marges estimatives de dumping
(en pourcentage du prix à l’exportation)
Pays visés Marges estimatives de dumping
Algérie 20,2 %
Égypte 11,4 %
Indonésie 13,0 %
Italie 58,8 %
Malaisie 14,0 %
Singapour 15,9 %
Vietnam 16,6 %

Preuves de dommage

[83] Les plaignantes allèguent, premièrement qu’il y a eu dumping des marchandises en cause, et deuxièmement que ce dumping a causé et menace de causer un dommage sensible à l’industrie des barres d’armature au Canada. À l’appui de leurs allégations, les plaignantes ont donné des preuves de la perte de ventes et de part du marché, de la baisse, du gâchage, de l’effritement et de la compression des prix, ainsi que de la réduction de la rentabilité, de la production et de l’utilisation de la capacitéNote de bas de page 32.

Contexte et volume des importations

[84] Les plaignantes affirment que les marchandises en cause ont commencé en 2017 à faire leur apparition en volumes élevés sur le marché intérieur, qui était auparavant dominé par les importations sous-évaluées des pays visés dans l’affaire Barres d’armature 2 ainsi que celles de la Turquie, visée par les conclusions dans Barres d’armature 1. Après les conclusions dans Barres d’armature 2, les marchandises en cause sont rapidement devenues les chefs de file en matière de bas prix sur le marché canadienNote de bas de page 33.

[85] Selon les données contenues dans la plainte, les importations des pays visés ont augmenté de 184,6 % de 2017 à 2019. D’après les données disponibles, elles devraient continuer d’augmenter, de plus de 250 % au premier semestre (S1) de 2020 par rapport au S1 de 2019Note de bas de page 34.

[86] L’information recueillie par l’ASFC indique que le volume total des importations de barres d’armature des pays visés a augmenté de 177,2 % de 2017 à 2019. Dans l’ensemble, les importations de marchandises en cause ont augmenté de 332,2 % dans la PVE par rapport au total de 2017.

[87] L’analyse de l’ASFC des données sur les importations appuie l’allégation d’augmentation considérable du volume des importations de marchandises présumées sous-évaluées.

Perte de ventes et baisse des prix

[88] Les plaignantes allèguent que les importations de marchandises en cause en provenance des pays visés ont fait baisser les prix sur le marché canadien et ont conquis une part du marché en offrant de bas prix pour obtenir l’acceptation du marché. Cette situation a obligé les plaignantes à réduire leurs propres prix, ce qui a nui à leurs recettes et à leur rentabilitéNote de bas de page 35.

[89] Les plaignantes ont donné des exemples de cas où elles ont perdu des ventes ou ont dû réduire leurs prix pour concurrencer les importations de marchandises en causeNote de bas de page 36.

[90] D’après les renseignements contenus dans la plainte, l’ASFC est d’accord avec les plaignantes et juge que la baisse des prix et la perte de ventes sont étayées et ont une corrélation suffisante avec le présumé dumping des marchandises en cause en provenance des pays visés.

Gâchage des prixNote de bas de page 37

[1] Les plaignantes affirment que les marchandises présumées sous-évaluées ont conquis une part du marché aux dépens de la branche de production nationale en gâchant les prix des producteurs nationaux. Malgré les frais de transport longue distance, les barres d’armature des pays visés sont offertes à des prix inférieurs à ceux des producteurs canadiens.

[2] À l’appui de cette allégation, les plaignantes ont donné des exemples propres aux comptes de prix des marchandises en cause nettement inférieurs à leurs propres prix. De plus, il ressort des données sur les importations fournies par les plaignantes que les prix des barres d’armature des pays visés (à l’exception de l’Algérie et du Vietnam) sont nettement inférieurs aux prix intérieurs canadiens depuis 2018. Cependant, les plaignantes affirment que, d’après leurs propres renseignements commerciaux et les données de Statistique Canada par province de dédouanement, les prix pour l’Algérie et le Vietnam sont aussi nettement inférieurs à ceux de la branche de production nationaleNote de bas de page 38.

[3] D’après ce qui précède, et sa propre analyse des renseignements contenus dans la plainte, l’ASFC juge que le gâchage des prix est étayé et a une corrélation suffisante avec le présumé dumping.

Effritement et compression des prix

[94] Les plaignantes soutiennent avoir subi un effritement et une compression des prix en 2019 et 2020 en raison de l’augmentation du volume des importations de marchandises en causeNote de bas de page 39. Elles soutiennent que la valeur unitaire moyenne de leurs barres d’armature a diminué du deuxième trimestre (T2) de 2019 au T2 de 2020. La baisse des prix intérieurs a entraîné une réduction de la marge bruteNote de bas de page 40.

[95] Le prix de vente moyen des marchandises en cause au Canada du T2 de 2019 au T2 de 2020 demeure nettement inférieur à celui de la branche de production nationale. Comme il est indiqué dans la plainte, la valeur nette des ventes à la tm de la branche de production nationale a diminué d’un trimestre à l’autre en raison de l’augmentation considérable des importations des pays visés à compter du T2 de 2019Note de bas de page 41.

[96] Dans l’ensemble, les résultats financiers des plaignantes sont à la baisse et leur marge brute a grandement diminué à compter du T2 de 2019. L’ASFC en conclut que les pertes financières des plaignantes peuvent être raisonnablement imputées à l’effritement et à la compression des prix dus au présumé dumping en provenance des pays visés.

Perte de part du marché

[97] Les plaignantes affirment que les pays visés ont accru leur part du marché depuis 2017 en offrant les barres d’armature à des prix bas dommageables pour la branche de production nationaleNote de bas de page 42.

[98] L’estimation des plaignantes du marché canadien de 2017 au S1 de 2020 indique que la part du marché occupée par les marchandises en cause est passée de 9 % en 2017 à 21 % en 2019 à 31 % au S1 de 2020. Les plaignantes soulignent en outre que les marchandises en cause ont conquis une part du marché occupée par les importations d’autres pays, surtout la Turquie (il y a eu un changement de sources chez les importateurs). De plus, les États-Unis ont perdu une part du marché, ce qui est imputé à leurs prix à l’exportation historiquement plus élevésNote de bas de page 43.

[99] Les plaignantes affirment que la tendance trimestrielle montre l’incidence directe du présumé dumping en provenance des pays visés. En effet, les ventes de la branche de production nationale sur le marché intérieur ont diminué depuis la période du T2 de 2019 au T2 de 2020, tandis que les ventes des marchandises en cause sur le marché intérieur ont augmenté ou sont demeurées élevées depuis la période du T1 de 2019 au T2 de 2020Note de bas de page 44.

[100] L’analyse de l’ASFC du marché canadien indique une baisse de la part du marché de la branche de production nationale de 2019 au S1 de 2020. En revanche, les pays visés ont collectivement accru leur part du marché de 2017 à 2019 et à nouveau au S1 de 2020.

[101] D’après sa propre analyse des renseignements contenus dans la plainte et sa propre estimation des importations, l’ASFC juge que l’allégation des plaignantes de perte de part du marché est raisonnable et bien étayée. Elle est d’avis que ce facteur de dommage a une corrélation suffisante avec le présumé dumping.

Mauvais résultats financiers

[102] Les plaignantes allèguent que leurs résultats financiers témoignent de l’effet dommageable du dumping. À l’appui de cette allégation, les plaignantes ont présenté leurs résultats financiers de 2017 au S1 de 2020.

[103] L’ASFC a examiné ces renseignements et juge qu’il y a une tendance à la hausse annuelle de 2017 à 2019 en ce qui a trait au revenu net de la branche de production nationale. Cependant, il est important de souligner qu’une tendance à la baisse se dégage du T1 de 2019 au T2 de 2020 lorsque les renseignements sont examinés par trimestreNote de bas de page 45.

[104] Bien que le revenu net de la branche de production nationale ait augmenté de 2017 à 2019, l’ASFC souligne que la tendance à la baisse des recettes et de la rentabilité dans la PVE semble appuyer l’allégation de dommage financier. D’après les renseignements contenus dans la plainte, l’ASFC juge que les mauvais résultats financiers des plaignantes ont une corrélation suffisante avec le présumé dumping.

Réduction de la production et de l’utilisation de la capacité

[105] Les plaignantes font valoir que le présumé dumping des barres d’armature des pays visés a entraîné une sous-utilisation de la capacité de production. Les données fournies par les plaignantes regroupent les renseignements sur la production et la capacité.

[106] L’ASFC a analysé les renseignements fournis et souligne que la production a diminué de 2018 au S1 de 2020. De plus, le taux d’utilisation de la capacité des plaignantes a diminué de 2018 à 2019 et à nouveau au S1 de 2020Note de bas de page 46.

[107] D’après les renseignements contenus dans la plainte, l’ASFC juge que la sous-utilisation de la capacité de production des plaignantes a une corrélation raisonnable avec le présumé dumping en provenance des pays visés.

Investissements

[108] AMLPC soutient que les importations continues en provenance des pays visés retarderaient tout au moins ses investissements en immobilisations et qu’elles nuisent grandement à sa compétitivitéNote de bas de page 47.

[109] L’ASFC juge que l’allégation telle que décrite dans la plainte ne semble pas indiquer un dommage puisqu’aucune preuve du dommage subi à cet égard n’est donnée. L’ASFC a plutôt retenu l’allégation comme facteur de menace de dommage et juge qu’il y a une corrélation raisonnable avec le présumé dumping en provenance des pays visés.

Conclusion de l’ASFC concernant le dommage

[110] Dans l’ensemble, d’après les preuves données dans la plainte et les renseignements supplémentaires tirés de ses propres recherches et documents douaniers, l’ASFC juge que les preuves indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en cause en provenance des pays visés a causé un dommage à l’industrie des barres d’armature au Canada. La nature du dommage subi est bien étayée en ce qui a trait à la perte de ventes et de part du marché, à la baisse, au gâchage, à l’effritement et à la compression des prix, ainsi qu’à la réduction des bénéfices, de la production et de l’utilisation de la capacité.

Menace de dommage

[111] Les plaignantes allèguent que le dumping des marchandises en cause menace de causer encore un dommage sensible aux producteurs nationaux de barres d’armature. Elles ont fourni les renseignements ci-dessous à l’appui de leur allégation.

Conditions du marché international

[112] Les plaignantes soulignent que la pandémie de COVID-19 aura une incidence sur les marchés international et intérieurs du Canada et des pays visés. Le Fonds monétaire international (FMI) indique que la pandémie a provoqué une récession mondiale, affirmant qu’elle a eu une plus grande incidence négative que prévu au S1 de 2020 et qu’une reprise plus graduelle est maintenant envisagéeNote de bas de page 48.

[113] Les plaignantes affirment que trois autres développements mondiaux importants influent actuellement sur le marché des barres d’armature, chacun d’entre eux faisant croître la menace de dommage présentée par les marchandises en cause pour la branche de production nationale. Premièrement, les perspectives de la demande mondiale en acier et en barres d’armature sont faibles. Deuxièmement, les prix mondiaux des barres d’armature sont à la baisse. Troisièmement, le marché de l’acier, qui comprend les barres d’armature, affiche une surcapacité.

[114] Les plaignantes ont fourni des renseignements à l’appui, notamment des évaluations du marché de Fastmarkets MBNote de bas de page 49, de la World Steel AssociationNote de bas de page 50, de CRU International Ltd.Note de bas de page 51, du Forum mondial du G20Note de bas de page 52, du Comité de l’acier de l’Organisation de coopération et de développement économiquesNote de bas de page 53 et de l’Institut de la sidérurgie du Sud-Est asiatiqueNote de bas de page 54.

[115] L’ASFC convient que les preuves indiquent que les perspectives économiques internationales sont généralement faibles et que le marché et la demande pour les barres d’armature sont faibles et subissent la pression de la surcapacité massive dans l’industrie sidérurgique mondiale, sans compter la baisse des prix mondiaux des barres d’armature.

Affaiblissement du marché de l’acier et de l’économie en Europe

[116] Les plaignantes soutiennent que l’affaiblissement du marché de l’acier en Europe est le reflet de la conjoncture économique du continent dans son ensemble. Elles ajoutent que pour cette raison, les pays européens et autres qui exportent normalement vers l’Europe seront à la recherche de nouveaux débouchés, ce qui touche directement les producteurs de barres d’armature italiensNote de bas de page 55.

[117] La Commission européenne prévoit que le produit intérieur brut de l’Union européenne et celui de la zone euro se contracteront de plus de 8 % en 2020Note de bas de page 56. Par ailleurs, en raison des mesures de confinement à la suite de la pandémie, l’économie de l’Union européenne est entrée en récessionNote de bas de page 57, et les nouvelles commandes pour ses fabricants d’acier ont reculé d’environ 75 %Note de bas de page 58.

[118] Les plaignantes affirment en outre que le marché de l’acier de l’Union européenne fait face à une hausse des importationsNote de bas de page 59. En effet, les importations de produits d’acier longs (en pourcentage de la part du marché) ont atteint un record quinquennal de 14 % au T3 de 2019Note de bas de page 60. Selon CRU, l’industrie sidérurgique européenne a réduit ou immobilisé sa capacité en fonction de la demande et des restrictions liées à la pandémie. Les plaignantes ajoutent que cette situation exercera une pression accrue sur les prix des barres d’armature et qu’une fois les activités relancées après la pandémie, les importations et la surcapacité continueront de présenter un risque pour les producteurs d’acier de l’Union européenneNote de bas de page 61.

[119] CRU indique que la demande en barres d’armature dans l’Union européenne a augmenté en 2017 avant de diminuer en 2018 et 2019. La demande devrait se redresser quelque peu en 2020 et encore en 2021. Cependant, les niveaux de consommation n’égaleront pas ou ne dépasseront pas ceux de 2017 avant 2022Note de bas de page 62.

[120] Les plaignantes soutiennent que les producteurs de barres d’armature italiens devront se tourner vers d’autres marchés d’exportation, y compris le Canada, pour composer avec la baisse de la demande et la hausse des importations en EuropeNote de bas de page 63. D’après sa propre analyse des renseignements contenus dans la plainte, l’ASFC reconnaît que les conditions du marché en Europe pourraient encourager les producteurs de barres d’armature à cibler certains marchés d’exportation, dont le Canada.

Faiblesse du marché de l’acier et de l’économie en Asie du Sud-Est

[121] Les plaignantes soutiennent que la production d’acier dans les six pays de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande et Vietnam) a augmenté de 15,1 % de 2017 à 2018, mais que l’utilisation de la capacité pour les produits longs n’était que de 49,8 % en 2018. De plus, l’Institut de la sidérurgie du Sud-Est asiatique indique que la consommation demeure stagnante, tandis que la production augmente et l’industrie affiche une surcapacité. La production d’acier long a augmenté de 9,3 % et les exportations, de 26,2 % au S1 de 2019 par rapport au S1 de 2018Note de bas de page 64. Les plaignantes ajoutent qu’en raison de cette surproduction et de la domination chinoise du marché régional, il est probable que les exportations se poursuivrontNote de bas de page 65.

[122] CRU prévoit que la demande en barres d’armature en Asie diminuera en 2020 avant d’augmenter en 2021 et 2022. La production excédentaire augmentera aussi pour se chiffrer à 1 million de tm en 2021 et à 1,3 million de tm en 2022, contre 0,2 million de tm en 2020Note de bas de page 66.

[123] Le FMI estime qu’en raison de la COVID-19, les économies indonésienne, malaisienne, philippine, thaïlandaise et vietnamienne connaîtront une contraction de 2,0 % en 2020, suivie d’une croissance de 6,2 % en 2021. Le FMI indique en outre que la croissance de la région asiatique dans son ensemble sera nulle en 2020, soit la pire performance en 60 ansNote de bas de page 67.

[124] Les plaignantes soutiennent que cette surproduction d’acier sera exportée des pays visés en Asie du Sud-Est et continuera d’être destinée à des pays comme le CanadaNote de bas de page 68. D’après sa propre analyse des renseignements contenus dans la plainte, l’ASFC reconnaît que les conditions du marché en Asie du Sud-Est pourraient encourager les producteurs de barres d’armature à cibler certains marchés d’exportation, dont le Canada.

Faiblesse du marché de l’acier et de l’économie en Afrique

[125] Les plaignantes affirment que, même avant la pandémie, l’assainissement des finances publiques avait limité la croissance en AfriqueNote de bas de page 69. Selon le FMI, les économies de l’Afrique du Nord, dont l’Algérie et l’Égypte, connaîtront une contraction de 3,3 % en 2020, suivie d’une croissance de 4,2 % en 2021Note de bas de page 70.

[126] CRU prévoit que la capacité de production excédentaire des barres d’armature diminuera de 2020 à 2022, mais qu’elle demeurera supérieure à 5,8 millions de tm, avec des taux d’utilisation inférieurs à 71 %Note de bas de page 71.

[127] Les plaignantes soutiennent que la production industrielle sera plus touchée par la pandémie cette année. Par rapport aux autres régions, l’Afrique affiche de faibles capacités sidérurgiques immobilisées et pertes de capacités dues aux activités réduitesNote de bas de page 72.

[128] L’ASFC convient que les preuves indiquent que les conditions actuelles du marché en Afrique mèneront probablement les producteurs de barres d’armature à se tourner vers les marchés d’exportation, ce qui présentera une menace de dommage pour la branche de production nationale.

Conditions du marché dans les pays visés

[129] Les plaignantes affirment que les producteurs de barres d’armature dans chacun des pays visés ont renforcé leurs capacités ou disposent d’une capacité excédentaire considérable. Les pays visés continuent d’afficher une surproduction et une propension à l’exportation, auxquelles s’ajoutent les sombres perspectives économiques dues à la pandémie de COVID-19. Les plaignantes associent la capacité des producteurs des marchandises en cause à leur susceptibilité d’exporter vers le Canada. À cet égard, elles abordent la demande intérieure dans les pays visés, les importations en provenance d’autres pays, les exportations d’acier vers d’autres marchés, comme le Canada, ainsi que les perspectives économiques dans les pays visésNote de bas de page 73.

[130] L’ASFC convient que les preuves indiquent que les conditions actuelles du marché dans les pays visés mèneront probablement les producteurs de barres d’armature à se tourner vers les marchés d’exportation, ce qui présentera une menace de dommage pour la branche de production nationale.

Mesures antidumping prises par le Canada et d’autres pays à l’égard de marchandises de même description ou de marchandises similaires

[131] Les plaignantes énumèrent des conclusions rendues par le Canada à l’égard de l’Indonésie, de l’Italie et du Vietnam ainsi qu’une enquête antidumping sur la Malaisie comme preuves de la propension de certains producteurs à pratiquer le dumping au CanadaNote de bas de page 74.

[132] Au sujet des recours commerciaux ailleurs, l’Australie, la Malaisie, le Maroc, les États-Unis et le Vietnam ont pris de telles mesures ou doivent rendre des décisions concernant divers produits de l’acier, y compris les barres d’armature, en provenance des pays visés, notamment l’Indonésie, l’Italie et Singapour. Les plaignantes soutiennent que la présence de ces recours commerciaux accroît encore plus la vraisemblance que ces producteurs exportent des volumes considérables de barres d’armature sous-évaluées au Canada en l’absence de conclusionsNote de bas de page 75.

[133] L’ASFC convient que les pays visés ci-dessus semblent avoir une propension à pratiquer le dumping de l’acier, y compris les barres d’armature.

Conditions du marché intérieur

[134] Citant Recherche économique RBC et la Banque TD, les plaignantes affirment qu’en raison de la pandémie, une récession de l’économie canadienne est maintenant prévue et que, même avant la pandémie, les prix très bas du pétrole avaient jeté une ombre au tableau. En effet, il est prévu qu’à la fin de 2021, la production dans le secteur du pétrole et du gaz sera de 20 % inférieure aux niveaux enregistrés avant la crise. Cependant, les plaignantes ajoutent qu’il y a aussi des indicateurs positifs d’une reprise économique en 2021Note de bas de page 76.

[135] CRU prévoit que la demande en barres d’armature au Canada diminuera en 2020 et 2021, puis stagnera en 2022. Les plaignantes soutiennent qu’en raison du ralentissement de la demande, il y aura une pression à la baisse sur les prix, ce qui nuira aux producteurs nationaux. De plus, les plaignantes affirment que le fait que les prix des barres d’armature sur le marché canadien sont habituellement plus élevés que dans d’autres régions attirera des exportateursNote de bas de page 77. L’ASFC est d’avis que cette combinaison de facteurs entraînera le maintien des pressions exercées sur les prix dans la branche de production nationale dans un avenir rapproché.

Réorientation des produits

[136] Les plaignantes affirment qu’une réorientation des produits est aussi possible puisque les barres d’armature coupées à longueur peuvent être produites à l’aide du même matériel que les barres MBQ et SBQ. De même, les barres d’armature sous forme de bobines peuvent être produites à l’aide du même matériel que les fils machine. Les plaignantes ajoutent que cette possibilité a été soulignée par le TCCE dans Barres d’armature 2. De plus, les plaignantes affirment que, vu les nombreuses conclusions en vigueur à l’égard d’autres produits de l’acier, il pourrait y avoir réorientation des produits des pays visés si des conclusions ne sont pas renduesNote de bas de page 78.

[137] L’ASFC souligne que la réorientation des produits abordée ci-dessus pourrait considérablement accroître la capacité de production de barres d’armature des pays visés. L’ASFC reconnaît aussi que cette situation pourrait faire croître les volumes des marchandises en cause offertes sur le marché canadien.

Statut de produit de base des barres d’armature

[138] Les plaignantes soutiennent que le prix est le principal facteur entrant dans la décision d’achat puisque les barres d’armature constituent un produit de base. Compte tenu également de la forte intensité capitalistique de la production d’acier, les producteurs de barres d’armature sont incités à maintenir les niveaux de production afin de protéger leurs investissements en immobilisations. Les plaignantes affirment que, vu la faiblesse de la demande mondiale, la production sera un impératif de court à moyen terme, et les producteurs se feront concurrence pour obtenir des ventes limitées sur le marché canadienNote de bas de page 79. D’après les preuves données, l’ASFC est d’accord avec cette évaluation.

Augmentation du volume

[139] Les plaignantes affirment que le volume des importations de barres d’armature des pays visés est passé de 4 306 tm en 2016 à 99 125 tm en 2017 à 143 183 tm en 2018 à 282 123 tm en 2019. Les importations des pays visés ont totalisé 185 417 tm au S1 de 2020, soit plus du triple du total au S1 de 2019Note de bas de page 80. Les plaignantes soutiennent que, vu ce taux élevé d’augmentation, une hausse considérable des importations de marchandises en cause sous-évaluées est vraisemblable si des conclusions ne sont pas renduesNote de bas de page 81.

[140] D’après les preuves données par les plaignantes et celles disponibles, l’ASFC convient que les volumes de marchandises en cause continueront vraisemblablement d’augmenter.

Prix susceptibles d’entraîner une baisse ou une compression importante

[141] Les plaignantes allèguent qu’en raison des prix très bas continus des marchandises en cause des pays visés, la branche de production nationale fera face à une baisse et à une compression importantes des prix, à une perte de recettes, de part du marché et d’investissements, ainsi qu’à des mises à piedNote de bas de page 82.

[142] D’après sa propre analyse des renseignements contenus dans la plainte, l’ASFC reconnaît que le volume élevé d’importations en provenance des pays visés à des prix présumés sous-évalués pourrait encore avoir un effet baissier sur le prix des marchandises similaires, ce qui causerait encore un dommage aux plaignantes.

Conclusion de l’ASFC concernant la menace de dommage

[143] La plainte donne des preuves raisonnables de menace de dommage pour l’industrie des barres d’armature au Canada. Les renseignements contenus dans la plainte indiquent que la faiblesse de la demande, la capacité excédentaire dans le monde, la conjoncture économique en Europe, en Asie et en Afrique, les conditions du marché dans les pays visés, les mesures commerciales en vigueur, les conditions du marché intérieur, la réorientation des produits, le statut de produit de base des marchandises en cause, l’augmentation du volume et la réduction des prix, tel que décrit ci-dessus, présentent collectivement une menace pour la branche de production nationale.

Lien de causalité entre le dumping et le dommage

[144] L’ASFC juge que la plainte a bien su associer le dommage subi – en termes de perte de ventes et de part du marché, de baisse, de gâchage, d’effritement et de compression des prix et de réduction des bénéfices, de la production et de l’utilisation de la capacité – au présumé dumping des marchandises en cause au Canada.

[145] Les plaignantes soutiennent que le dumping continu en provenance des pays visés causera encore un dommage à la branche de production nationale à l’avenir. Comme nous l’avons déjà vu, l’ASFC est d’avis que cette allégation de menace de dommage est raisonnablement étayée.

[146] En résumé, l’ASFC est d’avis que les renseignements contenus dans la plainte indiquent, de façon raisonnable, que le présumé dumping a causé et menace de causer un dommage à la branche de production nationale.

Conclusion

[147] D’après les renseignements contenus dans la plainte, les autres renseignements disponibles et ses propres documents sur les importations, l’ASFC est d’avis que les preuves indiquent que les barres d’armature originaires ou exportées de l’Algérie, de l’Égypte, de l’Indonésie, de l’Italie, de la Malaisie, de Singapour et du Vietnam sont sous-évaluées, et qu’il y a une indication raisonnable que ce dumping a causé et menace de causer un dommage à la branche de production nationale. Par conséquent, conformément au paragraphe 31(1) de la LMSI, l’ASFC a ouvert une enquête en dumping le 22 septembre 2020.

Portée de l’enquête

[148] L’ASFC enquête pour déterminer si les marchandises en cause ont fait l’objet d’un dumping.

[149] L’ASFC a demandé des renseignements à tous les exportateurs et importateurs potentiels afin de déterminer si les marchandises en cause importées au Canada dans la PVE, soit du 1 juin 2019 au 30 juin 2020, étaient sous-évaluées. Les renseignements demandés serviront à établir les valeurs normales, les prix à l’exportation et les marges de dumping, s’il y a lieu.

[150] Toutes les parties ont été clairement avisées des renseignements dont l’ASFC a besoin et du temps dont elles disposent pour les fournir.

Mesures à venir

[151] Le TCCE fera une enquête préliminaire pour décider si les éléments de preuve donnent une indication raisonnable que le présumé dumping des marchandises a causé ou menace de causer un dommage à la branche de production nationale. Le TCCE doit rendre sa décision dans les 60 jours après l’ouverture de l’enquête; si elle est négative, il mettra fin à l’enquête.

[152] Si la décision de dommage du TCCE est positive et que l’enquête préliminaire de l’ASFC conclut effectivement à un dumping, l’ASFC rendra une décision provisoire de dumping dans les 90 jours après avoir ouvert son enquête, soit d’ici le 21 décembre 2020. Si les circonstances le justifient, ce délai pourra être porté à 135 jours.

[153] Si, avant d’avoir rendu une décision provisoire, l’ASFC devient convaincue que les marchandises d’un pays donné ne se sont importées au pays qu’en quantités négligeables, l’article 35 de la LMSI l’obligera à mettre fin au volet de son enquête portant sur ce pays.

[154] Les marchandises en cause importées et dédouanées à compter du jour de la décision provisoire de dumping, si leur description ne correspond pas à celle de marchandises dont il a été décidé que leur marge de dumping était négligeable, peuvent être frappées de droits provisoires ne dépassant pas leur marge estimative de dumping.

[155] Si l’ASFC rend une décision provisoire de dumping, elle continuera d’enquêter pour en arriver à une décision définitive dans les 90 jours après la décision provisoire.

[156] Après la décision provisoire, si son enquête révèle que les marchandises d’un exportateur donné n’ont pas été sous-évaluées, ou que la marge de dumping est négligeable, l’ASFC exclura de son enquête en dumping les marchandises de cet exportateur.

[157] Advenant une décision définitive de dumping, le TCCE continuera son enquête et tiendra des audiences publiques sur la question du dommage sensible causé à la branche de production nationale. Il aura 120 jours après la décision provisoire de l’ASFC pour rendre ses conclusions sur les marchandises auxquelles cette décision définitive s’applique.

[158] Si le TCCE rend des conclusions de dommage, les marchandises en cause importées et dédouanées après cette date seront frappées de droits antidumping équivalents à leur marge de dumping.

Droits rétroactifs sur les importations massives

[159] Lorsque le TCCE mène son enquête sur le dommage causé à la branche de production nationale, il peut se demander si les marchandises sous-évaluées importées un peu avant ou après l’ouverture de l’enquête constituent des importations massives sur une courte période ayant causé un dommage à la branche de production nationale.

[160] S’il conclut par l’affirmative, alors les importations de marchandises en cause dédouanées auprès de l’ASFC dans les 90 jours précédant la date de la décision provisoire pourraient être frappées de droits antidumping.

Engagements

[161] Après que l’ASFC a pris une décision provisoire de dumping selon laquelle la marge estimative de dumping n’est pas minimale, un exportateur peut prendre l’engagement écrit de réviser ses prix de vente au Canada de façon à éliminer la marge de dumping ou le dommage.

[162] Seuls sont acceptables les projets d’engagement qui englobent toutes les exportations ou presque de marchandises sous-évaluées vers le Canada. Après le dépôt d’un projet d’engagement, les parties intéressées ont neuf jours pour formuler leurs observations. L’ASFC tiendra une liste des parties intéressées, et les avisera des projets reçus. Quiconque souhaite être avisé doit fournir son nom, son adresse, son numéro de téléphone, son numéro de télécopieur et son adresse électronique à l’agent dont le nom figure ci-après sous « Renseignements ».

[163] Dès l’acceptation d’un engagement, l’enquête et la perception des droits provisoires sont suspendues. Mais même alors, un exportateur peut demander que l’ASFC termine son enquête en dumping, et le TCCE, sa propre enquête en dommage.

Publication

[164] Un avis d’ouverture de la présente enquête sera publié dans la Gazette du Canada conformément au sous-alinéa 34(1)a)(ii) de la LMSI.

Renseignements

[165] Nous invitons les parties intéressées à présenter par écrit des exposés renfermant les faits, arguments et preuves qui, selon elles, ont trait au présumé dumping. Les exposés écrits doivent être envoyés à l’attention du Centre de dépôt et de communication des documents de la LMSI.

[166] Pour être pris en considération à cette phase de l’enquête, tous les renseignements doivent être reçus par l’ASFC au plus tard midi le 29 octobre 2020.

[167] Tous les renseignements présentés à l’ASFC par les parties intéressées au sujet de la présente enquête seront considérés comme publics, sauf s’ils portent clairement la mention « confidentiel ». Lorsque l’exposé d’une partie intéressée est confidentiel, une version non confidentielle de l’exposé doit être fournie en même temps. La version non confidentielle sera mise à la disposition des autres parties intéressées sur demande.

[168] Les éléments confidentiels seront communiqués sur demande écrite aux avocats indépendants des parties, contre engagement à protéger leur confidentialité. Ils pourront être communiqués également au TCCE, à toute cour canadienne, et aux groupes spéciaux de l’Organisation mondiale du commerce ou de l’Accord de libre-échange nord-américain pour le règlement des différends. Pour en savoir plus sur la politique de l’ASFC concernant la communication de renseignements au titre de la LMSI, on pourra communiquer avec l’agent dont le nom figure ci-après ou bien visiter le site Web de l’ASFC.

[169] Le calendrier de l’enquête et une liste complète des pièces justificatives se trouvent en ligne à l’adresse https://www.cbsa-asfc.gc.ca/sima-lmsi/i-e/menu-fra.html. La liste sera tenue à jour.

[170] Le présent Énoncé des motifs a été fourni aux personnes directement intéressées par la procédure; il est disponible également sur le site Web de l’ASFC à l’adresse ci-dessous. Pour de plus amples renseignements, on communiquera avec l’agent dont le nom figure ci-après :

Centre de dépôt et de communication des documents de la LMSI
Direction des programmes commerciaux et antidumping
Agence des services frontaliers du Canada
11-100 rue Metcalfe
Ottawa ON  K1A 0L8

  • Téléphone :
  • Joël Joyal : 613-954-7173

Courriel : simaregistry-depotlmsi@cbsa-asfc.gc.ca

Le directeur général
Direction des programmes commerciaux et antidumping
Doug Band

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